| VAINQUEUR, subst. masc. A. − 1. a) Personne qui a remporté un avantage décisif dans un combat, dans une bataille, à la guerre. Synon. victorieux; anton. vaincu.Henri IV, le vainqueur des Saxons et le vaincu de Grégoire VII (Hugo, Rhin, 1842, p. 304).Au cinquième siècle, la collaboration de la Gaule et de Rome s'exprima encore d'une manière mémorable par Aétius, vainqueur d'Attila aux Champs Catalauniques (Bainville, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 17). − [Suivi d'un nom propre de bataille] Dumouriez avait échoué en Hollande, perdu la Belgique, puis il avait émigré (...) après avoir livré aux Autrichiens les commissaires de la Convention. La défection du vainqueur de Valmy et de Jemmapes signifiait un manque de confiance qui pouvait devenir grave (Bainville, Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 80). − Au sing. à valeur de coll. Peuple, pays qui a vaincu l'ennemi, le peuple adverse. Subir la loi du vainqueur. On était au soir d'une bataille victorieuse, dans laquelle le vainqueur a souvent perdu autant de monde que le vaincu (Foch, Mém., t. 2, 1929, p. 281). SYNT. Le(s) vainqueur(s) de Rome, d'Austerlitz, de Crécy, de Rocroi, de Waterloo, des Gaules, de l'Italie, des rois; le(s) vainqueur(s) des vainqueurs, du monde; vainqueurs d'une lutte; les vainqueurs et les vaincus; vainqueur barbare, généreux, superbe; généreux, grand, jeune, puissant, nouveau, véritable, vrai vainqueur; le(s) bras, le(s) cri(s) du/des vainqueur(s); camp, chef, générosité, langue, ville, rangs des vainqueurs; char, clémence du vainqueur; courage d'un vainqueur; la magnanimité, l'égard, la sagesse de la part des vainqueurs; l'amour, la haine, le prestige, le prix du vainqueur; sous la pression des vainqueurs; qqc. bâti, foulé aux pieds par le(s) vainqueur(s); paix sans vainqueurs ni vaincus; la couronne, la palme promise au(x) vainqueur(s); distribuer les prix aux vainqueurs; accommodement avec les vainqueurs; se rendre, se soumettre au(x) vainqueur(s); (r)entrer en vainqueur dans une ville. − Les vainqueurs de la Marne. Les gendarmes. (Ds Esn. Poilu 1919). − Empl. adj. Chef, chevalier, ennemi, étranger, général, guerrier, héros, peuple vainqueur; généraux, roi(s), Romains, soldat(s) vainqueur(s); [p. méton.] bras, drapeau vainqueur; entrer vainqueur dans une ville, dans une capitale; être vainqueur dans une guerre, dans une lutte; sortir vainqueur du combat. Des bas-reliefs méplats d'une dimension prodigieuse, qui représentaient sous la forme consacrée le Pharaon vainqueur flagellant ses ennemis et les foulant aux pieds (Gautier, Rom. momie, 1858, p. 226).Si nous sommes vainqueurs, mon ami, c'est tout bonnement que nous aurons eu de meilleurs canons, de meilleurs fusils, de meilleurs généraux et de meilleurs soldats (Bourget, Sens mort, 1915, p. 46). b) Rare. [Le compl. du nom désigne Dieu] L'emporter sur Dieu dans un combat spirituel. Nous serons vainqueurs de Dieu; − comprenez-vous bien cela, mon cher Hello, qui ne pouvez pas mourir? − victorieux de Dieu, qui nous forma tout exprès pour qu'à la fin nous triomphassions de Lui (Bloy, Journal, 1894, p. 124).Empl. adj. [P. allus. à la Bible, à la lutte de Jacob contre l'ange] Ton nom ne sera plus Jacob, mais tu seras appelé Israël; car tu as lutté avec Dieu et avec les hommes et tu as été vainqueur (Ramuz, A. Pache, 1911, p. 175). 2. a) Celui qui soumet à son emprise un animé qui résiste. Les plumes volent. L'usurpateur est attaqué au corps, à l'œil. Le combat est furieux, tournoyant, court. Le vaincu est chassé hors des limites, et n'y revient guère. Par hasard j'observe le vainqueur (Alain, Propos, 1923, p. 540).V. kamichi ex. de Michelet. b) Littér ou vieilli. Celui qui a conquis le cœur d'une femme. Le vainqueur d'une belle; beau vainqueur. Une cousine au regard enragé Qui sortait chez le père aux grands jours de congé, Un démon de velours, une pensionnaire Dont le vainqueur d'Elvire eût fait son ordinaire (Bainville, Cariat., 1842, p. 47).V. vaincre A 2 b ex. de Michelet.Empl. adj. [P. méton., le subst. désigne une attitude, un comportement gén. attribués à une femme] Charme, sourire vainqueur; yeux vainqueurs. Quoi donc! quoi! mon souhait Où j'ai tout mis, mon âme Et mes rêves, me hait! L'amour nous vise. Certes, Notre effroi peut crier, Mais rien ne déconcerte Cet arbalétrier. Sachez donc, ô rebelle, Que souvent, trop vainqueur, Le regard d'une belle Ricoche sur son cœur (Hugo, Chans. rues et bois, 1865, p. 168). c) En partic., empl. adj. Air vainqueur. Air satisfait. Prendre des airs vainqueurs. Céard tout à fait extraordinaire avec ses gestes contournés et son air vainqueur en son corps pataud (Goncourt, Journal, 1887, p. 645).Et voici, elle était là, non plus dans les « nippes » de Thérèse, mais en « homme », l'air vainqueur d'une Clorinde (Guéhenno, Jean-Jacques, t. 2, 1950, p. 82). B. − Celui qui remporte un avantage sur un adversaire, un concurrent. Synon. gagnant; anton. perdant.Vainqueur d'une course, d'un tournoi; heureux vainqueur; tendre la main au vainqueur; féliciter, récompenser le vainqueur; prix décerné au vainqueur; proclamer le nom du vainqueur. Il revenait de sept huit années en arrière et le voilà maintenant capitaine de l'armée hollandaise, directeur d'usine (...), coureur cycliste (vainqueur du tour d'Europe) (Queneau, Loin Rueil, 1944, p. 141). − Empl. adj. Être vainqueur à la course; se croire (déjà) vainqueur; être proclamé vainqueur; sortir vainqueur d'une lutte; parti vainqueur. Victor lui ayant dit: « Patronne, celui qui sera vainqueur à la lutte vous embrassera! » Elle leva les épaules, à la manière des mères qui jugent qu'il y a un grain de folie dans les demandes de leurs enfants (R. Bazin, Blé, 1907, p. 305). C. − 1. a) Celui qui a dominé une force naturelle. On trouve, sans compter les détails de la grande aventure, un Icare dans la forme des tragédies grecques (...). Le poète, nouvel Icare, a réalisé le presque impossible, et a péri de la plus belle mort. (...) l'invincible audace du vainqueur des nuées représente l'esprit libre, notre ami, notre espoir, notre dieu (Alain, Propos, 1934, p. 1194). b) Dans le domaine moral.Celui qui a dompté ses passions. Anton. vaincu.Toute notre paix en cette misérable vie doit consister plutôt à souffrir patiemment qu'à ne point éprouver de contrariété. Celui qui sait le mieux souffrir jouira d'une plus grande paix. Il est vainqueur de lui-même et maître de la terre (Maine de Biran, Journal, 1818, p. 112). c)
α) Celui qui a triomphé d'une réalité puissante. Anton. vaincu.Le(s) vainqueur(s) du monde. Voyait-elle jonchant le sol les branches coupées des tilleuls: « Les feuilles pourrissent, disait-elle, mais nous sommes les vainqueurs de la mort » (Barrès, Colline insp., 1913, p. 162).Empl. adj. Le Christ vainqueur de la mort, de Satan, du dragon. Soudain, entre elle [l'amazone fabuleuse] et lui [le chevalier errant], il voit chevaucher le Messie vainqueur, et quand la lumière de la Jérusalem céleste a inondé les trois cavaliers du ciel, il peut s'écrier: « Ô Mort, où est ta victoire? » (Durry, Nerval, 1956, p. 141).Rare. [Pour désigner une femme] Des femmes, c'est encor la poète vainqueur Du rhythme souple et sûr et de la rime heureuse [M. Desbordes-Valmore] (Verlaine,
Œuvres compl., t. 3, Dédicaces, 1890, p. 208).
β) Empl. adj. [Le subst. déterminé désigne un inanimé] Vainqueur de la nuit, des ombres, du temps; astre, soleil vainqueur. Ses paysages [de Vermeer], comme ses meilleures figures, sont vainqueurs de l'espace à la façon des modernes (Malraux, Voix sil., 1951, p. 476). 2. ALPIN., lang. usuelle. Celui qui a atteint le premier le sommet d'une montagne. Le vainqueur de l'Annapurna. Toni Schmid, l'un des deux Schmid vainqueurs de la Paroi Nord, tué lui aussi, comme Croz, Hudson, Douglas et Hadow (Peyré, Matterhorn, 1939, p. 42). Prononc. et Orth.: [vε
̃kœ:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Subst. 1. a) 1remoit. xiies. « personne qui a remporté une victoire (au combat, à la guerre) » (Canticum Habaccuc [Hab. 3, 19] ds Psautier Oxford, éd. F. Michel, p. 241: venquere); xiies. (Everart de Kirkham, Distiques de Caton, 377, éd. E. Stengel, p. 127: vencur); b) 1656 loc. en vainqueur« en tant que vainqueur » (J. Chapelain, La Pucelle, p. 100); 1760 en vainqueur « comme le ferait un vainqueur » (Abbé Prévost, Le Monde moral, éd. 1784, p. 449: les traitoient déjà en vainqueurs); 2. 1550 « celui, celle qui a conquis le cœur de l'être aimé » (Du Bellay, L'Olive, LXX ds
Œuvres poét., éd. H. Chamard, t. 1, p. 87: eloingner le vainqueur); 1550 (Ronsard,
Œuvres compl., t. 1, p. 201: [ton œil] vainqueur [de mon cœur]); 1550 Amour vainqueur (Id., ibid., p. 233); 3. a) 1555 « personne qui l'emporte dans une lutte, une compétition, etc. » (Id., ibid., t. 8, p. 73, 9); b) 1925 alpin. (Estaunié, Sil. camp., p. 91: le vainqueur [de la Meije]); 1953 (L'Aurore, 3 juin, p. 11 a: Hillary [...] le vainqueur de l'Everest); 4. 1560 spéc., dans une lutte mor. (Ronsard, op. cit., t. 10, p. 320: lors que mon sens, de ma raison vainqueur); 1639 (Scudéry, L'Amour tirannique, p. 32: sois vainqueur de ton vice). B. Adj. 1. 1remoit. xiiies. [ms. 2emoit. xiiies.] « victorieux » (La Delivrance du peuple d'Israël, éd. W. Eickhoff, 1431: Kar de toz furent venkëor); xiiies. fém. (Bible, ms. B. N. 901, fo17 c ds Gdf. [prob. Sag. 10, 20: victrix manus]: vostre main vainqueresse); ca 1300 (Jean de Meun, trad. Boèce, Consolatio, éd. V. L. Dedeck-Héry, IV, P 6 ds Mediaeval Studies, t. 14, p. 251: la cause vainquerresse avoit pleu aus diex [lat. victrix causa]); 2. 1713 air vainqueur (A. Hamilton, Mém. de la vie du comte de Grammont, chap. 6, p. 132: il s'étoit mis sur son Air vainqueur, pour achever cette derniere Conquête); 1782 air vainqueur « air suffisant et satisfait » (R. M. Lesuire, L'Aventurier françois, p. 29). Dér. de vaincre*; suff. -eur2*. Fréq. abs. littér.: 2 196. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 4 131, b) 3 675; xxes.: a) 2 699, b) 2 220. |