| TRANSCENDANCE, subst. fém. A. − 1. PHILOS. [P. oppos. à immanence] a) Caractère de ce qui est transcendant, de ce qui se situe au-delà d'un domaine pris comme référence, de ce qui est au-dessus et d'une autre nature. Transcendance absolue. Le dogmatisme de la transcendance avait seulement permis de mettre en place un certain nombre de concepts (l'Un et le Tout, l'Unique et l'Universel, le Même et l'Autre) (Encyclop. univ. t. 8 1970, p. 741, s.v. immanence). L'ego qui a réellement découvert le néant du monde et du moi ne peut pas ne pas rencontrer la réalité et la plénitude de la Transcendance. Il ne peut pas ne pas découvrir que seule la Transcendance est réellement l'Absolu (G. Vallin, Voie de gnose et voie d'amour, Sisteron, éd. Présence, 1980, p. 47). ♦ Transcendance (de Dieu). [Par rapport au monde et aux consciences] Indépendance parfaite de Dieu par rapport au monde créé. Transcendance divine. Gabriel Marcel (...) dit (...) que le terme transcendance s'applique essentiellement à Dieu, en tant qu'il dépasse toutes les qualifications que nous pouvons donner. Il est partisan du sens classique du mot transcendance (J. Wahl, Les Philos. de l'Existence, 1954, p. 71). b) Tout ce qui se situe au-dessus; réalité transcendante. Transcendance de la conscience, de la pensée, du sujet, de la volonté. Un Nietzsche, un Gide, et tous les autres, refusent la transcendance, alors (...) on rétablit (...) en la déplaçant, en la déviant (...), une transcendance qui, tout comme l'âme gidienne, a perdu son nom (Du Bos, Journal, 1928, p. 179).Rembrandt et Michel-Ange rejoignent Shakespeare autant qu'ils rejoignent leurs rivaux, comme la part de transcendance de telles mosaïques de Monreale, ou celle des Chevaliers de Chartres ou de Reims, rejoint Dante autant que Naumburg et que Vézelay (Malraux, Voix sil., 1951, p. 489). − P. plais. Ce qui dépasse l'horizon quotidien. Voilà, par exemple, que le concierge meurt (...) et le spectacle commence enfin. Ils ont besoin de la tragédie, que voulez-vous, c'est leur petite transcendance, c'est leur apéritif (Camus, Chute, 1956, p. 1490). c) PHILOS. DE L'EXISTENCE, PHÉNOMÉNOL.
α) [Sans idée de supériorité] Ce qui se situe au-delà du domaine considéré; en partic., ce qui est extérieur à la conscience. La transcendance (...) désigne quelque chose appartenant en propre à la réalité-humaine; cette propriété (...) au sens d'une constitution fondamentale de cet existant qu'est la réalité-humaine, et comme antérieur à tout comportement (M. Heidegger, Qu'est-ce que la métaphys.?trad. par H. Corbin, 1951, p. 63). ♦ Rare, au plur. Les actions purement psychiques comme douter, raisonner, méditer, faire une hypothèse, doivent, elles aussi, être conçues comme des transcendances (Sartre, La Transcendance de l'ego, 1966, p. 52). − P. méton. Conscience qui transcende. C'est parce que ma subjectivité n'est pas inertie, repliement sur soi, séparation, mais au contraire mouvement vers l'autre, que la différence entre l'autre et moi s'abolit et que je peux appeler l'autre mien (...) je ne suis pas une chose mais un projet de moi vers l'autre, une transcendance (Beauvoir, Pyrrhus, 1944, p. 16).
β) [Dans un cont. moral et notamment dans le cadre des mor. du dépassement] Chez Jaspers, il y a un second sens du mot transcendance, en tant qu'il caractérise le mouvement que nous accomplissons sans cesse pour nous dépasser nous-mêmes. L'existant accomplit sans cesse un mouvement de transcendance, se dépasse sans cesse (J. Wahl, Les Philos. de l'Existence, 1954, p. 69). 2. MATH. Propriété de ce qui est transcendant. La transcendance de π. La première grandeur est tout juste le quadruple de la seconde; et la transcendance, qui se trouve dans l'une et dans l'autre, ne se trouve pas dans le rapport de l'une à l'autre (Cournot, Fond. connaiss., 1851, p. 329). B. − Lang. cour., vieilli. Supériorité marquée d'une personne ou d'une chose sur une autre. Synon. excellence.La transcendance de son talent, de son génie (Ac.). Prononc. et Orth.: [tʀ
ɑ
̃sɑ
̃dɑ
̃:s]. Littré et, facultativement, Barbeau-Rodhe 1930, [tʀ
ɑ
̃ssɑ
̃-]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. 1. Philos. 1605 transcendence « caractère de ce qui est transcendant » (Marnix, Differens, II, I, 3 ds Hug.); 1640 transcendence (Oudin Ital.-Fr., s.v. trascendenza); 2. 1596 « excès » (Pasquier, Recherches, III, 44, ibid.); 3. 1735 « supériorité marquée d'une personne sur une autre » (Mercure de France, mai, p. 839). Dér. de transcendant*; suff. -ance*. Fréq. abs. littér.: 328. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 4, b) 7; xxes.: a) 113, b) 1 318. |