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TRUQUER, verbe
A. − Empl. intrans.
1. User d'astuces, de faux-semblants pour arriver à des fins plus ou moins honnêtes ou pour se tirer d'une situation fâcheuse. Synon. tricher.On va tirer au sort, dit le cabot.Non, protestèrent plusieurs escouades, y en a qui truquent... Qu'on partage d'après le nombre d'hommes (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 27).Derrière moi, la porte s'ouvrait, on venait voir « ce que je fabriquais »: je truquais, je me relevais d'un bond, je remettais Musset à sa place et j'allais aussitôt, dressé sur la pointe des pieds, les bras levés, prendre le pesant Corneille (Sartre, Mots, 1964, p. 56).
2. Arg. [Corresp. à truc1II B] Faire le truc, se prostituer. Puis des amants de cœur lui grugeaient tout. Elle devait truquer pour eux, au jour le jour (...) De la galanterie, elle était descendue à la retape (Richepin, Cauchemars, 1892, p. 194).[Il] lui a fait croire que je la trompais avec une autre qui truque sur le boulevard des Batignolles (Goron dsBruant1901, p. 383).
B. − Empl. trans.
1. Changer pour tromper, donner un autre aspect. Synon. falsifier, fausser, maquiller.Truquer un tableau, un meuble; truquer les cartes, les dés, le jeu; truquer une expérience; truquer des élections. On aurait dit qu'il ne vivait, qu'il ne pensait que pour conspirer, épier, trahir passionnément. On assurait qu'il volait, truquait, escamotait à lui tout seul bien plus que tous les autres employés réunis, pas fainéants pourtant, je l'assure (Céline, Voyage, 1932, p. 178).
Part. passé en empl. adj. Combat de boxe truqué; élections truquées. Une pièce truquée (Ac.1935).
2. Munir de dispositifs secrets. Très en verve, buvant beaucoup, il se met alors à raconter des histoires inédites sur d'Estrème, sur sa façon scientifique de truquer ses appartements ou ses bureaux à l'aide de verrous électriques maniables à distance, de sonnettes clandestines, de micros, et surtout, dit-il, sur sa manie de la photographie (Abellio, Pacifiques, 1946, p. 360).
3. SPECTACLES. Réaliser un film, mettre en scène une pièce en utilisant des trucs, des truquages. Le son se prête aussi au « truquage » et avec beaucoup plus de facilité que l'image. En effet, si l'œil d'un spectateur normal perçoit sans peine les défauts photographiques d'une image médiocrement truquée, l'oreille n'a pas la même sensibilité et un son « mixé » ou « réenregistré » plusieurs fois peut avoir, sauf pour de rares professionnels, la même valeur qu'un son enregistré dans des conditions normales (Arts et litt., 1936, p. 88-12).Dans les Bains de Diane à Milan, réalisé par Promio et truqué de même façon, les plongeurs sortaient de l'eau, les pieds les premiers, et sautaient rapidement sur les tremplins (Sadoul, Cin., 1949, p. 24).
Part. passé en empl. adj. Le Lac, l'Inondation, l'Orage, la Grotte enchantée, le Fond de la mer, Revue des Poissons, Réveil d'Amphitrite, l'Atlantide (une ville sous-marine): dire que chacun de ces mots, fait pour ouvrir par lui-même des perspectives magiques, représente un tableau tout entier, truqué, décoré, etc.! (Mallarmé, Dern. mode, 1874, p. 738).
REM.
Truquement, subst. masc.,hapax. Synon. de truquage.Même manque de travail. Même manque d'outil. Partout les mêmes embarras gauches. Partout les mêmes éloquences. Partout le même parlementarisme, les mêmes superstitions, les mêmes truquements parlementaires, les mêmes basculements (Péguy, Argent, 1913, p. 1111).
Prononc. et Orth.: [tʀyke], (il) truque [tʀyk]. Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist. A. Trans. [1840 arg. des forains « agencer, arranger secrètement (un jeu) » (d'apr. Esn. 1965)] 1865 truqué « falsifié, transformé en fausse antiquité » (Le Monde illustré, 8 avr., 210 d'apr. R. Arveiller ds R. Ling. rom. t. 29, p. 378); 1874 tableau... truqué « tableau arrangé, faux (comme les trucs d'un théâtre) » (Mallarmé, loc. cit.). B. Intrans. 1. [1846 « vivre d'industrie » (Un détenu, Intérieur des prisons d'apr. Esn. 1965)] ca 1840-50 « commercer » (Clémens ds Zaccone, Hist. bagnes, t. 1, p. 451); 1866 « faire des tromperies, ruser » (Delvau, p. 389); 1884 « faire ou vendre de fausses antiquités » (Villatte Parisismen, p. 228); 2. 1881 « faire le racolage, la prostitution » (Richepin, Chans. Gueux, p. 290). Dér. de truc1* I A 1 b et c; dés. -er. Substitué pour B (à rapprocher de truc1* A 2) à l'anc. forme trucher « pratiquer la fausse mendicité » (1628, Jargon ou langage de l'argot réformé ds J. Cellard, Anthologie de la litt. arg., Paris, 1985, p. 51). Fréq. abs. littér.: 93.
DÉR.
Truquerie, subst. fém.Fait de truquer, de falsifier; résultat de cette action. Tu crois ça toi les guignols?... qu'ils vont rien nous dire de plus? Tu crois pas qu'ils cachent une truquerie quelconque? (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 660). [tʀykʀi]. 1reattest. 1910 (Péguy, V.-M., comte Hugo, p. 743); de truquer, suff. -erie*.
BBG.Darm. 1877, p. 119. − Kohlhaas (D.). Die Familie von lat. trdere im Rom. In: Neue Beiträge zur rom. Etymologie/hrsg. von H. Meier. Heidelberg, 1975, p. 194. − Quem. DDL t. 7, 40. − Tafel (Ch.). Beiträge zur frz. Etymologie. Bonn, 1976, p. 56.