| VERDURE, subst. fém. A. − 1. Couleur verte des organes végétatifs, des végétaux chlorophylliens. Verdure des prairies, des prés. Nous attribuons nos affections à ses couleurs [de la fleur]: l'espérance à sa verdure, l'innocence à sa blancheur, la pudeur à ses teintes de roses (Chateaubr., Génie, t. 1, 1803, p. 208).Le printemps (...) se ralentit déjà; la poésie intérieure prend une teinte pâle comme les gazons qui passeront bientôt de leur verdure triomphante à ce jaune aride et brûlé dont l'ardente saison les frappera (M. de Guérin, Corresp., 1834, p. 141). 2. Couleur d'une chose naturellement verte ou teinte en vert. L'eau avait bleui les murailles, raviné les verdures du crépi (Châteaubriant, Lourdines, 1911, p. 173).Ma mère (...), dans sa robe de verdure mousseuse ornée d'une fleur mauve (Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p. 10). B. − 1. a) Ensemble des organes végétatifs qui deviennent verts au printemps ou qui restent verts. Verdure éternelle, naissante, nouvelle; verdure foncée, noire, pâle, sombre, tendre; douce, fraîche, jeune verdure. L'émotion de la vie nouvelle ne commence pas pour nous quand toute la nature se couvre de la verdure uniforme des végétations vulgaires. Elle commence quand nous voyons le chêne, du feuillage ligneux de l'autre an (...), arracher sa feuille nouvelle; quand l'orme (...) nuance d'un vert léger la délicatesse austère de ses rameaux aériens (Michelet, Oiseau, 1856, p. 164).Les belles verdures des arbres levaient leurs masses régulières, ruisselantes de sève, comme acides à l'œil. (...) de partout d'en haut venait (...) le même grand flot de feuillages (Ramuz, A. Pache, 1911, p. 210). − P. méton. Printemps. Un vieillard qui aura cent ans à la verdure prochaine (Feuillet, Scènes et com., 1854, p. 121). − Au fig. [À propos d'une pers.] Début de la vie, épanouissement de la jeunesse. Il peut (...) être permis de se parer en un âge qui est la fleur et la verdure des ans, qui est la matinée et le printemps de la vie (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 3, 1848, p. 219). − En partic. Herbe, gazon. Tapissé de verdure. Je la conduisis sur la pelouse (...). Nous nous assîmes sur un lit de verdure entouré d'arbres fruitiers (Genlis, Chev. Cygne, t. 2, 1795, p. 21). b) GASTR. Légume (notamment avec des feuilles vertes) ou plante aromatique consommé(e) cru(e) en salade ou cuit(e). Lavez (...) une forte poignée de cerfeuil, une vingtaine de branches d'estragon, (...) une pincée de ciboulettes. Cette verdure étant égouttée, vous la faites blanchir (...) avec du sel, afin de la conserver bien verte (Gdes heures cuis. fr.,Carême,1833, p. 131).Au pavillon des légumes-fruits: 192.000 kilos, de verdures diverses principalement, épinards et salades (L'Œuvre, 23 mars 1941). c) Au plur., ÉLEV. ,,Fourrages consommés verts, tout particulièrement au printemps, après les mois d'hiver où le bétail a mangé surtout des fourrages secs`` (Fén. 1970). Elle alla arracher de l'herbe pour ses lapins (...), elle rapportait de pleins tabliers de verdures grasses, sur lesquelles ses bêtes tombaient goulûment (Zola, Faute Abbé Mouret, 1875, p. 1454). d) DÉCOR. Feuillage servant à garnir un bouquet de fleurs, une table, un local. Des feuilles de fougère, délicatement rangées, changeaient certaines assiettes en bouquets entourés de verdure (Zola, Ventre Paris, 1873, p. 636).V. bosquet ex. 4. 2. Ensemble des végétaux verts qui recouvrent un territoire. Verdure du jardin, du parc; caché, enfoui dans la verdure; couronné, couvert de verdure; au milieu de la verdure; en pleine verdure; cadre, fond de verdure; bouquets, îlots, masses, massifs, mer, océan, rempart, rideau, voûte de verdure; odeur, parfum de verdure. Une épaisse verdure est jetée sur tout ce pays comme un manteau splendide; c'est dans toute l'île un même fouillis d'arbres, (...) des milliers de cocotiers (...) balancent perpétuellement leurs têtes au-dessus de ces forêts (Loti, Mariage, 1882, p. 98). ♦ Berceau de verdure. V. berceau II A 1.Des chemins creux qui s'engouffraient sous des berceaux de verdure, dont les branches réunies, s'abaissant en voûtes (...) permettaient à peine d'y passer (Flaub., Champs et grèves, 1848, p. 293).Cabinet de verdure. V. cabinet1I A 1 p. anal.La charmille (...) plantée de petits pieds (...) que l'on dirigera en tonnelle continue appelée « cabinet de verdure », lieu futur de causerie à l'ombre (Pesquidoux, Livre raison, 1925, p. vi).Salle de verdure. V. salle C 3. ♦ Coin, trou de verdure. Petit espace à l'écart dans la nature et où abondent les végétaux. C'était un petit coin de verdure enchâssé dans la roche grise. Une herbe fine et serrée formait le tapis; quelques massifs de troënes et de lauriers servaient de tentures (About, Roi mont., 1857, p. 106).L'entonnoir profond qui contient, dans un merveilleux et énorme trou de verdure, plein d'arbres, de broussailles, de rocs et de fleurs, le lac Pavin (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Humble drame, 1883, p. 402). ♦ Théâtre* de verdure. Il me paraissait que tout dans les pièces de Shakespeare (...) sent (...) le théâtre de verdure. M. Boulenger se dit frappé au contraire de ce que ces pièces présentent de livresque, de « spectacle dans un fauteuil » (Thibaudet, Réflex. litt., 1936, p. 83). − P. méton. Tapisserie à verdure(s)/de verdure ou, p. ell., verdure (de Flandres, etc.). Tapisserie représentant principalement un ensemble de végétaux. Tendu de verdure(s). On appelait verdures d'Auvergne des tentures de tapisserie représentant des arbres, des feuillages et des oiseaux, sans personnages et sans paysage déterminé. On les fabriquait, je crois, à Clermont (Sand, Beaux MM. Bois-Doré, t. 1, 1857, p. 210).Une chambre de princesse captive, tendue de vieille tapisserie à verdure (Feuillet, Journal femme, 1878, p. 36).[Le tableau] représente un jugement de Pâris sur un fond de forêt pareil à une verdure: Une verdure flamande aux arbres fabuleusement bleus (Lorrain, Sens. et souv., 1895, p. 304). 3. Empl. subst. fém. Ce qui est végétal, le végétal. Sitôt les primes tiédeurs de mars, il semait le volubilis traditionnel et le classique haricot d'Espagne. Car il avait, ainsi que tout vrai Parisien, la passion ingénue et émue de la verdure (Courteline, Ronds-de-cuir, 1893, p. 134).Je ferai mon entrée dans le monde (...) Comment me passer de la campagne, avec cette faim de verdure qui ne me quitte guère? (Colette, Cl. école, 1900, p. 280). C. − Argot 1. Laisser qqn en verdure. ,,Le laisser en plant « pour reverdir »`` (Esn. 1966). Rester en verdure. Il était resté en verdure pendant que les autres étaient partis à la rigolade (Esn.1966,p. 2). 2. Être verdure. Être réduit à l'impuissance, être sans argent. Tâche d'en sortir [de la prison maritime] et surtout ne te bile pas: si tu es verdure, tu peux t'en rapporter à moi pour serrer la cuiller [faire son affaire] à ce vieux fayot (Dépêche de Brest, 10 févr. 1906ds Esn. Poilu 1919, p. 537).− Trois francs! Mon vieux, faudrait voir à m'remplumer, sans ça, en r'descendant, j'suis verdure. − T'es pas l'seul à avoir pas lourd (Barbusse, Feu, 1916, p. 194). REM. 1. Verduresse, subst. fém.,vx, synon. (supra B 1 b).Vendre, acheter de la verduresse (Lar. 20e). Les cris qui, naguère, peuplaient le silence des rues (...): (...) la marchande de primeurs, offrant « la tendresse, la verduresse » (Dumesnil, Hist. théâtre lyr., 1953, p. 202).[En loc. exclam.] Une marchande de quatre-saisons (...) usait pour sa litanie de la division grégorienne: À la tendresse, à la verduresse Artichauts tendres et beaux Ar-tichauts (Proust, Prisonn., 1922, p. 118). 2. Verduret, -ette, adj. et subst. fém.a) Adj. Légèrement vert. Ce (...) qui n'était pas encore bien mûr au temps de la vendange. Tout ce qui était encore un peu vert, un peu verduret (Péguy, Myst. charité, 1910, p. 26).b) Subst. fém., vieilli. Broderie verte sur l'habit des Académiciens. La gent de lettres doit se remuer beaucoup maintenant pour avoir son fauteuil. « À l'Académie! (...) » (...). Aux trente-neuf visites qu'il faut faire dans Paris pour briguer la verdurette, je préfère celle que je ferai (...) pour vous baiser les deux mains (Flaub., Corresp., 1867, p. 316). Prononc. et Orth.: [vε
ʀdy:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Fin xiies.-déb. xiiies. « couleur verte de la végétation » d'où « herbes, plantes, feuilles vertes » (Chansons attribuées au Chastelain de Couci, éd. A. Lerond, p. 159); 1629 cabinet de verdure (F. Boisrobert, Histoire indienne, p. 386); 1874 théâtre de verdure (Michelet, Chemins Europe, p. 498); 2. 1393 « plantes potagères de couleur verte » (Ménagier de Paris, II, 5, éd. G. E. Brereton et B. Smalley, p. 248); 3. 1464 tappicerie de verdure (Mandement de Philippe Le Bon ds Havard); 1574 p. ell. verdure (Testam. de feu Clement Sarasin, Chirog., A. Tournai ds Gdf. Compl.). Dér. de vert*; suff. -ure*. Fréq. abs. littér.: 1 816. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3 084, b) 4 286; xxes.: a) 2 601, b) 1 229. DÉR. Verdurier, -ière, subst.a) Subst. masc., hist. ,,Bas-officier qui fournissait les salades, les asperges et autres légumes verts, dans les maisons royales`` (Raymond 1832; dict. xixeet xxes.). b) Subst., vx ou région. (Nord de la France, Belgique). Personne qui vend de la verdure, des légumes verts. Le petit carreau des Halles commençait à s'animer. Les charrettes des maraîchers (...), des verduriers se croisaient (Nerval, Bohême gal., 1853, p. 148).Une puissante voix féminine, dans la rue, modula l'appel des verdurières (Colette, Chambre d'hôtel, 1940, p. 180).− [vε
ʀdyʀje], fém. [-jε:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694 (1694-1878 au masc.; 1935 au masc. et au fém.). − 1resattest. 1553-55 verdurier (Dép. de la mais. roy., Arch. Seine-et-Marne ds Gdf.), 1596 verduriere (Hulsius); de verdure, suff. -ier*. |