| * Dans l'article "TROQUER,, verbe trans." TROQUER, verbe trans. A. − 1. Troquer qqc. (contre qqc.).Donner en troc, échanger. Nos lointains ancêtres (...) s'enfonçant dans la nature inexplorée pleine d'inconnu redoutable, partirent, en suivant quelque vague piste, livrer ou troquer leur stock de silex polis (P. Rousseau, Hist. transp., 1961, p. 9). − P. métaph. Toujours nous trouverons (...) les classes dominatrices troquant contre les satisfactions immédiates d'égoïsme, la tromperie des paroles généreuses jetées en largesse aux souffrants (Clemenceau, Vers réparation, 1899, p. 111). − Proverbe. Troquer son cheval borgne contre un aveugle; troquer son cheval boiteux pour un borgne. Faire l'échange d'une chose mauvaise contre une plus mauvaise encore. Il faudrait bien prendre garde de ne pas troquer votre cheval boiteux pour un borgne. À mon avis vous ne devez quitter Corfou que pour avoir un consulat général (Mérimée, Lettres Grasset, 1870, p. 198). 2. Absol. M. Marsillat marchande toutes les pouliches du pays sans rien acheter! ou bien, quand il achète, il fait semblant de se dégoûter bien vite, et il revient pour troquer (Sand, Jeanne, 1844, p. 38). B. − P. ext. [Sans idée de comm.] 1. Échanger. Il peut arriver même que le recueillement soit aussi de l'action, comme il l'est chez vous. Je sais que vous vous occupez avec zèle des hospices de Santiago. Vous avez troqué l'épée pour le voile de Véronique (Montherl., Maître de Sant., 1947, III, 3, p. 646). 2. Abandonner, laisser quelque chose pour autre chose. Il se retourna vers le cabinet de toilette, et aperçut Daniel dans l'entrebâillement des rideaux. Le jeune homme avait troqué sa tunique contre la veste bleutée d'un pyjama (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 274). Prononc. et Orth.: [tʀ
ɔke], (il) troque [tʀ
ɔk]. Homon. troc. Att. ds Ac. 1694 et dep. 1740. Étymol. et Hist. 1. a) 1280 troquier « donner, céder en échange d'autre chose » (Clef d'Amors, éd. A. Doutrepont, 1067); fin xives. trochier (E. Deschamps,
Œuvres compl., éd. De Queux de Saint-Hilaire, t. 5, p. 168: car vertu n'est qui en vice ne troche); 1403-04 [date var. ms.] torquer (Christine de Pisan, Mutation de fortune, éd. S. Solente, 6343); 1434 trocher (Lettres de rémission ds Registres [JJ] 175, pièce 296 ds Du Cange, s.v. trocare: laquelle vache le suppliant Trocha ou eschanga à un beuf); 1472 troquer (Lettre de Louis XI ds Ordonnances des Rois de France, t. 17, p. 493 [d'apr. le Registre JJ 197, pièce 326 du Trésor des Chartes]: iceulx biens, denrées et marchandises descharger, vendre, troquer ou eschanger); 1481 absol. « pratiquer le troc » (Lettres de Louis XI, éd. J. Vaesen et E. Charavay, t. 9, p. 135: noz subgetz lesquelx viendront pratiquer et troquer); b) fin xvies. troquer de « changer de » (D'Aubigné, Tragiques V, 864 ds
Œuvres, éd. H. Weber, p. 171); 2. 1652 « abandonner, laisser une chose pour en prendre une autre » (Scarron, Virgile travesti VIII, 294a ds Richardson: maintes filles [...] s'habillèrent en garçons Troquant jupes en caleçons). Orig. incertaine. Peut-être d'un rad. onomat. trokk- (FEW t. 13, 2, p. 317) exprimant le frappement des mains des contractants, dans un geste destiné à valider l'échange (cf. toper). Cf. m. angl. trukie « donner en échange d'autre chose » (av. 1225 Ancren riwle 408 ds NED, s.v. truck) et lat. médiév. trocare (1257 Cartulaire de l'abbaye de Saint-Florent, près de Saumur ds Du Cange, s.v. trocare: equos [...] vendere vel trocare). Fréq. abs. littér.: 100. DÉR. Troqueur, -euse, subst.,rare. Celui, celle qui fait ou aime à faire des trocs. C'est particulier, ces magistrats, ces joueurs de cache-cache, (...) qui me semblent de vrais troqueurs descendus du conte de La Fontaine (Goncourt, Journal, 1878, p. 1248).− [tʀ
ɔkœ:ʀ], fém. [-ø:z]. Att. ds Ac. dep. 1740. − 1resattest. 1550-60 trocheur (Le Trocheur de maris, farce nouvelle a IV personnaiges ds Leroux de Lincy et Fr. Michel, Rec. de farces, moralités et sermons joyeux, t. 3, no59: Je suys trocheur prompt et habille), 1575 troqueur (Thevet, Cosmogr. univ., XIV, 12, fo544 vo: decrets [...] contre les Simoniacles, et vendeurs et troqueurs de Benefices); de troquer, suff. -eur2*. BBG. − Lewicka (H.). Dat. de mots. Kwart. neofilol. 1954, t. 1, p. 78 (s.v. troqueur). − Meier (H.). Rehabilitierte Etymologien. Rom. Forsch. 1968, t. 80, pp. 209-214. − Willmann (A.). Kaufen und verkaufen. Arch. St. n. Spr. 1876, t. 55, p. 323. |