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VICTOIRE, subst. fém.
A. −
1. Succès remporté à l'issue d'un combat, d'une bataille, d'une guerre. Synon. réussite, triomphe; anton. défaite, échec, insuccès, revers.Toutes les vieilles femmes de la campagne, bien loin de songer encore à cette étonnante victoire de Marengo qui avait changé les destinées de l'Italie, et reconquis treize places fortes en un jour, n'avaient l'âme occupée que d'une prophétie de saint Giovita (Stendhal, Chartreuse, 1839, p. 12).C'est sur la base de la fidélité à l'alliance, coûte que coûte, avec la Grande-Bretagne, dans le but d'une victoire commune, que le général De Gaulle a construit toute son entreprise (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p. 658).
SYNT. Belle, éclatante victoire; victoire complète, décisive, facile; victoire aérienne, navale; victoire des alliés, de l'armée française, de Napoléon; victoire contre un ennemi; victoire sans lendemain; bulletin, communiqué de victoire; jour de victoire; hymne, lauriers de la victoire; aller, marcher, voler à la victoire; assurer, donner, obtenir, remporter la victoire; être l'artisan de la victoire; mener ses troupes à la victoire.
Victoire finale. Avantage décisif marquant l'achèvement d'une guerre. Il faut bien alimenter sans cesse la foi de la nation en sa victoire finale (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 810).
HIST. Le Père la Victoire. [Surnom de Georges Clemenceau] Sur la candidature de Clemenceau à la Présidence de la République. Maurras était contre Clemenceau. J'étais pour. Nous avons chacun défendu notre point de vue, et, en fin de compte, c'est Maurras qui l'a emporté, puisque le Père la Victoire a échoué (L. Daudet, Brév. journ., 1936, p. 100).
Loc., p. anal. ou au fig.
Aller, voler... de victoire(s) en victoire(s). Obtenir facilement et rapidement un grand nombre de succès. Napoléon, allant de victoires en victoires à travers l'Europe, réalisa trop tard que la stratégie anglaise (...) finirait par l'emporter dès que la France serait épuisée par ses triomphes (Billotte, Consid. strat., 1957, p. 40-02).Si (...) l'action immédiate est liée aux fins lointaines, ce n'est pas parce que le syndicat peut voler de victoire en victoire, augmenter toujours les salaires et réduire toujours les heures, c'est parce que « l'émancipation des travailleurs » commence tout de suite (Reynaud, Syndic. en Fr., 1963, p. 62).
Chanter, crier victoire. Se prévaloir bruyamment d'un succès encore peu assuré. Le Tiers État cria victoire et affecta de considérer le vote par tête comme acquis (Lefebvre, Révol. fr., 1963, p. 123).
S'empresser, voler... au secours de la victoire. Se ranger tardivement aux côtés du parti, du camp qui est en train de triompher. Quelle force (...) vient aux forts de l'universelle lâcheté des faiblesfonctionnaires, politiciens, moines, ou troupeau de moindress'empressant au secours de la victoire! (Clemenceau, Vers réparation, 1899, p. 48).Quand l'U. R. S. S. (...) comprendra qu'un dictateur fasciste et un parti conservateur ont sincèrement volé au secours de sa victoire, je doute qu'elle leur soit très reconnaissante (Sartre, Mains sales, 1948, 4etabl., 4, p. 155).
Victoire à la/de Pyrrhus. [P. allus. aux victoires, coûteuses en vies humaines, remportées par Pyrrhus] Victoire si chèrement acquise que celui qui l'obtient ne peut s'en réjouir. L'industrie moyenne a dévoré la petite industrie. Victoires de Pyrrhus! car voilà qu'elle est dévorée à son tour par l'industrie en grand (L. Blanc, Organ. trav., 1845, p. 5).Il ne s'était pas trompé: son succès était une victoire à la Pyrrhus. (...) par une ironie des choses qui n'est point rare, il se trouvait patronné, cette fois, par ses vieux ennemis, les snobs, les gens à la mode (Rolland, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1483).
2. [Par personnification] Divinité allégorique qui porte avec elle la réussite. La victoire sourit aux audacieux. La victoire, pour ainsi dire encore parée des trois couleurs, s'est réfugiée dans la tente du duc d'Angoulême (Chateaubr., Polém., 1818-27, p. 371).
BEAUX-ARTS. Représentation iconographique de cette divinité (généralement sous les traits d'une femme ailée, tenant dans une main une palme, dans l'autre une couronne de laurier). Victoire de Délos, d'Olympie; temple de la Victoire aptère. La figure humaine se réfugie dans des divinités nues, drapées à l'antique: victoire porteuse de palmes ou de couronnes (Viaux, Meuble Fr., 1962, p. 132).
B. − P. ext.
1. Avantage décisif remporté sur un adversaire lors d'une compétition, d'une lutte.
a) Domaine sportif.Victoire individuelle, d'équipe; victoire aux points, par K.O.; victoire en deux manches; avoir, inscrire de nombreuses victoires à son palmarès. Un nombre important de nations nouvelles venues qui, comprenant l'importance publicitaire d'une victoire olympique, cherchent à détecter et à former des élites (Jeux et sports, 1967, p. 1236).
b) Domaine pol., relig., soc., etc.Victoire du candidat libéral. La ruine de la bourgeoisie et la victoire du prolétariat sont également inévitables (Jaurès, Ét. soc., 1901, p. xvi).Majorités sans cesse plus orientées vers la gauche aboutissant à la victoire du Front populaire en 1936 (Lidderdale, Parlement fr., 1954, p. 38).
2. Domaine intellectuel, affectif, moral, etc.Fait de vaincre une difficulté, un obstacle; en partic., fait de vaincre ses instincts, ses passions.
a) [À propos d'une pers.] Remporter une victoire intérieure, morale. Ce fut sans doute avec une profonde sagesse que les Romains appelèrent du même nom la force et la vertu. Il n'y a en effet point de vertu proprement dite, sans victoire sur nous-mêmes, et tout ce qui ne nous coûte rien, ne vaut rien (J. de Maistre, Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p. 246).Cet amant infirme [Rousseau], dont la vie sentimentale connut si peu de victoires, nous a laissé de son premier amour cette peinture d'une fraîcheur éternelle (Mauriac, Trois gds hommes dev. Dieu, 1947, p. 74).
b) [À propos d'une caractéristique intellectuelle] Victoire de l'esprit, de l'intelligence sur l'ignorance, sur l'obscurantisme. La comtesse l'emporta. La victoire du bon sens sur la folie calma ses plaies, elle oublia ses blessures (Balzac, Lys, 1836, p. 133).La liberté n'est plus (...) cette victoire de la raison sur les passions qui fut toujours une marque de la pensée bourgeoise (Nizan, Chiens garde, 1932, p. 227).
C. − En interj. [Pour exprimer la joie d'avoir triomphé dans un domaine quelconque] Victoire! Jean, accourant tout essoufflé. Victoire!... victoire!... nous l'emportons! (Scribe, Bertrand, 1833, ii, 9, p. 164).C'est bien, mon vieux! Au vote! Au vote!Victoire! s'exclamait Decraemer (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 135).
Prononc. et Orth.: [viktwa:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1100 victorie « avantage remporté sur l'ennemi à la guerre » (Roland, éd. J. Bédier, 3512: Avrum nos la victorie del champ?); 1160-74 victoire (Wace, Rou, II, 1501, éd. A. J. Holden, t. 1, p. 65: joie out de la victoire); b) 1834 expr. victoire de Pyrrhus (Sainte-Beuve, Volupté, t. 2, p. 57); 1912 victoire à la Pyrrhus (Rolland, loc. cit.); c) 1899 venir au secours de la victoire (Clemenceau, Iniquité, p. 352); 1922 voler au secours de la victoire (Proust, Temps retr., p. 784); 2. a) ca 1220 « avantage remporté sur un adversaire, un concurrent, un rival, dans une lutte quelconque, une compétition, une épreuve, etc. » (Gui de Cambrai, Barlaham, éd. C. Appel, 1936: en sa victoire iert [mort] dont vaincue); 1552 (Ronsard, Œuvres compl., éd. P. Laumonier, t. 4, p. 81: mon cuœur [...] Pour eviter le feu de ta victoire); b) 1680 chanter victoire (Mmede Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, t. 2, p. 802); 1759 crier victoire (Voltaire, Hist. de l'Empire de Russie, éd. 1761, t. 1, p. 342); 3. 1551 « avantage moral remporté sur soi-même, sur ses passions » (Ronsard, op. cit., t. 3, p. 67: Et la victoire parfaitte Que l'Esprit en avoit eu [sur la Chair]); 1588 (Montaigne, Essais, III, 8, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 925: la victoire que je gaigne sur moy); 4. 1555 « déesse, vierge ailée symbolisant la victoire » (Ronsard, op. cit., t. 8, p. 45: ô déesse Victoire); 1558 « statue la représentant » (J. Du Bellay, Le Premier livre des antiquitez de Rome, Songe ds Œuvres poét., éd. H. Chamard, t. 2, p. 32); 1690 « peinture la représentant » (Fur.); 5. 1624 interj. (Urfé, Astrée, t. 4, p. 267: criant: victoire, victoire, nous avons obtenu victoire!). Empr. au lat.victoria « victoire (à la guerre); succès, triomphe; la déesse Victoire, statue de la Victoire »; dér. de victor « vainqueur », et celui-ci de vincere (vaincre*). Fréq. abs. littér.: 5 026. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 7 604, b) 5 017; xxes.: a) 6 255, b) 8 436.