| TRANSMETTRE, verbe trans. I. − [Le suj. désigne une pers.] A. − [L'obj. désigne une chose concr. ou abstr.] 1. Faire passer d'une personne à une autre. Gavarni nous parle de Lorentz, véritable cœur d'artiste, qui est venu le voir et ayant trouvé Jean malade d'hémorragie, lui a écrit qu'il avait lu dans un journal qu'on avait transmis du sang à un malade et qu'il lui offre du sien (Goncourt, Journal, 1857, p. 364). 2. DR. Faire passer d'une personne à une autre, par mutation, la possession ou la jouissance de quelque chose. Synon. céder, donner, laisser, léguer, transférer.Transmettre un droit, une propriété, un privilège; transmettre un héritage, une succession; transmettre en héritage, par voie d'héritage; transmettre un titre par endos; transmettre à un tiers un effet de commerce. Le donateur transmet au donataire la propriété des choses données (Ac.1935).J'appris de lui que la fortune de M. Honoré de Gabry (...) n'était transmise aux héritiers de l'ancien pair de France que sous la forme d'immeubles hypothéqués et de créances irrécouvrables (A. France, Bonnard, 1881, p. 363). ♦ Empl. abs. Il faut que l'homme puisse transmettre à ses enfants, car autrement il ne serait animé que d'une demi-ardeur pour le travail (Thiers dsGuérin1892). ♦ Empl. pronom. passif. Bijoux de mauvais argent qui se transmettent de la mère à la fille, et qui n'ont de valeur que par le souvenir qu'ils consacrent à la grâce étrange qu'ils ajoutent à la beauté (About, Grèce, 1854, p. 187). − P. anal. Transmettre son autorité, son pouvoir à qqn. À supposer (...) que Pierre ait mis à la tête de la communauté romaine un évêque qui ait transmis ses pouvoirs à son successeur, s'ensuivrait-il que la succession apostolique, interrompue à diverses reprises pendant plusieurs années, par la vacance du siège romain nous donnât la garantie d'une tradition continue? (Boegnerds Foi et vie, 1936, p. 115). B. − [L'obj. désigne une chose abstr.] 1. Faire passer à quelqu'un une qualité, un caractère, des connaissances. Transmettre le savoir, des traditions. La reine de Navarre transmit ses goût littéraires à Jeanne d'Albret, sa fille, dont il reste des sonnets adressés à Joachim du Bellay (Sainte-Beuve, Tabl. poés. fr., 1828, p. 34).[De Chirico] transporte soigneusement la réalité de son esprit sur la toile comme les primitifs copiaient les miracles. Faute d'avoir à transmettre sa foi, il transmet sa bonne foi (Cocteau, Crit. indir., 1932, p. 53). ♦ Empl. pronom. passif. La persévérance vers un même but se transmettait jadis de génération en génération (Staël, Corinne, t. 3, 1807, p. 370). − P. métaph. Transmettre sa gloire, son nom à la postérité. Un élément nouveau va prendre la place de la décoration forgée: la décoration en fonte, alors que, peu à peu, le déclin de l'habileté professionnelle s'accentue. Cependant, l'artisanat résiste de son mieux à cette mode nouvelle et le flambeau continue de se transmettre de mains en mains (Fillon, Serrurier, 1942, p. 27). 2. [Le suj. désigne une pers. ou un animal] Faire passer une infection, une maladie, des gènes par contagion ou par hérédité. Transmettre une affection, une tare; insecte qui transmet une maladie contagieuse. Deux ans plus tard, le commandant lui-même avait succombé à une maladie lente, mal déterminée, et qu'on pensa lui avoir été transmise par sa femme (Martin du G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 751).Une explication parfaitement rationnelle et plausible, basée sur ce petit fait précis que nous savons: que la peste peut être transmise par les rats (Gide, Journal, 1928, p. 873). − Empl. pronom. passif. Maladies qui se transmettent héréditairement; la lèpre se transmet par contact. La plupart des tumeurs ne peuvent se transmettre d'un animal à l'autre que par la greffe de cellules malignes, vivantes et intactes (Cuénot, J. Rostand, Introd. génét., 1936, p. 116). ♦ P. compar. La vie semble ne plus être en nous; elle en sort et jaillit, elle se communique comme une contagion, se transmet par le regard, par l'accent de la voix, par le geste, en imposant notre vouloir aux autres (Balzac, Chabert, 1832, p. 110). II. A. − [Le suj. désigne une pers.] Faire passer, faire parvenir quelque chose à quelqu'un; faire passer quelque chose d'un lieu à un autre. Synon. adresser, communiquer, donner, envoyer, fournir, remettre. 1. [L'obj. désigne une chose concr.] Transmettre des documents, un dossier, une lettre. Dès qu'il y a eu vote sur l'ensemble de l'avis, le président du Conseil en communique la nature au président de l'Assemblée et lui transmet le texte des articles amendés (Lidderdale, Parlement fr., 1954, p. 277). ♦ P. anal. De temps en temps (...) nous voyions passer, au milieu d'un remue-ménage d'agents et d'argousins [à la Conciergerie], quelque pauvre diable que les huissiers se transmettaient en disant ce mot: Disponible (Hugo, Choses vues, 1885, p. 115). − SPORTS. Transmettre le ballon à un joueur. Le lui faire passer, lui faire une passe. (Dict. xxes.). 2. [L'obj. désigne une chose abstr.] Transmettre une commande, une demande, une information, une invitation, une réponse. L'affaire fut enfin transmise au parquet(Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 464): ... c'était enfin, à « l'Agnus Dei » l'Abbé donnant à l'autel le baiser de paix au diacre qui descendait les marches et l'imposait à son tour au sous-diacre, lequel, conduit par un cérémoniaire, dans les stalles des moines, embrassait le plus élevé en grade et celui-ci transmettait le baiser aux autres qui s'accolaient et se saluaient ensuite, en joignant les mains.
Huysmans, Oblat, t. 1, 1903, p. 262. [P. méton. de l'obj.] Le chef s'attendait à recevoir sa démission pour la transmettre au directeur (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Hérit., 1884, p. 494).♦ [Dans une tournure factitive] C'est cette divine prudence qui l'a fait résister aux appels que je lui ai fait transmettre de revenir me voir (Proust, Temps retr., 1922, p. 805). ♦ Empl. abs. Ils (...) se mettent à danser autour de nous une danse échevelée, extravagante, aux cris de « Merci Gouvernement! » Je transmets (Gide, Retour Tchad, 1928, p. 963). ♦ Empl. pronom. passif. L'angoisse de savoir torture et excite toute l'armée. Elle se transmet à distance. Comme les signaux, elle va jusqu'au bout de la nation, elle va jusqu'au bout du monde (Bordeaux, Fort de Vaux, 1916, p. 267).La suggestion mentale d'un hypnotiseur peut se transmettre à distance à son sujet (Warcollier, Télépathie, 1921, p. 292). ♦ [Dans une formule de politesse] Transmettez-lui mes compliments. Veuillez bien transmettre mon amical souvenir à Monsieur votre père (Villiers de L'I.-A., Corresp., 1887, p. 186). − Domaine des télécomm.Faire parvenir d'un lieu à un autre. Transmettre un message télégraphique. Transmettre télégraphiquement une nouvelle (Quillet 1965). B. − [Le suj. désigne une chose] 1. Communiquer, faire connaître. La part des poèmes qu'aucune traduction ne peut transmettre, et qui est la poésie (Malraux, Voix sil., 1951, p. 555).Le mot ne transmet pas la chose, mais l'image de la chose (Cullmann, Denis-Papin, Kaufmann, Calcul informationnel, 1960, p. 102). − Domaine de l'informat.Les résultats sont enregistrés sous forme de cartes perforées qui transmettent leur information à un calculateur électronique (Hist. gén. sc., t. 3, vol 2, 1964, p. 379). − Domaine de la physiol.Le nerf optique transmet au cerveau le message de chacun des récepteurs (Piéron, Sensation, 1945, p. 389). 2. PHYSIQUE a)
α) Communiquer. Transmettre une impulsion, un mouvement, des oscillations. L'audition se fait par l'intermède d'un fluide lymphatique contenu dans l'oreille interne, lequel transmet les vibrations de l'air aux extrémités nerveuses (Cabanis, Rapp. phys. et mor., t. 1, 1808, p. 191).
β) Permettre le passage de. Les métaux transmettent le courant électrique. Le verre refuse de transmettre l'action électrique (J. de Maistre, Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p. 430).
γ) Propager. Dans les théories ordinaires des phénomènes lumineux, le milieu qui transmet la lumière renferme de l'énergie sous forme d'énergie potentielle et sous forme d'énergie kinétique (H. Poincaré, Électr. et opt., 1901, p. 182). b) Empl. pronom. réfl. Parvenir d'un lieu à un autre, se propager. Le son se transmet par ondulation. C'est en vertu de la différence des potentiels de deux points que l'électricité se transmet de l'un à l'autre (H. Fontaine, Électrolyse, 1885, p. 3). 3. Domaine de la télécomm., de la radiodiffusion, de la télév.Faire parvenir (un signal, une image...) d'un lieu à un autre. L'appareil Morse, l'appareil Hugues, l'appareil Baudot marquent les étapes de progrès incessants: on peut, aujourd'hui, transmettre l'écriture de l'expéditeur (Albitreccia, Gds moyens transp., 1931, p. 151).Hier soir, ravissement d'entendre l'Orfeo de Monteverdi transmis de Berlin (Green, Journal, 1950, p. 352). − Absol. Cette station transmet en direct, en différé. Un alternateur [à haute fréquence] doublé d'un multiplicateur permet, dans de bonnes conditions de rendement, de transmettre sur des ondes de quelques kilomètres (J. Mercier, Radio-électr., t. 1, 1937, p. 91). − Empl. pronom. passif. La parole se transmet mieux encore que le son musical car elle utilise une échelle de fréquence moins étendue (Annuaire radio, 1933, p. 87). REM. 1. Transmettable, adj.,synon. rare de transmissible.Il m'ennuie de rassembler, de condenser, de composer toutes mes idées qui, au fond, ne sont que des sensations, et sont par suite difficilement transmettables (Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1905, p. 179). 2. Transmissif, adj. masc.,physiol. [Corresp. à supra I B 2] Qui peut transmettre. La cellule masculine quasiment dénuée de cytoplasme équivaut en pouvoir transmissif à la cellule féminine au cytoplasme abondant (Cuénot, J. Rostand, Introd. génét., 1936, p. 24). 3. Transmissivité, subst. fém.,hydrol. ,,Propriété d'un aquifère à assurer le transit de l'eau, qui s'exprime par le produit du coefficient de perméabilité par l'épaisseur de la nappe souterraine`` (Roche Hydrol. 1986). Prononc. et Orth.: [tʀ
ɑ
̃smεtʀ
̭], (il) transmet [-smε]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 2emoit. xes. tramettre « envoyer » (St Leger, éd. J. Linskill, 36); 2. ca 1050 id. « faire parvenir à quelqu'un » (Alexis, éd. C. Storey, 98); 3. a) 1167 id. « confier, faire passer dans la possession de quelqu'un » (Marie de France, Le Freisne, 17, éd. J. Rychner); b) 1549 transmettre une heredité a son frere (Est.); c) 1615 transmettre un vice à (A. de Montchrestien, Traicté Œconomie Politique, p. 278); d) 1623 transmettre à la postérité (Coeffeteau, Histoire Romaine, p. 507); 4. a) 1684 (suj.: nom de chose) « faire parvenir (un phénomène physique) d'un endroit à un autre » (F. Bernier, Philosophie de Gassendi, p. 104); b) 1848 (Balzac, Splend. et mis., p. 389: ordre a été transmis par le télégraphe à Bibi-Lupin). Empr. au lat.transmittere (francisé d'apr. mettre) « envoyer par-delà, transporter, faire passer », comp. de trans- « au-delà » et mittere « envoyer ». Fréq. abs. littér.: 2 210. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3 651, b) 3 118; xxes.: a) 2 430, b) 3 147. Bbg. Clédat (L.). Contribution à un nouv. dict. hist. et « de l'usage ». R. Philol. fr. 1915/16, t. 39, pp. 181-182. − Lavis (G.). Contribution à l'hist. du vocab. fr.: transmettre un savoir... Z. fr. Spr. Lit. 1985, t. 95, pp. 239-278. |