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* Dans l'article "TRIVIAL, -ALE, -AUX,, adj."
TRIVIAL, -ALE, -AUX, adj.
I.
A. − Courant
1. [En parlant d'une idée, d'une réflexion, d'un jugement] Qui par sa fréquence est devenu banal, ordinaire, n'a plus aucune originalité. Comparaison, idée triviale. Un éclat de rire grossier, un haussement d'épaules, accompagné de quelque maxime triviale sur la folie des femmes, avaient constamment accueilli les confidences de ce genre de chagrins (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 36).S'il existe un phénomène évident, trivial, toujours semblable, et d'une nature à laquelle il soit impossible de se tromper, c'est l'amour maternel (Baudel., Poèmes prose, 1867, p. 146).
En partic. [En parlant du lang., d'un discours] Je crois qu'il n'est pas déplacé, même en jouant un rôle de paysan dans un salon, de faire sentir qu'on est un homme du monde et qu'on sait parler avec facilité. Certes, je n'affecterai pas des locutions triviales, j'ai l'affectation en horreur. Ainsi, n'espérez rien de moi qui sente l'affectation (Leclercq, Prov. dram., Répét. prov., 1835, 5, p. 384).Ce à quoi je me heurte, c'est à des situations communes et un dialogue trivial. Bien écrire le médiocre et faire qu'il garde en même temps son aspect, sa coupe, ses mots même, cela est vraiment diabolique (Flaub., Corresp., 1853, p. 338).
Vérité triviale. Vérité reconnue par tout le monde. [L'auteur] eût avancé quelques-unes de ces vérités découvertes par nos sages (...) savoir, que l'homme n'est qu'une brute (...) et que Dieu n'est rien; mais il a pensé que ces vérités incontestables étaient déjà bien triviales (Hugo, Han d'Isl., 1823, p. 10).
P. ext.
Qui concerne les faits de la vie la plus courante, la plus quotidienne. Synon. commun, ordinaire.Sa pensée rétrograda jusqu'au souvenir d'un incident trivial: il se rappela que le domestique avait négligé de mettre, tandis qu'il le regardait préparer ses malles, une brosse à dents parmi les ustensiles de son nécessaire de toilette (Huysmans, À rebours, 1884, p. 172).Chère amie, je suis au désespoir de vous importuner en vous rappelant une chose aussi triviale: ne commencez-vous pas à vous apercevoir que l'heure tourne? (Butor, Passage Milan, 1954, p. 200).
Littér. ou vieilli. [En parlant d'un lieu, d'un paysage] Commun, sans intérêt particulier. En sortant de la manœuvre, nous faisions ensemble de longues promenades rêveuses dans les vallées vertes, ombragées et monotones de la triviale Picardie (Lamart., Nouv. Confid., 1851, p. 135).
2. Péjoratif
a) Qui manque de distinction, d'élégance. Le naturel d'aujourd'hui (...) me paraît trivial à l'excès. L'horreur du mauvais goût me pousse peut-être dans l'afféterie? (Feuillet, Scènes et prov., 1851, p. 19).Il était là, il tenait Jessica dans ses bras, il avait du rouge à lèvres sur le menton. C'était trivial (Sartre, Mains sales, 1948, 7etabl., p. 244).
En partic. [En parlant du lang. de qqn] Eh bien! fit Rébecca avec cynisme, c'est fort gentil à vous d'être venu; et puisque vous êtes là, asseyez-vous, mon petit. Ce ton trivial confondait un peu Roland (Ponson du Terr., Rocambole, t. 5, 1859, p. 365).
Empl. subst.
Ce qui est vulgaire, commun. Toutes les lettres qu'il [Malherbe] a écrites sont d'un négligé et d'un trivial qui passent les bornes de la licence épistolaire (Sainte-Beuve, Tabl. poés. fr., 1828, p. 163).
Personne dont les manières, la conduite, l'expression sont vulgaires. Ce prétendu homme de matière [Rembrandt], ce trivial, ce laid, c'était un pur spiritualiste, disons-le d'un seul mot: un idéologue (Fromentin, Maîtres autrefois, 1876, p. 386).
b) Qui est grossier, vulgaire; qui concerne les éléments qu'une société condamne comme étant contraires aux bonnes mœurs, au bon usage, à la bienséance. Quand l'Anglais s'humanise et se dépouille de sa raideur britannique qui est pour lui comme un certificat de distinction, il devient alors plus que bourgeois, trivial et vulgaire (Michelet, Chemins Europe, 1874, p. 128).Il s'appliquait si bien à paraître trivial qu'à la fin, personne sauf lui ne pouvait penser qu'il ne l'était pas (Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p. 177).
LEXICOGR. Marque stylistique appliquée à des mots de niveaux de langue familière ou populaire, que la norme socio-culturelle condamne comme ayant des connotations indécentes, grossières ou obscènes (d'apr. Ling. 1972).
B. − MATHÉMATIQUES
1. [En parlant d'un élément] ,,Qui satisfait manifestement à une définition ou aux conditions d'un problème, mais n'a, en général, qu'un intérêt intrinsèque mineur`` (Math. 1967-69).
2. Dont la connaissance n'apporte rien, dont la démonstration est très facile. Anton. élégant.En dehors du cas trivial des fonctions d'une variable réelle, le problème de l'extension à tout l'espace d'une fonction continue numérique définie dans un ensemble fermé, avait été traité pour la première fois (...) par H. Lebesgue (Bourbaki, Hist. math., 1960, p. 176).L'aspect très élémentaire de ces représentations fait illusion; si certaines d'entre elles sont effectivement triviales et sont employées depuis des siècles (...) le concept même de graphe n'a rien d'évident (Warusfel, Math. mod., 1969, p. 181).
II. − MYTH. ROMAINE. Dieux triviaux. Dieux qui présidaient aux carrefours. (Dict. xixeet xxes.).
P. ext., littér. [En parlant d'une statue, d'un monument] Qui s'élève à un carrefour. Calvaire trivial. Elle brûle, au nom d'Anthime, deux cierges, aux côtés de la Madone triviale, à l'angle nord de la maison (Gide, Caves, 1914, p. 697).
REM. 1.
Trivialisation, subst. fém.Action de rendre banal. Si vous préférez, l'hétéronomie du travail, sa banalisation et sa trivialisation sont la rançon de la socialisation et des gigantesques gains de productivité qu'elle permet (Le Monde dimanche, 12 oct. 1980, p. XVI, col. 4).
2.
Trivialiser, verbe trans.,rare. Rendre trivial. (Dict. xixeet xxes.).
Prononc. et Orth.: [tʀivjal], plur. masc. [-o]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. A. Adj. 1. 1545 « commun, sans distinction, simple, pas très élevé » (J. Bouchet, Épitres familières, II, CCXXI ds Gdf. Compl.); 2. 1549 « banal, sans originalité, courant » (Rabelais, Sciomachie ds Œuvres, éd. Ch. Marty-Laveaux, t. 3, p. 412); cf. aussi 1552 musique triviale et commune (Id., Quart Livre, éd. R. Marichal, LXII, 112, p. 252); 1564 « commun, usé, rebattu » (Id., Cinquième Livre, XIX ds Œuvres, éd. Ch. Marty-Laveaux, t. 3, p. 73); 3. a) 1623 « qui traite de choses communes; vulgaire » (Caquets de l'accouchée, Vers de l'autheur, éd. E. Fournier, p. 5); cf. Girard, La Justesse de la lang. fr., ou les différentes significations des mots qui passent pour Synonimes, Paris, 1718, p. 205: Le mot de Trivial renferme une idée de mépris que n'a pas le mot de Commun. Ce qui est Trivial a quelque chose de bas: Et ce qui est Commun n'a rien d'extraordinaire. Les gens d'esprit ne goûtent point de pensées Triviales, et n'admirent point de pensées Communes; b) 1828 « choquant par sa vulgarité » calembourg obscène ou trivial (Sainte-Beuve, Tabl. poés. fr., p. 122). B. Subst. 1788 (Fér. Crit. t. 3). II. Adj. 1571 « à la croisée de trois voies » carrefour [...] trivial (La Porte, Les Epithètes, p. 48a); 1846 dieux triviaux (Besch. t. 2). III. Adj. 1960 math. (Bourbaki, loc. cit.). I empr. au lat. d'époque impériale trivialis, -e « de la croisée de chemin, de place publique, grossier, vulgaire », dér. de trivium « carrefour (de trois voies) », avec recours au sens premier pour III (sens du lat. trivius, -a, -um) et infl. de l'empl. de trivialis en lat. scolast. pour qualifier les arts mineurs du trivium* (v. Du Cange, s.v. trivium et Blaise Latin. Med. Aev.). En angl. le lat. trivialis a donné également un adj. trivial au sens de « commun, banal, familier », puis, plus partic., « négligeable, peu important », d'où son empl. en math. pour qualifier des données sans importance ni intérêt (1915 ds NED Suppl.2), p. ex. si elles sont égales à zéro ou présentent des caractéristiques de relation ou d'identité qui les rendent non conséquentes. Fréq. abs. littér.: 196.
DÉR.
Trivialement, adv.a) D'une manière banale, ordinaire, sans originalité. Si je n'avais point souffert en même temps des continuels rappels de mon appétit je me serais cru parvenu à l'un de ces moments de surnaturelle révélation esthétique. Les beautés que je découvrais, incessantes, m'eussent avec un peu de confiance et de confort ravi à ma condition trivialement humaine (Céline, Voyage, 1932, p. 243).b) D'une manière choquante par rapport à ce qui est la bienséance, par son manque de retenue (dans la conduite, les actions, les propos). Synon. grossièrement, vulgairement.Parler trivialement. Ce n'est pas seulement la langue de la Grande Adèle qui choque le public petit-bourgeois; la langue de Mllede Varandeuil produit peut-être un effet pire chez les gens qui ne sortent pas d'une famille noble, qui n'ont pas entendu la langue trivialement colorée des vieilles femmes de race du temps (Goncourt, Journal, 1888, p. 892). [tʀivjalmɑ ̃]. Att. ds Ac. dep. 1718. 1reattest. 1596 « d'une manière commune » (Hulsius); de trivial, suff. -(e)ment2*.
BBG.Quem. DDL t. 25 (s.v. trivialiser). − Schalk (F.). Über das Wort trivialis. Rom. Forsch. 1972, t. 84, pp. 571-574.