| VALET, subst. masc. A. − [Désigne une pers.] 1. a) Vieilli
α) ,,Jeune gentilhomme attaché à la personne d'un chevalier ou d'un grand seigneur, pour remplir auprès de lui les fonctions de page ou d'écuyer`` (Bouillet 1859).
β) HIST. (Ancien Régime). Officier faisant partie de la maison du roi ou d'une maison princière. Valet de chambre du roi; valet de limiers. Bonaparte se rendit à l'église de Notre-Dame dans les anciennes voitures du roi, avec les mêmes cochers, les mêmes valets de pied marchant à côté de la portière (Staël, Consid. Révol. fr., t. 2, 1817, p. 42).La chemise donnée au roi [par le grand chambellan], le premier valet de chambre aidant à passer la manche droite, le premier valet de garde-robe la manche gauche: de même au coucher, le premier valet de chambre défaisant la jarretière à droite, le premier valet de garde-robe à gauche (MarionInstit.1923). b) [Dans un jeu de cartes] Carte sur laquelle est représenté un jeune écuyer, et qui par ordre d'importance vient après le roi et la dame. Valet de cœur, de carreau, de pique, de trèfle; un brelan, un carré de valets. Le banquier a vu le battement des cils, il découvre son jeu: valet de carreau, cinq de pique (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 399). − P. anal., vx. Valet de carreau. Personne sans valeur, qui ne mérite aucune considération. On le reçut comme le valet de carreau, comme un valet de carreau (Ac.1798-1878). 2. a) Domestique à gages employé par une personne pour la servir. Synon. laquais, serviteur.Valet fidèle, dévoué: L'Espagnol rentra chez lui et dit à Zampa: − As-tu des amis? − Belle question, dit insolemment le Portugais; Monsieur n'en a-t-il pas? − Eh bien, acheva don José, tu peux aller les voir demain. On m'ordonne de te renvoyer pour vingt-quatre heures. Don José montra à son valet confident le billet de Banco.
Ponson du Terr., Rocambole, t. 4, 1859, p. 259. − En partic. ♦ Valet de chambre. V. chambre I A 2 a loc. diverses. ♦ Valet de pied. Serviteur en livrée qui escorte son maître, l'aide à monter ou descendre de voiture, etc. Joseph montait dans sa voiture conduite, en cette circonstance, par le chauffeur assisté du valet de pied (Duhamel, Passion J. Pasquier, 1945, p. 93). ♦ Valet d'armes, armé (vx). Garde du corps. (Dict. xixeet xxes.). ♦ Valet à louer. Domestique qui n'a plus de maître (Ac. 1798-1878). − Expressions ♦ Être (comme) le valet du diable (vieilli). Faire plus qu'on ne demande. Je ne suis pas le valet du diable, je n'en fais pas plus qu'on ne m'en dit, mais je fais ce qu'on me dit (Soulié, Mém. diable, t. 1, 1837, p. 20). ♦ Être congédié comme un valet. Être congédié brutalement. (Dict. xixeet xxes.). − Proverbes ♦ Les bons maîtres font les bons valets. ,,En traitant bien ses domestiques, on s'en fait bien servir`` (Ac. 1878). ♦ Tel maître, tel valet. V. maître I A 1. − THÉÂTRE. Valet de comédie. Serviteur qui se caractérise par son sens de la ruse et de l'intrigue. Le valet de comédie est effronté, hardi, voleur, mais habile, souvent dévoué (Guizot1864).Le bouffon anglais n'a rien du valet de comédie ni du Gracioso. Le seul personnage avec lequel on puisse le confondre est son compatriote, le clown qui lui survit encore aujourd'hui (Thibaudet, Réflex. litt., 1936, p. 90). b) P. ext., péj. Synon. laquais, larbin.
α) Personne d'une complaisance servile et intéressée; personne qui sert quelqu'un, une cause avec un empressement servile. Valets du pouvoir; se conduire en valet. C'étaient presque toujours des valets complaisants qui se tenaient aux ordres, et qu'une prompte libération venait récompenser d'avoir bien servi le nazisme contre la communauté captive (Ambrière, Gdes vac., 1946, p. 148). ♦ P. anal. Trop de journaux bourgeois ou valets de bourgeois, trop même de « grands littérateurs », dont la vie entière a été de combines (...) d'exploitation hideuse du régime, s'écrient aujourd'hui que si la France a été battue, c'est parce que le Français n'était qu'un fainéant (L'Œuvre, 14 mars 1941). − Se faire le valet de qqn. Se montrer servile à l'excès à l'égard de quelqu'un. Le plus fort est que toutes les contraventions profitaient (...) aux Allemands, dont Brook, adroit manœuvrier, s'était fait le plat valet. Il saluait militairement les officiers, portait leur valise (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 379). − Âme de valet. Esprit servile, bas. (Dict. xixeet xxes.).
β) Personne méprisée. La situation changeait, l'instituteur n'était plus le pauvre hère, le valet mal payé, méprisé des paysans, devant le curé mieux renté, engraissé par son casuel (Zola, Vérité, 1902, p. 275). 3. Domestique à gages, ouvrier agricole, aide chargé d'effectuer certains travaux. Valet d'auberge, d'abattoir. ♦ Valet de chaudière (vx). Domestique chargé de faire la vaisselle. (Dict. xixes.). ♦ Valet de cuisine. Aide cuisinier. Synon. marmiton.Car j'entendais un jour, en passant dans un couloir près d'une cuisine, un gâte-sauce qui proclamait avec des gestes emphatiques: « La culbute finale, tous, il faudra qu'ils y passent, oui, tous! Le Roi comme les autres! » Et j'ai approuvé qu'au bout de ma philosophie je trouve un valet de cuisine (Montherl., Reine morte, 1942, iii, 4, p. 212). ♦ Valet d'écurie. Domestique chargé du soin des chevaux. Synon. palefrenier.Espèce de démon domestique, sa joie était de maltraiter chiens, marmitons, valets d'écurie, et jusqu'aux lingères de l'hôtel, car il affichait pour les femmes le mépris dû à leur pusillanimité et à leur faiblesse (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p. 46). − [Dans une exploitation agricole] ♦ Valet de charrue. Aide qui est chargé de l'entretien de la charrue et de l'attelage. Une fiction optimiste mettait sur un pied d'égale indépendance le valet de charrue du dernier hameau de la Lozère et le riche fournisseur aux armées de la Chaussée d'Antin (J.-R. Bloch, Dest. du S., 1931, p. 117). ♦ Valet de cour. Domestique chargé du soin de la basse-cour. [Bénédict à Louise:] − (...) qu'ils se fassent valets de cour ou valets de basse-cour (Sand, Valentine, 1832, p. 140). ♦ Valet de ferme. Ouvrier agricole. Jean Destreux, le valet de ferme qui fut écrasé chez nous en tombant du haut d'un chariot de blé (Lorrain, Phocas, 1901, p. 294). ♦ Maître valet. Celui qui dans une ferme a autorité sur les autres valets. (Dict. xixeet xxes.). − CHASSE. Valet de limier(s). Aide qui fait le bois avec le limier et s'occupe de la répartition des relais. L'expérience et la sagacité des vieux traqueurs de sangliers et des valets de limier (Vidron, Chasse, 1945, p. 103).Valet de chiens (courants). V. chien1I B synt. e. − [Dans une fonction de service publ.] ♦ Valet de bourreau. V. bourreau I A.Expr., vieilli. Cruel, insolent comme un valet de bourreau. D'une cruauté impitoyable, d'une insolence odieuse (ibid.). ♦ Valet de ville, de place. Commis affecté au service des voyageurs d'une ville. Le fonctionnaire public, depuis le chef suprême de l'État jusqu'au dernier valet de ville est le mandataire de la nation (Proudhon, Révol. soc., 1852, p. 167). B. − [Désigne une chose] Appareil, dispositif, objet destiné à faciliter un travail, à maintenir, à supporter quelque chose. ♦ Valet à débotter (vx). Tire-bottes. (Dict. xixeet xxes.). ♦ Valet de nuit. Large cintre monté sur pieds permettant de disposer les différentes pièces d'un costume d'homme. (Dict. xxes.). − CHIM. ,,Lamelle porte-objet sur la platine du microscope`` (Duval 1959). Support qui sert à donner une assise à un tube, à un ballon. (Dict. xxes.). − HORLOG. Pièce de la quadrature d'une montre ou d'une pendule à répétition. (Dict. xixeet xxes.). − MENUIS. Pièce de fer coudée à angle aigu qui sert à maintenir une pièce de bois sur l'établi. Le fût doit toujours être fait avec du bois sec, et d'une contexture très-ferme. Le layetier veut-il se servir de ces deux outils, il arrête sur l'établi le bois au moyen du valet, et le bout de la pièce contre le crochet (Nosban, Manuel menuisier, t. 2, 1857, p. 198). − MOBILIER Valet de miroir. ,,Morceau de bois ou de métal qui, placé derrière les miroirs de toilette, les soutient d'aplomb`` (Havard 1890). Valet de siège. ,,Armature en fer se repliant sur elle-même, qu'on adaptait aux sièges dits de commodités, et sur laquelle on pouvait disposer un pupitre ou une petite table`` (Havard 1890). − PÊCHE. Perche de bois munie de deux crochets permettant de maintenir un filet de pêche tendu et ouvert. (Dict. xixeet xxes.). − SERR., vx. Contrepoids qui permet à une porte de se refermer d'elle-même. Un contre-poids qui, disposé mécaniquement derrière une porte, monte lorsqu'on ouvre cette porte et puis redescend de lui-même pour faire qu'elle se referme sans qu'on y touche, est un valet (Jossier1881). − TISS. Arrêt d'appui à ressort qui dans les métiers à tisser à bras sert à maintenir le rouleau en place lorsqu'il a effectué un quart-de-tour. (Dict. xixeet xxes.). Prononc. et Orth.: [valε]. Homon. formes de valoir (valais...). Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. « Garçon, jeune homme issu de maison noble, non encore armé chevalier, qui accomplit divers services » a) ca 1140 domaine de la chasse (Geffroi Gaimar, Estoire des Engleis, éd. A. Bell, 6361); 1155 (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 14207: Garçons apela e vadlez, Levriers fist mener e brachez [...], Unc cerf ne bisse ne troverent); b) 1160-74 service des armes (Id., Rou, éd. A. J. Holden, III, 3600: Od Willeaume fu Gui norriz Des que il fu vadlez petiz; [...] E quant il l'out fait chevalier [...]; III, 8758); ca 1170 (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 1964: Comanda [li rois Artus] .C. vaslez baignier, Que toz les vialt chevaliers faire; 4257); c) ca 1170 services domestiques (Id., ibid., 3120: O lui un escuier venoient dui vaslet Qui portoient et pain et vin Et cinc fromages de gaïn; 4236); d) 1611 « carte à jouer sur laquelle est représentée la figure d'un jeune écuyer » valet de Picques (Cotgr.); 2. 1155 « enfant mâle, issu de maison noble » (Wace, Brut, 1403: Guendoliene rout enfant Un vallet, meïsme cel an, Sil firent apeler Madan); 1160-74 (Id., Rou, III, 1047); ca 1170 (Rois, I, XVII, 33, éd. E. R. Curtius, p. 34: Respundi Saül [à David] Ne te poz pas a lui cupler, kar tu es vadlez e il [Goliath] est un merveillus bers de sa bachelerie); 3. 1260 « aide du maître, du patron; apprenti » (Étienne Boileau, Métiers, éd. R. de Lespinasse et Fr. Bonnardot, I, I, 44: vallès ou aidans a Talemelier; nombreux ex., index, p. 395a); 4. « serviteur, domestique » [cf. A 1 c duquel il est délicat de le dissocier, cf. 1615, Pasquier, Rech., VIII, 3 ds Hug.: valet ancienement s'adaptoit fort souvent à titre d'honneur près des rois [...] Maintenant [...] il se donne à ceux qui entre nos serviteurs sont de moindre condition, et quasi par contemnement et mespris] 1174-76 (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 3978; 4683: vaslet a pié); mil. xves. péj. faire les bons varletz « se montrer bassement complaisant » (Journal d'un bourgeois de Paris, éd. A. Tuetey, p. 28); 1658 votre valet formule d'adieu (Loret, Muse hist. ds Livet Molière); spéc. a) 1306 un vallet de sa chambre [du roi] (Joinville, St Louis, éd. N. L. Corbett,603, p. 209); 1372 varlés de chambre (D. Foulechat, trad. du Policrat. de J. de Salisb., Bibl. nat. fr. 24287, fol. 90a ds Gdf. Compl.); b) 1377 varlet de chiens (Gace de La Buigne, Deduis, éd. Åke Blomquist, 8009-8010); c) 1549 varlet de cuisine (Est.). B. Élément destiné à rendre un service, à faciliter un travail 1. a) 1539 varlet d'huis « contrepoids refermant une porte » (Est. d'apr. FEW t. 14, p. 200b); 1549 (Est.); b) 1752 valet « barre servant à bloquer le battant d'une porte » (Trév.); 2. 1589 vallet [de miroir] (Inventaire de Cath. de Médicis ds Havard t. 4, col. 1503); 3. 1622 menuis. vallet (E. Binet, Merv. de nat., p. 445 ds Gdf. Compl.); 4. 1723 mégiss. (Savary d'apr. FEW, loc. cit.; éd. 1741, t. 3, col. 536); 5. 1765 horlog. valet ou sautoir (Encyclop. t. 16, p. 817b). D'un b. lat. *vassĕllĭtus ou *vassŭlĭtus dér. de vassus (v. vassal) à l'aide du suff. -ĭttu (-et*) précédé respectivement des suff. -ĕllu (-eau*) ou -ŭlu (v. -ule). Pour les sens du mot en a. fr. et ses nuances par rapport aux synon. bachelier*, jouvenceau*, damoiseau*, meschin (v. mesquin), voir A. Stefenelli, Der Synonymenreichtum der altfranzösischen Dichtersprache, pp. 68-74; v. aussi garçon. À rapprocher de B 3, l'a. prov. varlet « valet d'établi d'un menuisier » (1473 ds Pansier t. 3). Fréq. abs. littér.: 2 895. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 4 883, b) 6 406; xxes.: a) 3 364, b) 2 688. DÉR. 1. Valetage, subst. masc.a) Vx. Office de valet. (Dict. xixeet xxes.). b) Au fig., péj. Conduite servile, basse courtisanerie. Au plur. Actes de servilité. Ceux qui ont de l'esprit ont mille bons contes à faire sur les sottises et les valetages dont ils ont été témoins (Chamfort, Max. et pens., 1794, p. 37).− [valta:ʒ]. Att. ds Ac. 1798-1878. − 1resattest. a) 1401 a. wall. varletaige « droit qu'un ouvrier compagnon payait à ses compagnons de métier » (doc. Arch. Mons ds Gdf.), seulement en m. fr., ibid., b) 1680 « service de valet » (Rich.); de valet, suff. -age*. 2. Valeter, verbe intrans.,péj., vieilli. Avoir une assiduité servile auprès de quelqu'un pour obtenir quelque chose. Léon Bloy comprit alors que toute démarche serait inutile, qu'on le lâchait simplement et ignoblement parce qu'on avait le besoin de valeter ou de putasser au Figaro, et que son amitié devenait compromettante (Bloy, Journal, 1893, p. 93).[Dans une tournure factitive] Faire valeter qqn. ,,Abuser de la complaisance de quelqu'un pour lui faire faire des courses, des démarches nombreuses`` (Ac. 1935). − [valte], (il) valette [-lεt]. Att. ds Ac. dep. 1694. − 1resattest. a) 1537 trans. « asservir » (Cl. Marot, Ep. de Frippelippes, 74 ds
Œuvres, éd. C. A. Mayer, t. 2, p. 99), b) 1557 intrans. « agir en valet » (Fontaine, Epigr., p. 97 ds Hug.); de valet, dés. -er. BBG. − Nicholson (G. G.). Ét. étymol. R. Ling. rom. 1929, t. 5, pp. 50-58. − Quem. DDL t. 11 (s.v. valeter). − Sculpt. 1978, p. 11. |