| TRIOMPHE1, subst. masc. A. − 1. Grand succès militaire. Les triomphes de ce général. Les triomphes d'Alexandre (Ac.1935).Paris depuis des siècles n'avait point vu la fumée des camps de l'ennemi, et c'est Bonaparte qui, de triomphe en triomphe, a amené les Thébains à la vue des femmes de Sparte (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 490). 2. P. ext. a) Victoire éclatante remportée dans une lutte, une compétition, une confrontation. Pascal, encore nouveau à Port-Royal, excité par l'affaire d'Arnauld, par le danger de ses amis et le triomphe insolent des persécuteurs, s'engagea (...) dans les Provinciales (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 3, 1848, p. 20).Je ne sais ce que deviendra la révolution russe; (...) je ne puis affirmer que celle-ci conduira forcément à un triomphe du prolétariat (Sartre, Existent., 1946, p. 53). − Triomphe sur.Nicole, s'agenouillant devant le Roi et élevant son verre: Je bois à la santé du Roi! à ses longs jours! (...) À son triomphe sur tous ses ennemis! (Banville, Gringoire, 1866, 1, p. 10). b) Succès décisif, établissement éclatant (de quelque chose). Le triomphe définitif du principe de la liberté de conscience nous est cher (Bert,1883ds Fondateurs 3eRépubl., p. 184).Le classicisme est le triomphe de la raison (Marin, Ét. ethn., 1954, p. 62). − Triomphe sur.Ces ombres glorieuses, seules visibles, seules sauvées, semblaient, au regard du jeune homme, célébrer le triomphe d'une pensée persévérante sur la multitude confuse des mouvements et des élans fugitifs (Duhamel, Nuit St-Jean, 1935, p. 114).Cette belle église de Saint-Nicolas construite pour célébrer (...) le triomphe du catholicisme sur l'hérésie (Claudel, Soulier, 1944, 2epart., 1, 1042). SYNT. Triomphe de la foi, de la religion; triomphe du bien, du mal, de la vertu, du vice; triomphe du droit, de la force, de la justice, de la vérité; triomphe d'un régime, d'une doctrine; lutter pour le triomphe d'une cause; son élection a été un véritable triomphe. − Littér. Manifestation glorieuse, éclatante. La nuit qui précède le jour du triomphe du Soleil au printems (Dupuis, Orig. cultes, 1796, p. 162).Elle dansait avec ivresse, avec emportement, grisée par le plaisir, ne pensant plus à rien, dans le triomphe de sa beauté, dans la gloire de son succès (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Parure, 1884, p. 457). c)
α) Réussite, succès éclatant (de quelqu'un). Le triomphe de Lucien chez madame de Bargeton (Balzac, Illus. perdues, 1837, p. 135).Il aurait besoin de protections d'abord; puis, grâce à ses moyens, il deviendrait conseiller d'État, ambassadeur, ministre. Ses triomphes au collège de Sens légitimaient cet orgueil; il avait remporté le prix d'honneur (Flaub., Éduc. sent., t. 1, 1869, p. 15). ♦ En plein triomphe. En plein triomphe, méconnu et seul, Delacroix, lion malade, vomit son sang au fond de l'antre (Faure, Hist. art, 1921, p. 164). − [À propos d'une chose] Triomphe du télégraphe. Aujourd'hui à 2 h 1/4 du soir, nous lisions imprimées des dépêches de Milan datées d'aujourd'hui à midi (Amiel, Journal, 1866, p. 338).Le sport cycliste devint routier par l'invention du pneu. Alors commence l'ère des classiques, qui vont consacrer le triomphe de la petite reine (Comment parlent les sportifsds Vie Lang.1952, p. 137).
β) Action, production, performance qui déchaîne l'enthousiasme du public. Ce spectacle est un triomphe. Un des agents du comte demanda plusieurs fois Arlequin squelette et pâté, l'un des triomphes de Giletti (Stendhal, Chartreuse, 1839, p. 143). B. − 1. ANTIQ. ROMAINE. Honneur suprême décerné à un général ayant remporté une grande victoire, consistant en une entrée solennelle dans la ville, monté sur un char, à la tête de son armée et suivi des prisonniers et du butin. Décerner le triomphe; les honneurs du triomphe; char de triomphe; mener des captifs en triomphe. L'on vit à son triomphe [de César] une statue de Cléopâtre, le bras entouré d'un aspic (Michelet, Hist. romaine, t. 2, 1831, p. 327). ♦ Arc* de triomphe. − P. anal. Manifestation grandiose et solennelle organisée en l'honneur de certaines personnes. Le triomphe de Pétrarque au Capitole. Ces charmes souverains lui firent comprendre les amours insensées qu'excite parfois chez des marauds du peuple la grâce nonpareille de quelque jeune reine apparue en triomphe ou cérémonie publique (Gautier, Fracasse, 1863, p. 267). 2. Approbation enthousiaste exprimée à celui qui a remporté une victoire, un succès. Quel triomphe! Il a eu, il a remporté un vrai triomphe (Rob. 1985). ♦ Faire un triomphe à qqn. Prodiguer à quelqu'un de grandes démonstrations d'admiration, d'enthousiasme, l'acclamer publiquement. La jeunesse des écoles normales de Paris a voulu hier me faire un triomphe et m'offrir une lyre d'argent (Lamart., Corresp., 1836, p. 200). ♦ Porter qqn en triomphe. Porter quelqu'un à plusieurs, en le hissant au-dessus de la foule pour le faire acclamer. Champion porté en triomphe. Les voilà tous qui s'organisent, les chefs des métiers en tête, pour venir ici complimenter notre maître et le porter en triomphe à la maison commune. Marthe, à part : Un triomphe! il en perdra la tête! (Scribe, Bertrand, 1833, ii, 9, p. 165).Je rencontre (...) devant Capsa, la taverne chic, un artilleur porté en triomphe par des étudiants ironiques (Vercel, Cap. Conan, 1934, p. 45). 3. Joie extrême, exaltation que donne une victoire, un succès. Air, cri, regard, sourire de triomphe. Ah! le triomphe insolent de Clemenceau sortant de ces accusations fausses, mais vraies au fond, indemne, pur, insoupçonnable (Goncourt, Journal, 1893, p. 419): ... Louis-Philippe aura détrôné le fils de Henri IV, François II empêché la réunion de la mère et du fils ; M. le Prince de Metternich relèvera M. le général Bugeaud dans son poste ; c'est à merveilles. Mais quel triomphe pour vos révolutionnaires d'Italie, quand ils verront ainsi se déshonorer les Monarques!
Chateaubr., Mém., t. 4, 1848, p. 446. ♦ Avoir le triomphe modeste. Alban, comme tous ceux de qui l'orgueil est dans les profondeurs, avait le triomphe modeste (Montherl., Bestiaires, 1926, p. 422). − PSYCHOL. Conduite du triomphe. ,,Expression employée comme terme technique de psychologie concrète par Pierre Janet pour désigner l'ensemble de sentiments et de réactions qui accompagnent et suivent spontanément le succès chez celui qui vient de l'obtenir`` (Lal. Suppl. 1968). Le « triomphe » constitue (...) le dernier stade d'activation d'une tendance (Lal. Suppl.1968). 4. Arg. de Saint-Cyr. ,,Fête semi-militaire de fin d'année, où la promotion des « recrues » reçoit son nom de baptême de la promotion précédente`` (Esn. 1966). Prononc. et Orth.: [tʀiɔ
̃:f]. Att. ds Ac. dep. 1694. Éty-mol. et Hist. 1. a) Ca 1165 « succès, réussite ; supériorité » (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 27037); b) 1798 « chose où on excelle » (Ac.: un tel rôle est le triomphe d'un tel Acteur); 2. a) 1174-76 « victoire militaire éclatante » (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 3367: Qu'il ait al tierz asalt le trïumphe plenier); b) 1527 « prouesse, haut fait (militaire) » ([J. de Mailles], Loyal Serviteur, Hystoire (...) des faitz, gestes, triumphes et prouesses du bon chevalier (...) Bayart, Paris ds Cioranescu 16e, 13960); 3. a) ca 1240 « (en référence à l'Antiquité) honneur suprême accordé aux généraux victorieux » (Jean de Thuin, Jules César, 10, 6 ds T.-L.: ceste fieste, on l'apïeloit a Roume [...] trïumphe, ce est a dire victore); b) ca 1265 p. anal. « manifestation grandiose en l'honneur de quelqu'un » (Brunet Latin, Trésor, éd. Fr. J. Carmody, I, 89, 5, p. 70: quant Charles [Charlemagne] ot Lombardie tote conquise [...], il ala en Rome a grant triumphes); 4. 1456-67 « manifestation de joie, joie que donne une victoire » (Cent Nouvelles nouvelles, II, éd. F. P. Sweetser, p. 32: Toute la grand triumphe qui [...] souloit cumblement abunder, est par ce cas abatue et ternie); 1673 « satisfaction triomphante » (Racine, Mithridate, IV, 5 : quel triomphe pour vous, Si vous saviez ma honte); 5. 1555 « (en parlant d'une chose) victoire, avènement » (Philieul, tr. Pétrarque, l. IV, Triomphe d'Amour [allégorie] ds Hug.); xvies. (Les Triomphes des vertuz, ms. Bibl. nat. fr. 144); 1670 triomphe de la mort (Bossuet, Oraison funèbre d'Henriette d'Angleterre ds
Œuvres, éd. B. Velat et Y. Champailler, Paris, 1961, p. 89); 6. 1671, 29 avr. « éclat, manifestation glorieuse » tout le triomphe du mois de mai (Sévigné, Lettres, éd. R. Duchêne, t. 1, p. 238); 7. 1821 milit. « fête au cours de laquelle l'élève de St-Cyr, qui, au tir au mortier, avait abattu le tonneau servant de cible, est porté en triomphe » (d'apr. Esn.); 1887 « fête de la promotion des St-Cyriens ayant achevé la 1reannée d'études » (ibid.). Empr. au lat.triumphus « entrée solennelle du général victorieux ; victoire ». Bbg. Roques (M.). Sur l'incertitude sém. des mots d'empr. Mél. Gessler (J.). Louvain, 1948, pp. 1066-1072. |