| TRONÇON, subst. masc. A. − [À propos d'une chose] 1. a) Fragment, morceau coupé ou brisé d'un objet plus long que large. Tronçon de bois, de concombre, d'épée, de lance, de tube. L'animal est seul dans sa peau, et le végétal est multiple dans son écorce. Vous pouvez, des tronçons d'un saule, planter un bocage; mais avec les quartiers d'un mouton vous ne ferez jamais naître un troupeau (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p. 261).Au tronçon du grand mât est attaché un Père Jésuite, comme vous voyez, extrêmement grand et maigre (Claudel, Soulier, 1944, 1repart., 1rejournée, 1, p. 942). ♦ Couper, détailler,... qqc. en tronçons. Sectionner la plate-forme en tronçons de longueur modérée (Bourde, Trav. publ., 1929, p. 251).Blancs de poireaux à la Grecque. Détailler en tronçons de six à huit centimètres de longueur les blancs de gros poireaux que préalablement on aura épluchés et lavés (Gdes heures cuis. fr.,P. Montagné,1948, p. 190).[Dans un cont. métaph.] Heinrich (...) [à Goetz]: Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Le Père c'est moi, le Diable est mon fils; la haine, c'est le Saint-Esprit. Tu auras plus vite fait de débiter en tronçons la Trinité céleste que de couper notre Trinité en trois (Sartre, Diable et Bon Dieu, 1951, 5etabl., 3, p. 160). − Expr., vx. Faire un tronçon de chère lie. Faire un bon repas. Ni puritain ni sermonneur, il jurait de bonne grâce en donnant un conseil, et faisait volontiers un tronçon de chière lie quand l'occasion s'en présentait (Balzac, Messe athée, 1836, p. 88). b) Spécialement
α) ARCHIT. Chacun des éléments composant le fût d'une colonne. Deux pêchers sauvages croissent parmi les décombres, et plusieurs tronçons de colonnes corinthiennes (...) jonchent un pavé de granit rouge, chargé d'hiéroglyphes (Cottin, Mathilde, t. 1, 1805, p. 312). ♦ Colonne à tronçons. ,,Bloc de pierre ou de marbre généralement taillé en débit, de forme cylindrique et formant, avec un ou deux autres blocs, une colonne dite à tronçons`` (Nér. Hist. Art 1985).
β) MAR. Bout de vieux câble qu'on détord pour en faire du caret. (Dict. xixes., Lar. 20e). 2. Partie d'une ligne, d'une voie. Synon. fraction, portion, section, segment.Bref tronçon; tronçon d'autoroute, de route, de rue; tronçon périphérique. Des tronçons de cette voie [du chemin de fer] passent sous les rues couvertes, séparant les caves de chaque pavillon (Zola, Ventre Paris, 1873, p. 773). 3. Partie séparée d'une chose allongée. Tronçons d'un train, d'une rame de métro. En cas de rupture d'un attelage, − et cela peut se produire dans les fortes rampes, − le tronçon de train détaché s'arrête automatiquement par suite de la rupture du tuyau amenant l'air comprimé (Soulier, Gdes applic. électr., 1916, p. 173). − P. anal. Partie d'une file, d'une suite de personnes. Les tronçons d'arrière de la colonne (Barbusse, Feu, 1916, p. 335). B. − [À propos d'un être vivant] 1. Morceau tranché d'un animal au corps allongé et plus ou moins cylindrique. Tronçon d'anguille, d'un poisson, d'un serpent. Je le voyais, à terre, se débattre encore, comme le tronçon d'un ver remue sous le talon (Lacretelle, Silbermann, 1922, p. 88).Une serveuse avait posé sur la table des tronçons de merluche frite et une bouteille de vin d'un rose sale (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 89). 2. ART VÉTÉR. Partie de la queue du cheval, qui porte les crins et adhère à la croupe. (Dict. xixeet xxes.). C. − P. anal. ou au fig. 1. Partie, fragment d'une phrase, d'un texte. On vota sur le premier tronçon de phrase (Vogüé, Morts, 1899, p. 208).L'Empereur avait pris la parole (...) il lançait des mots sifflants comme des coups de fouet (...). Don Luis n'entendait que des tronçons de phrases, des scories projetées en l'air par ce volcan (Morand, Flagell. Séville, 1951, p. 194). 2. Petite partie d'un tout mutilé. Des esprits se croyant très supérieurs et même altiers, habiles seulement à diviniser leurs instincts et leurs penchants héréditaires, arrivent à n'avoir plus qu'un tronçon de raison (L. Daudet, Hérédo, 1916, p. 25): Il faut avoir vécu par l'âme et par l'esprit dans cet ombilic de l'intellectualité humaine [Paris], y avoir écorché vives ses illusions et ses espérances, et ensuite avoir trouvé le moyen de garder un tronçon de cœur, pour comprendre la volupté d'inhalation de cette atmosphère empoisonnée par deux millions de poitrines.
Bloy, Désesp., 1886, p. 160. 3. Portion isolée d'une suite logique ou chronologique. Les tronçons coupés du temps se sont rejoints (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 534).Son sommeil fut agité et par tronçons, à cause qu'il avait trop fumé (Barrès, Barbares, 1888, p. 248). Prononc. et Orth.: [tʀ
ɔ
̃sɔ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 trunçun « morceau rompu d'une chose longue et mince » ici d'une lance (Roland, éd. J. Bédier, 1352); ca 1135 dous tronçons (Couronnement Louis, éd. Y. G. Lepage, rédaction AB, 1044); a) 1470 en partic. « billot coupé dans un tronc d'arbre » ung tronchon de quesne (8 juin, Tutelle de Loys et Gillot Descamps, Arch. Tournai ds Gdf.); b) 1701 colonne par tronçons (Fur.); 2. 1680 « partie de la queue du cheval qui porte les crins » (Rich.); 3. 1690 « portion isolée d'une suite logique ou chronologique » (Fur.); 4. 1835 « portion d'une ligne, d'une voie » ici d'un fleuve (Lamart., Voy. Orient, t. 1, p. 182). Malgré le léger hiatus chronol., dér. de l'a. fr. trons « morceau, tronçon » ca 1180 Le trons de la lance (Jehan le Nevelon, La Vengeance Alixandre ds Elliott Monographs, no27, 718), du lat. pop. *trunceus « tronqué », dér. du lat. d'époque impériale truncus « id. ». Fréq. abs. littér.: 331. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 398, b) 793; xxes.: a) 431, b) 382. Bbg. Quem. DDL t. 16. |