| TRANSPARENCE, subst. fém. I. − [Corresp. à transparent] A. − 1. Propriété qu'a un corps, un milieu, de laisser passer les rayons lumineux, de laisser voir ce qui se trouve derrière. Anton. opaque.Transparence d'une vitre, du cristal, de l'air. [Nous descendions] rapidement à la plage pour nous plonger dans la mer et nager quelques minutes dans une petite calanque, dont le sable fin brillait à travers la transparence d'une eau profonde (Lamart., Confid., 1849, p. 184).Grâce à la transparence limpide des vernis français, nos vernisseurs peuplèrent les panneaux des meubles de personnages légers et charmants, imités des peintres à la mode (Boucher, Teniers, Greuze) (Viaux, Meuble Fr., 1962, p. 92). − Dans/derrière/sous la transparence de qqc. À travers l'écran que constitue un corps transparent. Et de nouveau, ce fut comme s'il se livrait sans défense à sa convoitise: apercevoir encore une fois, dans la transparence du peignoir, le ferme contour du sein, sa palpitation! (Martin du G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 882). − P. anal. Caractère quasi immatériel, évanescent d'une forme. Son corps léger et son visage m'étaient merveilleusement devenus insaisissables. Il n'en restait qu'une fragile et indéfinissable transparence au fond de laquelle un contour, aussi doux que ce corps évanoui, décelait tous les mouvements de l'âme (Bosco, Mas Théot., 1945, p. 345). − Au plur. Si l'on pêchait l'air comme on pêche un étang, on y trouverait une foule d'êtres surprenants. Et, ajoutait-il dans sa rêverie, bien des choses s'expliqueraient. (...) L'air habité par des transparences vivantes, ce serait le commencement de l'inconnu; mais au delà s'offre la vaste ouverture du possible (Hugo, Travaill. mer, 1866, p. 80). 2. Luminosité, clarté de l'atmosphère. Synon. clarté.Transparence de la nuit. L'air était d'une transparence bleuâtre, sa lumière crue enveloppant tout, frappant tout, pénétrait jusque dans leurs pores les vieux bois de la barque, les fils épais de la voile, la peau des hommes gouttelante de sueur (Flaub., Champs et grèves, 1848, p. 246).Au milieu du demi-jour de la chambre, elle restait les yeux ouverts, et presque endormis dans la transparence molle de cette pénombre faite par les persiennes fermées (Goncourt, MmeGervaisais, 1869, p. 29). − P. métaph. En même temps la durée de la musique se dilatait, s'enflait comme une trombe. Elle emplissait la salle de sa transparence métallique, en écrasant contre les murs notre temps misérable. Je suis dans la musique (Sartre, Nausée, 1938, p. 39). 3. PEINTURE a) Couleur, motif, etc. vu(e) en/par transparence. Couleur, motif, etc. vu(e) à travers une seconde couche transparente. L'émail de Limoges (...) se pratique à l'aide des vieilles traditions du XVIesiècle et il ne saurait en être autrement, car le procédé de peinture repose sur le principe d'une application de pâte en épaisseur formant, par transparence, les lumières, les demi-teintes et les ombres (A. Meyer, Art émail Limoges, 1895, p. 36).On connaît le principe suivant lequel une peinture vue en transparence peut paraître chaude ou froide selon qu'elle est plus sombre ou plus claire que le fond (D. Rouart, Degas à la recherche de sa techn., Genève, Skira, 1988, p. 92). b) Impression de luminosité, d'immatérialité que produit l'application de couches transparentes. Transparence des ombres, des tons. Dans un tableau de M. Decamps, le soleil brûlait véritablement les murs blancs et les sables crayeux; tous les objets colorés avaient une transparence vive et animée (Baudel., Salon, 1846, p. 140).À tout moment, reconnue au fond de la transparence liquide et du vernis lumineux de l'ombre que versait sur elle son ombrelle, MmeSwann était saluée par les derniers cavaliers attardés (Proust, J. filles en fleurs, 1918, p. 640). 4. a) OPT. Addition par transparence. Il y a trois groupes de radiations primaires (...). L'addition par transparence, c'est-à-dire la projection simultanée sur un écran de ces trois faisceaux lumineux primaires donne du blanc, c'est la reconstitution de la lumière blanche par synthèse additive (Prinet, Phot., 1945, p. 66). b) CIN. Procédé consistant à projeter par derrière sur un écran transparent un plan qui sert de décor et à filmer une scène jouée devant cet écran. On ne peut énumérer ici les divers procédés de truquages. Celui qui se prête aux plus nombreuses applications et dont la mise au point est relativement récente est le procédé de la « transparence », grâce auquel des images cinématographiques, projetées sur un écran transparent peuvent être enregistrées à nouveau par un appareil de prises de vues (Arts et litt., 1936, p. 88-12). 5. Propriété qu'a un corps translucide de laisser passer la lumière sans qu'on puisse cependant distinguer les formes qui sont derrière. Synon. translucidité (dér. s.v. translucide).Transparence de l'opale, de la porcelaine, d'un vitrail. Il n'y en avait pas une [des écailles d'argent d'un bracelet imitant un serpent] dont la blancheur ne fût relevée par l'éclat d'un rubis ou par la transparence si douce au regard d'un saphir plus bleu que le ciel (Nodier, Smarra, 1821, p. 73).« C'est un meursault 1904 », expliqua Antoine, en soulevant son verre pour examiner la transparence ambrée du vin (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 148). ♦ Par/en transparence. En éclairant par derrière. Cependant son aile écailleuse [du hanneton], mise au foyer du microscope, bien éclairée en dessous du petit miroir, et vue ainsi par transparence, offre une noble étoffe d'hiver, feuille morte, où serpentent des veines d'un très-beau brun (Michelet, Insecte, 1857, p. 191).Sur des vitraux brillent en transparence de grandes peintures et les armes des bourgmestres (Du Camp, Hollande, 1859, p. 118). 6. Effet que produit la lumière dans un milieu translucide. Synon. clarté.Transparence du ciel. Ailleurs, l'eau plus profonde prenait, sous les branches inclinées, une transparence noire (L. Ménard, Rêv. païen, 1876, p. 91). − [À propos du regard] Quand les yeux bleus de Suzanne, d'une transparence vitreuse, se fixaient sur les siens, elle éprouvait au fond de ses os un froid bienfaisant (Zola, Th. Raquin, 1867, p. 161).Certains jours, mince, le teint gris, l'air maussade, une transparence violette descendant obliquement au fond de ses yeux comme il arrive quelquefois pour la mer (Proust, J. filles en fleurs, 1918, p. 946). 7. Coloration d'une extrême pâleur, qui évoque celle de certaines substances translucides. Pâle jusqu'à la transparence. [Le marbre de Paros] est d'une transparence limpide: ses larges paillettes, sa couleur chaude et vivante, donnent aux statues comme une apparence de chair (About, Grèce, 1854, p. 155). − [À propos d'une peau fine, claire et très délicate] Cette coiffure [une perruque frisée] exige une fraîcheur de vierge, une transparence lactée, les plus charmantes grâces féminines; elle faisait donc ressortir ignoblement un visage bourgeonné, brun-rouge, échauffé comme celui d'un conducteur de diligence (Balzac, C. Birotteau, 1837, p. 167).Un teint d'un rose tout jeunet, sur une peau d'une finesse, d'une délicatesse, d'une transparence curieuse aux tempes, sous le réseau de petites veinules bleues (Goncourt, Journal, 1893, p. 465). B. − P. anal., PHYS. ,,Propriété d'un milieu qui laisse passer un rayonnement électromagnétique sans l'atténuer de façon importante`` (Paul Télédétection 1982). Schott a trouvé que la transparence aux rayons X se présente en raison inverse du poids atomique des métaux contenus (Cl. Duval, Verre, 1966, p. 31). − P. métaph. ou au fig. [À propos de l'atmosphère, de la nuit] Si je puis comparer les sensations de l'oreille à celles de la vue, le silence répandu sur les grands espaces est plutôt une sorte de transparence aérienne, qui rend les perceptions plus claires, nous ouvre le monde ignoré des infiniment petits bruits (Fromentin, Été Sahara, 1857, p. 70).L'une après l'autre, les déchirures de la nuit [une suite de coups de feu] s'effacèrent, la nuit retrouva son poids, son immobilité, son absolue transparence pour le moindre bruit; on eût dit que des milliers, des millions de points de silence, tous douloureux et attentifs, y naissaient partout, brusquement (Abellio, Pacifiques, 1946, p. 397). C. − Au fig. 1. Qualité d'une personne dont les pensées et les sentiments sont faciles à comprendre, à deviner. Napoléon devant Goethe: pendant que Napoléon scrutait vainement Goethe, si opaque, si bien fermé, haut caché comme une source de fleuve, Goethe au rebours perçait cette transparence militaire, sans mystère aucun, du technicien universel (Alain, Propos, 1928, p. 799). 2. Qualité d'une institution qui informe complètement sur son fonctionnement, ses pratiques. Au niveau de l'entreprise de presse, l'esprit a été de concevoir, dès 1936, une réglementation par laquelle serait obtenue la « transparence » (connaître le véritable responsable et les véritables ressources), condition de la loyauté (Belorgey, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p. 144). 3. Qualité de ce qui est facilement compréhensible, intelligible. Synon. clarté, limpidité.Transparence du style. [Joubert] avait le sentiment calme et modéré (...). Il demandait un agrément vif et doux, une certaine joie intérieure, perpétuelle, donnant au mouvement et à la forme l'aisance et la souplesse, à l'expression la clarté, la lumière et la transparence (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 1, 1849, p. 162): Pas davantage ne disparaîtra [chez Nerval] l'inconcevable transparence d'une écriture qui a trompé si longtemps les commentateurs de Sylvie. Tout le monde n'était pas Proust pour reconnaître dans cette limpidité l'« inexprimable » qui est « au delà de la fraîcheur, au delà du matin, au delà du beau temps, au delà de l'évocation du passé même »...
Durry, Nerval, 1956, p. 37. 4. DR. FISCAL. Transparence fiscale. Régime fiscal particulier de certaines sociétés qui ne sont pas assujetties à l'impôt sur les bénéfices, mais dont on impose les activités comme si elles étaient directement le fait des associés (d'apr. Jur. 1971). Une loi du 15 mars 1963 a introduit en France pour certaines sociétés de promotion et de copropriété immobilière la notion de « transparence fiscale ». Dans ces cas, la société elle-même n'est pas considérée comme sujet fiscal et c'est l'actionnaire ou l'associé qui est imposé selon le régime applicable à la propriété immobilière directe (Fiscalité européenne, avr. 1976, p. 10 ds Clé Mots). 5. INFORMAT. ,,Aptitude d'un dispositif d'un certain type à être utilisé, pour des fonctions analogues, à la place d'un dispositif d'un autre type, sans gêne pour les dispositifs en amont ou en aval (ordinateur par exemple) et sans nécessité de modifications dans le processus antérieur de traitement (programme par exemple)`` (cilf, oct. 1975, ds Clé Mots). Les nouveaux concentrateurs « 6 000 » de Codex (...) sont caractérisés par une large variété de capacités de transmission, leur transparence et par le fait qu'ils ne requièrent pas de programmation spéciale en tant que nœuds de réseaux, et aucune modification de programme hôte (Électronique actualité,26 sept. 1975,p. 6, ds Clé Mots). II. − Rare. [Corresp. à transparaître] Fait d'être visible au travers de ce qui fait écran, fait de transparaître. Le charme particulier de l'aquarelle, auprès de laquelle toute peinture à l'huile paraît toujours rousse et pisseuse, tient à cette transparence continuelle du papier (Delacroix, Journal, 1847, p. 244). − Au plur. La batiste blanche, mouillée, colle aux omoplates, avec des transparences de chair (Martin du G., Devenir, 1909, p. 47). Prononc. et Orth.: [tʀ
ɑ
̃spaʀ
ɑ
̃:s]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1380 « caractère de ce qui laisse voir les objets à travers soi » (Evrart de Conti, Probl. d'Arist., B. N. 210, fo185b ds Gdf. Compl.); 1781 la transparence de l'air (Ramond de Carbonnières, Lettres de W. Coxe à W. Melmoth, p. 78); b) 1850 par transparence (Le Gray, Phot. sur papier et verre, p. 14); 1859 en transparence (Du Camp, Hollande, p. 118: sur des vitraux brillent en transparence de grandes peintures et les armes des bourgmestres); 2. a) 1787 « aspect d'une peau fine et d'un teint clair » (I. de Charrière, Caliste ou Lettres de Lausanne, p. 58); p. ext. 1853 « pâleur extrême » (Du Camp, Mém. suic., p. 33: pâle jusqu'à la transparence); b) 1735 « translucidité » (Père J.-B. Du Halde, Description empire de Chine, p. 184); 3. au fig. a) 1763 « qualité des choses intelligibles faciles à comprendre » (Marmontel, Poétique fr., p. 170: de la justesse de la comparaison dépend la clarté, la transparence de l'image); 1902 la transparence des faits (Adam, Enf. Aust., p. 192); b) 1837 « qualité de ce qui, chez quelqu'un, est sans mystère » (Soulié, Mém. diable, t. 1, p. 266); 4. 1946 cin. (Cohen-Séat, Vocab. filmologie, p. 211). Dér. de transparent*. Fréq. abs. littér.: 555. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 443, b) 928; xxes.: a) 621, b) 1 110. |