| VÉTÉRAN, subst. masc. A. − ARMÉE 1. ANTIQ. ROMAINE. Soldat romain qui, après avoir effectué vingt-cinq années de service servait encore l'armée dans un corps dit corps des vétérans. Sylla avait quarante mille vétérans, avec six mille cavaliers et quelques soldats du Péloponèse et de la Macédoine (Michelet, Hist. romaine, t. 2, 1831, p. 181). 2. INSTIT. MILIT. (Armée fr.) a) Aux xviiieet xixes., militaire affecté, en raison de son âge ou de ses blessures, à une unité spéciale de réserve, appelée compagnie de vétérans. Vétéran de la Grande Armée, de la vieille garde, de Napoléon; capitaine, caporal, caserne, régiment de vétérans. Je suis entré dans le fort bâti par François Ier, où ne veillait plus un vétéran de l'armée d'Égypte, mais où se tenait un conscrit destiné pour Alger (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 69).Nous étions justement fiers de notre régiment (...). Il était composé en grande partie de soldats de l'ancien régime (...). Sans les vétérans qui nous encadraient, nous n'eussions rien valu (A. France, Étui nacre, Mém. vol., 1892, p. 241). − En appos. Gouverneur, soldat vétéran. [M. de Pontis] le plus vieil officier vétéran sous Louis XIV (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 1, 1840, p. 62). b) Mod. [Souvent opposé à conscrit] Soldat ayant de longs états de service. Ne trouves-tu pas dur, un vétéran comme toi, de te voir faire la leçon par des conscrits, qui en sont à leur première bataille? (Rolland, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1547). − En partic. Ancien combattant. Vétéran de 14-18. (Dict. xxes.). B. − P. ext. 1. Lang. cour. a) Personne âgée. Synon. ancien, vieillard, vieux.Nous tomberons les uns après les autres; jusqu'au dernier; la pelle du nouveau venu couvrira de terre le cadavre du vétéran (Proudhon, Syst. contrad. écon., t. 2, 1846, p. 83).N'importe, il faut lutter. L'heure sombre est venue. Quant à ton âge, eh bien, sois vieux, et continue, Vétéran (Hugo, Année terr., 1872, p. 296). − En partic. Doyen, aîné (d'un groupe, d'une assemblée). Il défendit, il vengea en termes chaleureux son vieil ami, le vétéran des diplomates (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 12, 1861, p. 123).J'ai fréquenté chez les aînés pendant une part de ma vie, en sorte que, partout, je me sentais « le plus jeune ». Partout où je vais, maintenant, je suis... l'un des vétérans, et c'est peut-être que, d'instinct, je recherche, en mûrissant, la société de mes cadets (Duhamel, Notaire Havre, 1933, p. 11). ♦ P. anal. [Pour désigner un animal ou un végétal] Les grands vétérans de la forêt (Pergaud, De Goupil, 1910, p. 142).Le lendemain, il attelait « Sultan », vétéran de son écurie (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 53). b) Personne ayant acquis, au fil des ans, savoir et expérience. Synon. connaisseur, expert, spécialiste.Le manuel de Giry est un ouvrage excellent qui reste le livre de chevet à la fois des novices et des vétérans (L'hist. et ses méth., 1961, p. 654). − LITT. Auteur ancien jouissant d'une notoriété reconnue. Synon. maître.Quels dons de rêve et d'angoisse parmi les vétérans qui dominent encore à l'heure actuelle la littérature de leur pays (Arts et litt., 1936, p. 52-4). c) Vétéran de − + subst. précisant le domaine de l'expérience ou du savoir.Vétéran de la plume, de la presse, du journalisme. Tous s'extasièrent sur la chance d'un vétéran de l'art dramatique, célèbre dans les deux mondes, − qu'ils méprisaient, mais qu'ils enviaient encore plus (Rolland, J.-Chr., Foire, 1908, p. 671).Ce vétéran d'une politique résolument canadienne me dit: « Je tiens à vous montrer le fond de notre pensée (...) » (De Gaulle, Mém. guerre, 1959, p. 216). − + inanimé abstr.Tu es condamné à la gravité austère des vétérans de l'amour (Amiel, Journal, 1866, p. 390).Quatre hommes fumaient (...) vieux ou jeunes, ils portaient cette distinction non méconnaissable des vétérans de la joie (Baudel., Poèmes prose, 1867, p. 189). ♦ [En mauvaise part] Vétéran de l'anarchie, de la controverse. Ce vétéran de la fatuité va de boudoir en boudoir promener d'insipides hommages que plusieurs jeunes femmes écoutent encore par respect pour la mémoire de leurs grand'mères (Jouy, Hermite, t. 3, 1813, p. 83). 2. Spécialement a) Arg. (des écoles). Redoublant d'une classe et en particulier des anciennes classes de rhétorique. [Mon petit frère] a été au-dessous de tout en littérature française (...) si bien qu'il a été recalé à l'examen et qu'il va redoubler sa cinquième à titre de vétéran (Courteline, Ronds-de-cuir, Mon pt frère, 1892, p. 202).Mon cher copain Louis Desternes, vétéran de rhétorique (L. Daudet, Qd vivait mon père, 1940, p. 164). b) MAR. ,,Ouvrier du port d'un arsenal, ancien matelot`` (Merrien 1958). J'ai un vétéran que je loge en garni, qui est quartier-maître dans le port (Loti, Mon frère Yves, 1883, p. 361). c) SPORTS. Catégorie de sportifs engagés dans une compétition après l'âge de 35 ans. Match des vétérans; compétition entre les espoirs et les vétérans. Parfois, en lisant des comptes rendus sportifs où l'on appelait vétéran un athlète de trente ans, il haussait les épaules. « Si c'est un vétéran, disait-il à Fernande, alors, moi, je suis déjà aux allongés » (Camus, Exil et Roy., 1957, p. 1595). REM. Vétérane, subst. fém.Les qualifications les plus relevées étaient trouvées facilement par ces vétéranes (Gobineau, Nouv. asiat., 1876, p. 160).En appos. Il y avait les aigles et les gélines, et les perdrix, et les grives vétéranes (Giono, Solit. pitié, 1932, p. 55). Prononc. et Orth.: [veteʀ
ɑ
̃]. Ac.1694, 1718: veteran; dep. 1740: vé-. Étymol. et Hist. 1. Hist. romaine a) 1520 [éd. 1541] subst. veterain (G. Michel, tr. Suétone, IV, 156 rods Hug.); 1606 veteran (Du Villars, Mém., an 1554 ds Gdf. Compl.); b) 1520 [éd. 1541] empl. adj. « de vétéran » loyers veteranes (G. Michel, op. cit., I, 17 rods Hug.); 2. p. anal. a) 1627 « magistrat qui s'est démis d'une charge et qui continue à jouir de certains privilèges » (Lett. pat., 14 juill. ds Littré); 1680 empl. adj. conseiller veteran [au Parlement] (Rich.); b) 1791 « (dans la garde nationale) citoyens âgés de plus de 60 ans » compagnie de vétérans (Décret du 27-28 juill. ds Brunot t. 9, p. 789, note 4); 1792 « vieux soldats rappelés au service pour sauver la patrie en danger » vétérans nationaux (Décret du 29 juill., ibid., p. 933, note 2); 3. 1680 p. ext. demeurer veteran en Rhetorique (Rich.); 4. 1747 p. iron. les vétérans de la fatuité (Gresset, Le Méch., I, 4 ds Littré); 1869 les vétéranes de l'amour (Pascariel, Le Peignoir rouge, in Le Bouffon polit., 31 juill., p. 67 ds Quem. DDL t. 18). Empr. au lat.veteranus adj. « vieux, ancien (en parlant de soldats) » veterani milites; subst. masc. plur. « les vétérans ». Fréq. abs. littér.: 202. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 438, b) 309; xxes.: a) 332, b) 119. DÉR. Vétérance, subst. fém.a) Instit. milit. Qualité d'un ancien officier reconnu apte à jouir, après de nombreuses années de service, du droit à certains honneurs et gratifications attachés à sa fonction. Il fallait généralement vingt-cinq ans de service aux commensaux du roi pour avoir des lettres de vétérance, et continuer à jouir de leurs privilèges (MarionInstit.1923).b) P. ext. État de ce, de celui qui est vieux, âgé, vétuste. Chez les vieux, la vétérance n'exclut pas l'énergie (Hugo, Actes et par., 3, 1876, p. 420).− [veteʀ
ɑ
̃:s]. Ac. 1694, 1718: veterance; dep. 1740: vé-. − 1reattest. 1705 lettres de veterance [accordées à des officiers royaux] (N. de Lamare, Traité de la police, I, XII, X, § IX, t. 1, 2eéd., 1722, p. 237); de vétéran, suff. -ance*. BBG. − Ranft 1908, pp. 89-90. |