| * Dans l'article "VEILLER,, verbe" VEILLER, verbe A. − Empl. intrans. 1. Vieilli. [Corresp. à veillée A] Assister à une veillée; passer la soirée en compagnie. Veillé chez les ***; lecture, causerie et parties de dames (Amiel, Journal, 1866, p. 250). 2. Être en état de veille, ne pas être endormi. La douleur aiguë à son flanc, il doutait maintenant s'il l'avait vraiment éprouvée; il ne comprenait plus où commençait, où s'arrêtait son rêve, ni si maintenant il veillait, ni s'il avait rêvé tout à l'heure (Gide, Caves, 1914, p. 702). 3. Ne pas dormir volontairement pendant le temps consacré normalement au sommeil. Veiller tard, jusqu'à minuit, jusqu'au matin, toute la nuit; veiller pour attendre qqn, pour lire, pour travailler; veiller pour rester auprès/près d'un malade, d'un mort; veiller au chevet de qqn. Adolescent, il tirait un vif sentiment d'orgueil à veiller quand tous dormaient; il attendait l'ange qui vient visiter celui qui a résisté le plus longtemps au sommeil (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 120). − P. métaph. Au fond du sanctuaire À peine on aperçoit la tremblante lumière De la lampe qui brûle auprès des saints autels. Seule elle luit encor, quand l'univers sommeille: Emblème consolant de la bonté qui veille Pour recueillir ici les soupirs des mortels (Lamart., Médit., 1820, p. 196). ♦ [Le suj. désigne une lumière] Bougie qui veille. Une petite lampe électrique veillait, sur la table de nuit (Duhamel, Nuit St-Jean, 1935, p. 194). 4. Être de garde, en particulier, la nuit. Un réseau de barbelés encerclait la conférence. Des postes américains veillaient au-dehors et au-dedans et ne laissaient entrer, ni sortir, personne (De Gaulle, Mém. guerre, 1956, p. 77).V. vedette I A ex. de Hugo. − P. métaph. Sur les pitons aigus veillent en sentinelles d'étranges petites villes, dont les maisons-forteresses (...) se ramassent dans une étroite enceinte (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 343). 5. Être en éveil, être vigilant. Les chevaux faillirent s'emballer. Heureusement que le cocher veillait, et put les retenir à temps (Ramuz, A. Pache, 1911, p. 149). − P. métaph. Sa présence d'esprit, sa vertu, veillaient dans le péril le plus extrême (Sainte-Beuve, Volupté, t. 2, 1834, p. 133). B. − Empl. trans. 1. Empl. trans. dir. a) Vieilli. Surveiller.
α) [Le compl. d'obj. désigne une pers.] Il a de mauvais desseins, il faut le veiller de près (Ac.1835, 1878).[L'alpiniste aveugle] a le pied montagnard, puis son fils est là qui le veille, lui place les talons (A. Daudet, Tartarin Alpes, 1885, p. 187).
β) [Le compl. d'obj. désigne une chose] Jean-Louis, va-t'en veiller la bécane, garçon. Vois-tu que le type saute dessus et file derrière notre dos (Bernanos, Crime, 1935, p. 749). − MAR. Veiller les icebergs. Maintenant on veille l'horizon, et la première terre qui paraîtra tout à l'heure sera une terre bretonne (Loti, Mon frère Yves, 1883, p. 150).Veillant les éperons sous-marins, nous nous sommes engagés dans les couloirs étroits et sinueux dont les crêtes semblaient atteindre le ciel (Charcot, Mer Groëland, 1929, p. 62). b)
α) Passer la nuit auprès d'un malade pour le surveiller, pour s'occuper de lui. Le médecin sortit. − Il faudra veiller Jacques pendant cette nuit, mère Colas. S'il vous disait qu'il étouffe, vous lui feriez boire de ce que j'ai mis dans un verre sur la table (Balzac, Méd. camp., 1833, p. 132).Moi qui l'ai veillé, toutes les nuits à l'époque de sa congestion pulmonaire (Mauriac, Myst. Frontenac, 1933, p. 164).
β) Passer la nuit au chevet d'un mort. Le commandant (...) fait porter son corps à l'église (...). Toute la nuit, à tour de rôle, nous l'avons veillé. Moi, de dix heures à minuit (Arland, Ordre, 1929, p. 197). − P. métaph. Entr'ouverts ces cercueils ornés de fleurs mouillées Une lampe y demeure et veille mes noyées (Genet, Poèmes, 1948, p. 54). c) Veiller que + subj.Synon. vieilli de veiller à ce que (infra 2 b).Veillez que chose pareille ne recommence pas (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Nos Angl., 1885, p. 53).Prends garde et veille que le char Qui porte mon enfant n'échappe à ton regard (Moréas, Iphigénie à Aulis, 1903, p. 150). 2. Empl. trans. indir. a) Veiller à qqc./qqn.Prendre soin de quelque chose/quelqu'un, s'en occuper attentivement.
α) Rare. [Le compl. d'obj. désigne une chose concr.] Des domestiques (...) versaient les vins, veillaient au pain et aux carafes (Zola, Curée, 1872, p. 340).Femmes qui vivent au logis, font la soupe, veillent aux hardes (Mille, Barnavaux, 1908, p. 238). ♦ Veiller au grain. V. grain II A.
β) [Le compl. d'obj. désigne une chose abstr.] Veiller au bonheur, à la conservation, à la défense, à l'éducation, à l'exécution, aux intérêts, au maintien, au salut, à la sécurité, à la sûreté de qqn/qqc. Quel délice ce m'est de me souvenir de ma vie chez toi, de ces quelques jours (...) où j'ai cessé de me contraindre, de me dissimuler, de veiller à mes paroles, de me faire une attitude! (Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1907, p. 272). − HIST. Veillons au salut de l'empire. [Chant patriotique sous la Révolution]
γ) Rare. [Le compl. d'obj. désigne une pers.] Je jure de veiller avec soin aux fidèles dont la direction m'est confiée (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 1, 1870, p. 360). b) Veiller à ce que + subj.Faire en sorte que, prendre garde que. Il faut (...) protéger la reproduction naturelle [des poissons] (...) en veillant à ce que les espèces ne soient ni pêchées, ni troublées, au moment du frai (Code pêche fluv., 1875, p. 136). c) Veiller à + inf.Faire en sorte que, prendre garde à. Un pré marécageux où il faut veiller à ne pas s'enfoncer (Duranty, Malh. H. Gérard, 1860, p. 226).Dieu sait si les nazis veillaient à empêcher toutes relations entre Français et Allemandes (Ambrière, Gdes vac., 1946, p. 197). d) Veiller sur qqc./qqn.Surveiller attentivement quelque chose/ quelqu'un, en prendre soin.
α) [Le compl. d'obj. désigne une chose concr.] Veiller sur le linge. Il se pratiquait des lectures gratuites à l'étalage des libraires par les jeunes gens affamés de littérature et dénués d'argent. Les commis chargés de veiller sur les livres exposés laissaient charitablement les pauvres gens tournant les pages (Balzac, Illus. perdues, 1839, p. 293).[Les] adultes (...) apprennent au petit à veiller sur sa pelle lorsqu'on le mène au jardin public (Jeux et sports, 1967, p. 129). − P. métaph. L'étroit passage entre les Corbières et la mer, sorte de Thermopyles sur lesquelles veillait le château de Salses (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 353).
β) [Le compl. d'obj. désigne une chose abstr.] Veiller sur le bonheur, la conduite, les jours, le sommeil, la vie de qqn. Si l'homme ne veille pas sur les desirs de son ame, et sur sa priere même, il peut encore augmenter son infortune, parce que les desirs de l'homme sont puissants (Saint-Martin, Homme désir, 1790, p. 72).Il faut que tu veilles sur ta santé cérébrale pour qu'elle ne soit plus troublée par le moindre malaise (Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1907, p. 285). − P. métaph. Une de ces lampes antiques et pâles qui veillent au milieu de la nuit sur le sommeil ou la volupté (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 411).
γ) [Le compl. d'obj. désigne une pers.] Veiller sur ses enfants. Matrena Pétrovna erre, dans la maison, de la cave au grenier, veillant sur l'époux comme une chienne de garde, prête à mordre, à se jeter au-devant du danger, à recevoir les coups, à mourir pour son maître (G. Leroux, Roul. tsar, 1912, p. 22). Prononc. et Orth.: [vεje], [ve-], (il) veille [vεj], [vε:j]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Intrans. 1. ca 1120 veillier « être en état de veille; ne pas dormir pendant le temps destiné au sommeil » (Psautier Oxford, éd. Fr. Michel, 101, 8); 2. 1176-84 villier (Gautier d'Arras, Eracle, éd. G. Raynaud de Lage, 3202); 3. 1210 « rester constamment en éveil pour intervenir en cas de besoin » (Herbert de Dammartin, Foulque de Candie, éd. O. Schulz-Gora, 6101). B. Trans. 1. 1340 « tenir quelqu'un dans l'état de veille » (Gilles le Muisit, Li Lamentations ds Poésies, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 1, p. 63) − 1573 [éd.], J. A. de Baif ds Gdf. Compl.; 2. a) 1409 « passer la nuit au chevet d'un mort » Avoir... veliet le corps de le ditte feue (3 août, Exéc. test. de Maigne Esquiequelme, VeDestamquierque, A. Tournai, ibid.); b) 1465 « passer la nuit auprès d'un malade, pour l'assister en cas de besoin » (Exéc. test. Grard Le Crich, A. Tournai, ibid.: Pour avoir veillié ledit deffunct durant sa malladie); 3. ca 1590 [éd.] « exercer une surveillance sur quelque chose ou sur quelqu'un » (Montaigne, Essais, I, 23, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 111); 4. 1794 « (d'une source lumineuse) rester allumée auprès de quelqu'un, constituant ainsi une sorte de présence » (Chénier, Élégies, p. 53: C'est moi, près de son lit, qui fis veiller les feux Pour garder mes amours, pour éclairer nos jeux). C. Trans. indir. 1. veiller à a) 1538 + subst. « s'occuper activement de quelque chose, y donner tous ses soins » (Est.); b) 1538 « prendre garde à » (ibid.); c) 1549 veiller à faire qqc. (ibid.); mil. xviiies. veiller à ce que + subj. (Montesquieu, Esprit des Lois, XV, XVII, éd. J. Brethe de la Gressaye, t. 2, p. 232); 2. 1553 veiller sur qqn, qqc. (La Bible, s.l., impr. J. Gérard, Nomb. 31, 30). D. Subst. 1536 ung... veiller nocturne (R. de Collerye, Le Blason des Dames ds
Œuvres, éd. Ch. d'Héricault, p. 127). E. 1690 « passer la veillée avec des parents, des amis, pour se distraire » (Fur.: On va ce soir veiller chez un tel, on y jouëra, on y dansera). Du lat. class. vigilare « veiller, être éveillé, être sur ses gardes, attentif », dér. de vigil « éveillé, vigilant, attentif », comme subst. « garde de nuit, veilleur ». E est dér. de veille* étymol. I; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 3 756. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 5 501, b) 6 119; xxes.: a) 5 816, b) 4 500. DÉR. Veilloir, subst. masc.a) Région. Lieu où se déroule une veillée. Les vieilles riaient dans le veilloir, arrêtant le mouvement de leurs pauvres mains tremblantes, qui tricotaient des bas ou filaient de l'étoupe (Moselly, Terres lorr., 1907, p. 17).b) Technol. Table où travaillent les bourreliers, les cordonniers, les selliers. (Dict. xixeet xxes.). − [vεjwa:ʀ]. − 1resattest. a) 1680 « table sur laquelle le bourrelier place ses outils et ses matériaux » (Rich.), b) 1881 région. « cave dans laquelle les femmes veillent ensemble en travaillant » (Menière, Gloss. du pat. ang.), 1893 id. « lieu où l'on se réunit pour faire la veillée » (Martellière, Gloss. Vendômois); a dér. de veiller étymol. A, suff. -oir*, cette table étant ainsi appelée parce que les ouvriers se rangent autour pour travailler le soir à la chandelle (v. FEW t. 14, p. 438b, note 10); b mot du centre de la France, dér. de veiller étymol. E au sens de « faire la veillée », suff. -oir*. |