| UTILITÉ, subst. fém. A. − 1. a) Caractère de ce qui est utile. Utilité d'un objet, d'un instrument, d'un outil; utilité d'un art, de la médecine, d'une théorie; utilité économique, matérielle, morale, sociale, spirituelle; être d'une grande utilité; sans utilité; n'être d'aucune utilité. La transmission des idées est bien loin d'être la seule utilité des langues; elle n'en est pas même la principale (Destutt de Tr., Idéol. 1, 1801, p. 344).Le savoir, qui était une valeur de consommation devient une valeur d'échange. L'utilité du savoir fait du savoir une denrée, qui est désirable non plus par quelques amateurs très distingués, mais par tout le monde (Valéry, Variété [1], 1924, p. 30). ♦ Il n'y a pas d'utilité à + inf.Il n'est pas utile de + inf. Mais pourquoi raconterais-je cette phase de son existence? Il n'y a pas d'utilité à remuer la cendre des morts quand leur trace dans la vie n'a pas été assez éclatante pour laisser derrière eux des abîmes entr'ouverts (Sand, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 353).J'ai bien réfléchi, pas longtemps, mais il n'y a pas d'utilité à réfléchir longtemps, et rien, dans ce qui m'occupe, n'en vaut la peine (Colette, Naiss. jour, 1928, p. 31). b) Qualité d'une personne qui est utile, qui rend des services. Jamais un homme n'est mauvais pour tout le monde, il fait toujours le bonheur de quelqu'un; de sorte que, lorsqu'on ne se met pas à un point de vue unique, on finit par se rendre compte de l'utilité de chaque être (Zola, DrPascal, 1893, p. 124).Une femme est d'une plus grande utilité pour notre vie, si elle y est, au lieu d'un élément de bonheur, un instrument de chagrin, et il n'y en a pas une seule dont la possession soit aussi précieuse que celle des vérités qu'elle nous découvre en nous faisant souffrir (Proust, Fugit., 1922, p. 496). 2. ÉCON. Utilité (économique). ,,Qualité d'un bien ou d'un service qui le rend apte à assurer une certaine fonction et de ce fait le rend désirable pour ses acquéreurs potentiels`` (Tézenas 1972). L'utilité économique, loin d'être une propriété physique d'un bien, est le reflet de l'importance qu'un sujet attache à ce bien, dont il estime que son bien-être subjectif dépend. L'utilité économique implique donc une appréciation (Romeuft. 21958). ♦ Utilité totale. ,,Ensemble des satisfactions que procurent toutes les doses d'un bien économique`` (Romeuf t. 2 1958). ♦ Utilité finale, limite, marginale. Satisfaction procurée par la dernière dose disponible d'un bien composé de plusieurs exemplaires (d'apr. Romeuf t. 2 1958). B. − 1. Bien, intérêt (de quelqu'un); avantage, profit (tiré par quelqu'un de quelque chose). Synon. convenance.Il semble que le mariage ait été spécialement institué pour l'agrément et pour l'utilité des poètes (Sandeau, Mllede La Seiglière, 1848, p. 214).La subordination de l'utilité privée à l'utilité commune quelle qu'elle soit a toujours un caractère moral, car elle implique nécessairement quelque esprit de sacrifice et d'abnégation (Durkheim, Divis. trav., 1902, p. xv). 2. DR. Utilité publique. ,,Avantage qu'une déclaration officielle de l'autorité publique reconnaît pouvoir être procuré soit au public, soit à un service public`` (Cap. 1936). Association reconnue d'utilité publique; expropriation pour cause d'utilité publique; déclaration, reconnaissance d'utilité publique. Les servitudes établies par la loi ont pour objet l'utilité publique ou communale, ou l'utilité des particuliers (Code civil, 1804, art. 649, p. 119): D'autres considérations, au surplus, me dissuadaient de les faire paraître [des pages écrites] aussitôt en France, où tout ce qui n'est pas conforme et reconnu d'utilité publique paraît suspect, et où, pour un long temps, je le crois, il ne sera plus permis de penser librement, ou du moins d'exprimer librement sa pensée.
Gide, Journal, 1943, p. 184. C. − Personne qui ne joue qu'un rôle utilitaire, qui n'a d'intérêt que parce qu'on peut en tirer avantage. Elle affectait pour son père et en général pour tous les gens de son ancien monde, le dédain le plus absolu. Ils étaient sortis de sa vie. Ils n'existaient plus qu'à l'état d'utilités, de machines à gagner et à faire valoir l'argent (Gyp, Leurs âmes, 1895, p. 98). D. − 1. SPECTACLES. Emploi, rôle subalterne au théâtre ou dans un spectacle; p. méton., acteur remplissant ce rôle. Mais, ma chère amie, ce sont deux utilités du Vaudeville et une doublure de l'Opéra-Comique... − Des demoiselles, mon cher, des demoiselles! et une femme comme moi ne peut, ne veut, ni ne doit se permettre ces inconséquences-là! (Balzac,
Œuvres div., t. 2, 1831, p. 401).Il jouait alors les « utilités », lui qui semblait fait, quand il manœuvrait seul, pour les premiers rôles (La Varende, Sorcière, 1954, p. 38). 2. P. anal. Personne vouée à occuper une place secondaire ou à servir de faire-valoir. Je ne m'abuse point: Adolphe est une médiocrité connue, jaugée; il n'a pas d'autre chance, comme il le dit, que se caser dans les utilités de la littérature (Balzac, Ptes mis., 1846, p. 122).D'Avrigny rencontra ce parent dont lui avait parlé Villefort, (...) un de ces êtres voués en naissant à jouer le rôle d'utilité dans le monde (Dumas père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 592). Prononc. et Orth.: [ytilite]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1remoit. xiies. « avantage, profit retiré par quelqu'un » (Psautier d'Oxford, éd. Fr. Michel, XXIX, 10: Quel utilitet el mien sanc? [Quae utilitas in sanguine meo; leçon du Psautier de Cambridge: prufit]); 1314 l'utilité du commun (Chirurgie de Henri de Mondeville, éd. A. Bos, Proheme, 1, t. 1, p. 1); 2. 1314 « ce en quoi une chose est utile » plur. (ibid.,250, t. 1, p. 72); déb. xvies. sans utilité (D'Aubigné, Création, V ds
Œuvres, éd. Réaume et Fr. de Caussade, t. 3, p. 361); 3. 1812 plur. « emploi de l'acteur qui, au besoin, joue tous les rôles » (Mozin-Biber). Empr. au lat.utilitas, -atis « utilité, avantage, profit, intérêt », plur. « intérêts, avantages ». Fréq. abs. littér.: 1 601. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3 747, b) 1 659; xxes.: a) 2 021, b) 1 506. Bbg. Quem. DDL t. 40. |