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TRANSE, subst. fém.
A. − Le plus souvent au plur. Inquiétude, appréhension très vives. Transes continuelles, perpétuelles; vivre dans les transes. Il eut tout loisir d'ailleurs pour fréquenter cette maison qui apaisait, avec sa placidité béate de gens heureux, les angoisses et les transes qui l'opprimaient (Huysmans, Sœurs Vatard, 1879, p. 284).Mon cher ami, Avez-vous des nouvelles de la dactylographie de l'Otage? J'avoue que je suis dans les transes jusqu'à ce que je l'aie reçue, car je ne possède pas de duplicata du manuscrit (Claudel, Corresp.[avec Gide], 1910, p. 149).
Être dans les transes de + inf.; être dans les transes que + subj.Appréhender fortement. Je m'aperçois tout à coup que dans un moment de distraction, il a déchiré toutes les marges des premières pages. Et je suis dans d'horribles transes que Nadar ne s'en aperçoive, que Nadar ne découvre l'état du malheureux (Goncourt, Journal, 1871, p. 828).Le dîner, dont je n'avalai pas une bouchée, me parut interminable, et je fus dans des transes mortelles d'arriver en retard (A. France, Vie fleur, 1922, p. 384).
B. − PARAPSYCHOL. État du médium sensible aux effets de phénomènes parapsychiques. Transe médiumnique; entrer en transe. Chez le mystique l'extase, chez le médium la transe. L'un et l'autre phénomènes peuvent comporter des symptômes organiques communs: aliénation des sens, refroidissement des extrémités, ralentissement de la respiration, souvent rigidité, anesthésie totale, catalepsie (Cendrars, Lotiss. ciel, 1949, p. 163).
C. − État d'exaltation d'une personne qui se sent comme transportée hors d'elle-même et en communion avec un au-delà. Les jeunes négresses, surtout, entraient dans la transe la plus affreuse, les pieds collés au sol et le corps parcouru, des pieds à la tête, de soubresauts de plus en plus violents à mesure qu'ils gagnaient les épaules (Camus, Exil et Roy., 1957, p. 1674).
En partic. État de l'artiste saisi par l'inspiration. J'avais pensé et naïvement noté (...) que si je devais écrire, j'aimerais infiniment mieux écrire en toute conscience et dans une entière lucidité quelque chose de faible, que d'enfanter à la faveur d'une transe et hors de moi-même un chef-d'œuvre d'entre les plus beaux (Valéry, Variété II, 1929, p. 207).
P. métaph. [À propos d'un inanimé] Ce n'était plus la transe de la forêt, mais la possession lente de la terre et des hommes par la chaleur, l'établissement d'une implacable domination (Malraux, Voie roy., 1930, p. 224).
D. − PATHOL. Sorte de sommeil pathologique ou d'altération de la conscience avec indifférence aux événements extérieurs et dont il est difficile de faire sortir le sujet. Transe hypnotique, alcoolique (d'apr. Méd. Biol. t. 3 1972). Un homme d'une trentaine d'années, bien bâti, aux cheveux bouclés, au grand nez, était agité d'une sorte de transe hystérique (...). Les yeux lui sortaient de la tête. Il finit par s'engouer dans sa fureur et par tousser (Giono, Hussard, 1951, p. 98).
E. − Fam. Entrer, être en transe. Être hors de soi, manifester un état d'excitation extrême. Chaque fois qu'une étymologie m'intéresse, me retient, m'amuse, les spécialistes entrent en transe et me démontrent aussitôt que cette étymologie est fantaisiste (Duhamel, Manuel du protestataire, 1952, p. 55 ds Rob. 1985, s.v. étymologie).
Prononc. et Orth.: [tʀ ɑ ̃:s]. La finale -anse se prononce partout [-ɑ ̃:s] (v. Mart. Comment prononce 1913, p. 319). Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. 1. Ca 1165 la transe de la mer « passage, traversée de la mer » (Troie, 978 (et non 9783) ds T.-L.); fin du xiiies. [date du ms.] le transse de la vie « cours de la vie » (Vie et mir. de plus. s. confess., Maz. 1716, fo235a ds Gdf.); 2. mil. du xiies. [ms. de la fin du xiiies.] estre en transe « agonie » (Alexis, 980, éd. G. Paris et L. Pannier, rédaction interpolée du xiies., p. 249); xiiies. gesir en trance (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, Appendice, II, 33, p. 213); fin xives. estre en grans transses et en peril « être en danger de mort » (Froissart, Chroniques, éd. G. Raynaud, t. 11, p. 79); 3. ca 1225 transse « fête de la mort d'un saint » (Pean Gatineau, St Martin, 7154 ds T.-L.); 4. a) 1245 (mis en) transe « extase, songe » (Vie St Edward le Confesseur, éd. K. Y. Wallace, 1291 et 1318); b) 1422-25 « extase » (Pastoralet, éd. J. Blanchard, 7710); ca 1430 « extase mystique (en parlant de l'état de l'amoureux) » (Dame leale en amours ds Romania t. 30, p. 328, 161: « estre en tel transe »); 1437 (Charles d'Orléans, Ballades, 71a, Songe en complainte, 433 ds Poésies, éd. P. Champion, t. 1, p. 114: « ravy en transse »); c) fin xives. estre en grandes transses « être très anxieux » (Froissart, op. cit., t. 10, p. 234); ca 1450 « état de grande anxiété » (Arnoul Greban, Passion, éd. O. Jodogne, 12338); ca 1500 « inquiétude mortelle » (Miracle de Saint Nicolas et d'un juif, éd. O. Jodogne, 26). II. 1. 1884 trance « état particulier d'hypnose et d'angoisse où les médiums prétendent se trouver au moment où l'esprit se manifeste en eux » (d'apr. Mack. t. 1, p. 247); 1891 transe (Huysmans, Là-bas, t. 1, p. 215); 2. 1929 « état de l'artiste inspiré » (Valéry, loc. cit.). I déverbal de transir. Sa vigueur nouv. au xves. (4), pourrait être due à l'angl. trance (lui-même empr. au fr.; att. vers 1374 au sens de « anxiété, appréhension » et en 1434 au sens de « exaltation, extase » (NED)) notamment chez Charles d'Orléans. Voir G. Roques, Anc. et moy. fr. transir, transi, transe ds Trav. Ling. Litt. Strasbourg t. 20, 1 1982, pp. 44-45 et Mél. Planche (A.) 1984, pp. 425-427. II empr. à l'angl. trance « ravissement d'esprit, exaltation, transport », att. en occultisme dès 1825 (NED). Fréq. abs. littér.: 284. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 174, b) 357; xxes.: a) 395, b) 629.