| TOUCHER1, verbe trans. I. − Empl. trans. dir. A. − [Avec idée de mouvement] Toucher qqn/qqc. 1. [Le suj. désigne un animé ou une partie de son corps, qui entre en contact direct avec ce que désigne le compl.] a) Entrer en contact avec quelqu'un, quelque chose. Synon. palper, tâter.
α) [La partie du corps qui entre en contact n'est pas précisée, il s'agit fréq. de la main] Toucher un objet; toucher qqc. de sale. Il n'y a rien dans ses lettres [de Colette] que des odeurs, rien que ce qu'elle touche, que ce qu'elle mange, que ce qu'elle caresse (Mauriac, Nouv. Bloc-Notes, 1959, p. 267): 1. Ma main est crispée sur le manche du couteau à dessert (...). C'est ma main qui le tient. Ma main. Personnellement, je laisserais plutôt ce couteau tranquille: à quoi bon toujours toucher quelque chose? Les objets ne sont pas faits pour qu'on les touche. Il vaut mieux se glisser entre eux, en les évitant le plus possible.
Sartre, Nausée, 1938, p. 156. − [Le compl. désigne une partie du corps de la pers. qui subit le contact] Toucher le bras, la figure, les joues de qqn; (ne pas) toucher un cheveu* de qqn. Sa main tremble-t-elle quand il prend la mienne et que je frissonne de tout mon corps rien qu'en la touchant? (Dumas père, Darlington, 1832, i, 1ertabl., 3, p. 32). ♦ [En signe de salut pour conclure un accord] Toucher la main à/de qqn; toucher qqn dans la main. Elle toucha la main presque à tous les hommes. Puis elle embrassa Christine (Zola, Curée, 1872, p. 337).Jean de Metz (...) lui toucha la main, en signe qu'il lui donnait sa foi (A. France, J. d'Arc, t. 1, 1908, p. 97).Empl. pronom. réciproque. Le piquant est que tous deux [Danton et Royer-Collard] se soient rencontrés, coudoyés, se soient touché la main (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 4, 1863, p. 265). ♦ En partic. [Le compl. désigne une pers. considérée comme objet sexuel] Caresser les zones érogènes; p. ext., avoir des rapports sexuels. La certitude lui vint (...) que cet enfant ne pouvait être de lui. Ainsi qu'il le disait, il ne la touchait jamais que pour le plaisir, très sûr des précautions radicales qu'il prenait (Zola, Travail, t. 2, 1901, p. 18).Clotilde informait avec aisance: − Papa, tout à l'heure, le Tintin Maloret a essayé de me toucher sous la robe. L'Adélaïde poussa un cri d'effroi. On fit cercle autour de la petite qui répéta: − Il a essayé de me toucher (Aymé, Jument, 1933, p. 237). − [Le compl. désigne la tête ou le couvre-chef] ♦ [En signe de salut] Toucher son chapeau, sa casquette, son béret. Du plus loin qu'il me voit, il touche son bonnet et vient à moi (Mérimée, Jacquerie, 1828, p. 218). ♦ [Pour exprimer le doute sur le bon état de santé mentale d'une pers.] Le jeune homme (...) toucha son front (...) comme pour lui dire que tous les Anglais avaient quelque chose de travers dans la tête (Mérimée, Colomba, 1840, p. 10). − Loc. fig. ♦ Toucher le fond. Atteindre la limite extrême d'un état pénible moralement, intellectuellement, ou d'une situation dégradante. Il ne fallait pas la tuer [une mouche], bon Dieu! De toute la création, c'était le seul être qui me craignait; je ne compte plus pour personne. (...) je prends la place de la victime (...). Je suis mouche, je l'ai toujours été. Cette fois j'ai touché le fond (Sartre, Mots, 1964, p. 206).Toucher le fond de + subst. désignant cet état ou cette situation.Toucher le fond de la misère, de la solitude, du malheur. Une fois de plus, j'ai côtoyé une vérité que je n'ai pas comprise. Je me suis cru perdu, j'ai cru toucher le fond du désespoir et, une fois le renoncement accepté, j'ai connu la paix (Saint-Exup., Terre hommes, 1939, p. 244).Toucher le fond de + subst. désignant un état physique (rare).Un flot d'effroyable ivresse était monté dans sa chair (...). La chercheuse, la perverse qu'elle était, si peu gâtée par son mari et par son bellâtre d'amant, touchait là le fond de la sensation (Zola, Travail, t. 2, 1901, p. 36). ♦ Ne plus toucher terre. V. ce mot II C 1 b et infra
γ au fig.
β) [La partie du corps qui entre en contact est précisée, en position de compl. circ.] Toucher qqn/qqc. de/ avec + subst.Toucher qqn/qqc. du doigt, du bout des doigts, des lèvres, du bout des lèvres; toucher qqn/qqc. de la main, avec la/les main(s); toucher le sol des/avec les genoux; toucher le sol du/avec le front. Le cheval s'élance à travers la flamme et la mitraille sans toucher de ses pieds rapides les blessés et les morts gisant sur son passage (Proudhon, Syst. contrad. écon., t. 1, 1846, p. 343).Le martyre de ne pouvoir la toucher quand on est si proche d'elle, toucher seulement de la pulpe du doigt le grain de beauté, qui saille un peu, sur sa nuque sombre semée de poudre de riz (Montherl., Bestiaires, 1926, p. 449). − SPORTS (lutte). Toucher (le sol) des épaules. Être vaincu en étant maintenu les deux épaules au sol. Le but recherché consiste, comme on le sait, à faire toucher le sol − c'est-à-dire le tapis de lutte (...) − aux deux épaules de l'adversaire, autrement dit à le tomber (Comment parlent les sportifsds Vie Lang.1954, p. 374). ♦ Au fig. Toucher des épaules, toucher terre. Être vaincu, dominé (physiquement ou intellectuellement). Pour un fils de Dieu incarné quelle réussite plus parfaite, plus inespérée que d'atteindre à l'agonie de l'esclave marron, du bandit des routes, que de toucher terre si bas? (Arnoux, Juif Errant, 1931, p. 33).Sans rancune, les frêles créatures (...) ne touchent des deux épaules qu'au moment où elles sont sûres de savourer tous les avantages et toutes les conséquences d'une défaite (Colette, Jumelle, 1938, p. 112).Faire toucher des/les épaules. On s'installait dans la guerre (...) nous avions repris le dessus, nous lui avions fait toucher les épaules à cette femelle; on était à présent comme mariés avec elle, la lune de miel était finie (Vialar, Pt jour, 1947, p. 288).
γ) [La partie du corps qui entre en contact est précisée, en position de suj.] Doigts qui touchent qqc. La tunique en mousseline de pourpre ouvrait jusqu'à la hanche sa fente (...). Démétrios passa lentement la main par cette ouverture flottante, et ses doigts en corbeille touchèrent de leurs extrémités les contours du sein gauche en moiteur. Le mamelon se dressa dans la paume (Louÿs, Aphrodite, 1896, p. 92).Après avoir monté à tâtons une vingtaine de marches, nos mains touchent une porte; ne trouvant pas de sonnette, je gratte doucement (A. France, Vie fleur, 1922, p. 300). − Au fig. Depuis qu'il l'aimait, disait-il, il allait si léger et soulevé d'une telle allégresse que ses pieds ne touchaient plus la terre (A. France, Lys rouge, 1894, p. 308). b) En partic. [Le suj. désigne une pers.]
α) Examiner, explorer à l'aide de la main, des doigts pour identifier par le contact quelqu'un ou quelque chose, pour en apprécier la consistance, l'état, la température. Synon. palper.Est-ce toi, Bertholin? est-ce toi?... Laisse-moi toucher ta figure, Bertholin n'a pas de barbe; oh! si j'étais trompée! (Borel, Champavert, 1833, p. 21).Elle me fait toucher sa robe, pour me montrer combien elle est solide (Breton, Nadja, 1928, p. 90). − Loc. fig. Toucher du doigt. Être près, proche de quelque chose. Toucher du doigt le but, la fin. J'accomplissais le rêve de toute ma vie [en faisant ce voyage en Espagne], je touchais du doigt un de mes désirs les plus ardemment caressés (Gautier, Tra los montes, 1843, p. 145). ♦ P. ext. Avoir une perception claire, évidente. Dégoût de la vie (...). − Toute ma journée dévorée par des séances stériles. Touché du doigt tous mes ennuis (...). Le sentiment de l'irrémédiable brise les ressorts de la volonté (Amiel, Journal, 1866, p. 267).Une bonne assemblée sera bien forcée d'examiner nos plaintes (...), de voir et de toucher du doigt l'inégalité de nos charges (Sand, Souv. de 1848, 1876, p. 48). ♦ Faire toucher du doigt; faire toucher au doigt et à l'œil (vx). Démontrer, convaincre par des preuves tangibles. Je ferai toucher au doigt et à l'œil les conséquences terribles du système des intérêts révolutionnaires, pris pour base de l'administration (Chateaubr., Mél. pol., t. 2, 1816, p. 128).Il faut (...) désabuser le peuple (...), l'agiter, l'émouvoir, lui montrer les maisons vides, lui montrer les fosses ouvertes, lui faire toucher du doigt l'horreur de ce régime-ci [de Louis Bonaparte] (Hugo, Nap. le Pt, 1852, p. 66). − Absol. Utiliser le tact, le sens du toucher. Voir, entendre, toucher; avoir besoin de toucher. (Dict. xixeet xxes.). − MÉD. Examiner au moyen du toucher. On touchera la femme de temps à autre seulement, pour juger des progrès du travail, et de la marche de la tête de l'enfant. On évitera (...) surtout de (...) porter plusieurs doigts sans nécessité dans le vagin. Des attouchemens fréquens (...) sont inutiles (Baudelocque, Art accouch., 1812, p. 203).
β) Avoir fréquemment quelque chose entre les mains et s'en servir, l'utiliser avec dextérité. Synon. manier, manipuler. (Dict. xixeet xxes.). − Loc. Ne jamais, ne pas, ne plus toucher qqc. Ne pas, ne plus pratiquer une activité en relation avec l'objet désigné. Redoutant l'hérédité de son grand-père Tonneau, il s'était juré de ne jamais boire une seule goutte de vin et de ne jamais toucher une carte (Gyp, Souv. pte fille, 1928, p. 220).Les opinions politiques d'Alain! Je te demande un peu si elles valent la peine qu'on s'en irrite! Pour moi surtout qui n'ai touché de ma vie un bulletin de vote (Mauriac, Mal Aimés, 1945, iii, 1, p. 223). − En partic. Porter la main sur les touches, sur les cordes d'un instrument de musique pour en tirer des sons. L'artiste touche le clavier de la main gauche et glisse l'archet de la main droite sur les cordes (Maugin, Maigne, Nouv. manuel luthier, 1929 [1869], p. 321).[Le compl. désigne un instrument de mus.] Jouer. Toucher du clavecin, du luth, de l'orgue; toucher joliment d'un instrument de musique. [Le curé] avait du goût pour la musique et touchait agréablement de l'harmonium poussif (Arnoux, Zulma, 1960, p. 20).P. méton. Jouer, exécuter. Toucher un air, un morceau de musique. Je prie Eugénie de me chanter une romance, de me toucher quelque chose sur le piano (Kock, Cocu, 1831, p. 110). ♦ Au fig., fam. Toucher la/une corde (sensible), toucher la grosse corde (vx). Aborder, devant quelqu'un, un sujet auquel il est particulièrement sensible, qui lui tient à cœur. Le général: (...) vous n'avez pas de petits-enfants, vous? La baronne: (...) je dois vous prévenir que si vous touchez cette corde-là, vous allez avoir le vilain spectacle d'une vieille femme en pleurs (Feuillet, Scènes et com., 1854, p. 207).
γ) Porter, poser la main sur quelqu'un, quelque chose. (Dict. xxes.). ♦ Loc. fig. Toucher du bois*. − En partic. fréq. au passif. [Le suj. et le compl. désignent une pers.] Appliquer un coup avec violence. Synon. frapper.Toucher qqn à l'arcade (sourcilière), au menton, au visage; toucher qqn du gauche. Genero est touché (...). Il va à terre (L'Auto, 3 août 1933, p. 2 ds Grubb Sports 1937, p. 74).Lorsqu'il était touché, (...)M. Cerdan (...) touchait alors sous tous les angles (L'Équipe, 29 sept. 1969ds Petiot 1982). ♦ P. anal. Atteindre en ayant un effet nuisible, néfaste. Selon l'expression de ses amis (...) Mouret « était touché ». Ses cheveux avaient grisonné en quelques mois, il fléchissait sur les jambes (Zola, Conquête Plassans, 1874, p. 1042).Ma parole, je pers la boussole (...) Je sais bien que je suis touché puisque je ressens ma fatigue jusque dans les moelles. Mais, tout de même, avoir dormi 24 heures sans s'en rendre compte, sans le savoir, ça c'est très grave (Cendrars, Moravagine, 1926, p. 181).
δ) Au fig. Toucher un mot, quelques mots de qqc. à qqn. Échanger (quelques paroles) incidemment avec quelqu'un sur un sujet précis; parler d'une question succinctement, sans s'étendre. Tous les soirs, il s'empare de mon journal (...). Je t'avoue que ça me prive; et, si tu pouvais lui en toucher un mot... sans que cela ait l'air de venir de moi! (Labiche, Deux timides, 1860, 3, p. 162). 2. [Le suj. désigne un animé qui entre en contact indirect avec ce que désigne le compl.] a) Toucher qqn/qqc. + compl. de moyen.Entrer en contact avec quelqu'un, quelque chose à l'aide d'un intermédiaire. Toucher qqn/qqc. du bout d'une baguette, d'un bâton. Le shérif m'avait touché de sa canne d'ébène en signe de prise de possession (Nodier, Fée Miettes, 1831, p. 136). ♦ BIJOUT. Toucher de l'or, de l'argent. Contrôler le titre d'un objet d'or, d'argent en l'éprouvant à l'aide de la pierre de touche. (Dict. xixeet xxes.). − En partic. Conduire le bétail à l'aide d'un fouet, d'un aiguillon. Le père Caillaud, de la Priche, lui offrit d'en prendre un [des bessons] pour toucher ses bœufs (Sand, Pte Fad., 1849, p. 20). − Spécialement ♦ ESCR. Atteindre, suivant les règles, un adversaire avec le fleuret, l'épée ou le sabre. Ma pointe voltige: une mouche! Décidément... c'est au bedon, Qu'à la fin de l'envoi, je touche (Rostand, Cyrano, 1898, i, 4, p. 47). ♦ TENNIS, fam. Ne pas toucher une balle. Jouer très mal, être totalement dominé par un adversaire. (Ds Petiot 1982). b) Atteindre par un projectile. On conte des merveilles de son adresse à tirer à balle. Sur un cheval lancé au galop, il touche un tronc d'olivier à cent cinquante pas (Mérimée, Mosaïque, 1833, p. 307).Mon adjudant a été touché une fois à la fesse, tout le monde riait (Giraudoux, Siegfried, 1928, i, 6, p. 38). ♦ Absol. Maurice, le bras en écharpe, s'exerçait à tirer de la main gauche (...), faisait jaillir des étincelles du pavé et criait « touché » d'une voix perçante (A. France, Révolte anges, 1914, p. 370). − Au fig., empl. abs. Toucher juste. Agir de la manière la plus adéquate, dire ce qui convient précisément. Vous avez touché juste en observant dans mes œuvres les sursauts de l'âme vers le royaume peut-être chimérique de la vérité et de la liberté sans bornes (Rodin, Art, 1911, p. 251).« Le difficile », murmura-t-il, « c'est de ne pas avoir l'air de céder à Antoine. » Il vit qu'il avait touché juste (Martin du G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 738). c) Au fig. Entrer en rapport avec quelqu'un à l'aide d'un support intermédiaire (lettre, appel téléphonique); p. ext., prendre contact avec quelqu'un par n'importe quel moyen. Synon. atteindre, joindre.[Rambert] avait décidé de partir. Comme il était recommandé (dans son métier, on a des facilités), il avait pu toucher le directeur du cabinet préfectoral (Camus, Peste, 1947, p. 1285).J'avais pris une journée de congé et j'étais allé faire du cheval chez des amis à la campagne... On a eu toutes les peines du monde à me toucher par téléphone (Simenon, Vac. Maigret, 1948, p. 115). − [Le suj. désigne ce qui s'étend, progresse] Atteindre; se propager plus avant. Dès 1930 un grand effort fut fait pour toucher les campagnes. De nombreuses œuvres affirment la présence du christianisme au Japon (Philos., Relig., 1957, p. 54-12). 3. Vieilli, PEINT. Peindre par touches. Toucher de main de maître. Pour les arbres, il ne faut pas que le reflet soit complètement un reflet (...) quand on touche par dessus les clairs ou gris, la transition est moins brusque (Delacroix, Journal, 1854, p. 176).P. anal., littér. Décrire généralement avec talent. Tout cela [la vie d'Aurélie au pensionnat] est bien touché, pas trop appuyé, d'une grande finesse d'analyse (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 2, 1862, p. 19). 4. [Le suj. désigne une chose] a) Entrer en contact avec quelqu'un, quelque chose au cours ou au terme d'un déplacement, d'une trajectoire. Une bombe avait touché un camion, tombé en travers du chemin (Malraux, Espoir, 1937, p. 517). b) MAR. [Le suj. désigne un navire, une embarcation]
α) Atteindre un lieu, aborder, faire escale. Toucher un port, un rivage, la terre ferme. La flottille anglaise doit toucher après-demain la presqu'île de Quiberon (Feuillet, Bellah, 1850, p. 285).Nous étions à bord de l'Italia, le premier transatlantique italien qui (...) filait à Gênes, son port d'attache, faire le plein, touchait Marseille, Barcelone, Malaga (Cendras, Bourlinguer, 1948, p. 26).
β) Entrer en contact (volontairement ou accidentellement). Toucher le fond; toucher une roche, le sable. Le canot vint toucher les rochers (...) la chanoinesse s'élança sur le rivage (Feuillet, Bellah, 1850, p. 28).Absol. Heurter accidentellement, plus ou moins violemment avec la quille ou le fond d'un bâtiment. Un choc m'apprit que le Nautilus avait heurté la surface inférieure de la banquise (...). En effet, nous avions « touché », pour employer l'expression marine (Verne, Vingt mille lieues, t. 2, 1870, p. 154). 5. P. anal. Atteindre, parvenir à un certain niveau. Pierre monta (...) dans une voiture superbe et publicitaire qui démarra. Le compteur toucha les cent cinquante kilomètres à l'heure insensiblement, avec la nonchalance d'une trottinette (Morand, Homme pressé, 1941, p. 300). 6. Au fig. a) [Le suj. désigne qqc. d'abstr.] Provoquer une impression affective ou intellectuelle déterminée; affecter d'une manière précise. Toucher l'âme, le cœur, l'esprit, le goût. Ce qui me terrorisait jadis ne me touche plus. J'envisage de mourir sans trembler, alors qu'autrefois la pensée de disparaître me faisait une impression (...) pénible (Green, Journal, 1935, p. 38): 2. Ce qui me touche par excellence, c'est la lutte consciente et volontaire de l'homme contre le monde, sous tous ses aspects; le mineur défonçant l'Oural et le kolkozien déniaisant le paysan pour édifier le socialisme, − ou bien Rodrigue « piochant » Hegel ou Marx, mettant patiemment de l'ordre dans les pensées (...) pour se faire une conception du monde...
Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 65. ♦ Absol. Dans ses œuvres d'orgue Reinken cherche à étonner plus qu'à toucher (Pirro, J.-S. Bach, 1919, p. 24). − [Le suj. désigne des propos, des paroles] Toucher au vif. Irriter, froisser, blesser. Ceci rappelle un mot de Bernardin de Saint-Pierre qui touche au vif Chateaubriand (Sainte-Beuve, Chateaubr., t. 1, 1860, p. 202).À la violence des épithètes qu'il me donnait, je pouvais connaître que mes raisons l'avaient touché au vif (Aymé, Vaurien, 1931, p. 16). − RELIG. [En empl. part. passé dans la loc.] Inspirer des émotions d'ordre religieux, spirituel. Je suppose que le comte a été touché par la grâce (Aymé, Cléram., 1950, iv, 10, p. 241). b) Émouvoir en suscitant une sympathie profonde, des sentiments d'affection. La mort de Zacharie les avait emplis de pitié pour cette tragique famille des Maheu (...) la mère les touchait, cette pauvre femme qui venait de perdre son fils, après avoir perdu son mari, et dont la fille n'était peut-être plus qu'un cadavre (Zola, Germinal, 1885, p. 1557).Il y avait dans sa voix, dans son sourire, une espèce d'abandon qui aurait touché Henri, autrefois; mais depuis la crise de novembre, il avait perdu à l'égard de Dubreuilh toute chaleur de cœur (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 259). ♦ Absol. [La beauté des pommiers en fleurs] touchait jusqu'aux larmes parce que, si loin qu'on allât dans ses effets d'art raffiné, on sentait qu'elle était naturelle, que ces pommiers étaient là en pleine campagne comme des paysans, sur une grande route de France (Proust, Sodome, 1922, p. 781).Quand on est de plain-pied avec les hommes, il est beaucoup plus difficile de les considérer comme des fourmis: ils touchent (Sartre, Mur, 1939, p. 72). 7. [Le suj. désigne une pers.] Recevoir quelque chose de dû au terme d'un contrat. a) [Le compl. désigne une somme d'argent] Se faire payer ou donner de l'argent, une somme d'argent. Proudhon (...) ne condamnait pas la propriété individuelle, mais voulait empêcher qu'un propriétaire touche un revenu sans travailler (Lesourd, Gérard, Hist. écon., 1968, p. 163): 3. − (...) puisque tu vas à Montsou pour la paye, rapporte-moi donc une livre de café (...) − Je te chargerais bien de passer aussi chez le boucher (...). Cette fois, il leva la tête. − Tu crois donc que j'ai à toucher des mille et des cents... La quinzaine est trop maigre avec leur sacrée idée d'arrêter constamment le travail.
Zola, Germinal, 1885, p. 1282. SYNT. Toucher une allocation, des appointements, un arriéré, un chèque, des dividendes, des droits, des gages, des intérêts; toucher son mois, des mensualités, une paie, une pension, un pourcentage, des revenus, une retraite, une ristourne, un salaire, un traitement; toucher tant par jour, par semaine, par mois; toucher de l'argent, un pourcentage sur la recette; toucher une somme d'argent. − En partic. Gagner. Toucher le tiercé, un gagnant, le gros lot. Jacques (...) avait touché un placé dans la première (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 274). b) P. ext. Percevoir quelque chose qui est régulièrement, périodiquement attribué. Toucher une ration de pain, de tabac. Cependant, après chaque repas, quand il était à la maison, la coutume était demeurée que je touchasse mes bonbons, sauf si j'en avais été privée par punition (Barrès, Enn. Lois, 1893, p. 151).D'autres, qui ont déjà touché les nouvelles capotes bleu horizon font les farauds (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 65). B. − [Sans idée de mouvement] 1. Être en contact avec quelque chose dans l'espace. Je viens, avec les deux [blouses de lit] d'en faire confectionner une seule (...) pour m'ensevelir. Elle a un capuchon, garni de dentelle autour, de la véritable dentelle de fil, − tu sais si j'ai horreur de toucher de la dentelle de coton (Colette, Naiss. jour, 1928, p. 69). 2. Au fig. a) Avoir un rapport de parenté avec quelqu'un, avec une famille. Toucher qqn de près. La plupart de ceux qui touchaient le mort même de loin furent nommés l'un après l'autre [dans un testament] (Toulet, J. fille verte, 1918, p. 301). b) Concerner plus ou moins directement. J'ai une explication grave et sérieuse à vous demander, une explication qui touche mon honneur! (Dumas père, Mllede Belle-Isle, 1839, iii, 3, p. 58).Cette personne indifférente à tout ce qui ne constitue pas son étroit univers, à tout ce qui ne la touche pas directement, ne connaît aucune des lois de la « gens » (...). Ce n'est pas de sa part bienveillance ou sympathie naturelle: elle ne pense jamais aux autres, fût-ce pour les haïr (Mauriac, Nœud vip., 1932, p. 127). ♦ En ce qui touche. En ce qui concerne. Synon. touchant2.Les peuples ne sont pas plus que les hommes disposés à reconnaître et à confesser le vrai en ce qui touche leurs propres intérêts (A. de Broglie, Diplom. et dr. nouv., 1868, p. 30). II. − Empl. trans. indir. A. − Entrer en contact avec. 1. [Le suj. désigne un animé] a) Toucher à qqc.
α) Porter la main sur quelque chose; prendre quelque chose pour le déplacer, le manipuler. Ce bon Fleury est venu me voir avec un diable d'enfant qui touchait à tout (Delacroix, Journal, 1847, p. 183).En entendant du bruit dans son bureau, j'ai entrebâillé la porte et j'ai vu Marie penchée sur des feuillets manuscrits. − Qu'est-ce que vous fabriquez? (...) Je vous ai dit de ne jamais toucher à ces papiers (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 161). − Rare. [Le suj. désigne un animal] Un déclic doit se produire si l'animal touche à la proie proposée, et derrière lui s'abattra aussitôt une sorte de couperet de bois pour fermer le pertuis à ras du sol (Gide, Journal, 1938, p. 1302). − Loc., vx. [Pour conclure un marché; en signe d'accord, d'amitié] Toucher à qqn dans la main; toucher dans la main de qqn. (Dict. xixeet xxes.). ♦ Empl. abs. Touche-là! Synon. tope-là.Touchez-là, vous avez la parole d'un homme qui n'a jamais failli à celle qu'il a donnée (Balzac, Marâtre, 1848, iii, 6, p. 90).
β) [Souvent en parlant d'un enfant] Faire usage de quelque chose, utiliser quelque chose sans y être autorisé. La mère parlant (...) de son enfant, de sa manie de toucher aux allumettes, de sa crainte qu'il n'incendiât la maison (Goncourt, Journal, 1894, p. 552). − P. ell., pop. [Pour interdire de toucher à qqc.] Pas touche! pas touche, bébé! (Dict. xxes.).
γ) Prélever une partie de quelque chose, entamer quelque chose. Toucher à son argent, à ses bénéfices, à son capital. [Auguste] est resté quinze ans petit employé de commerce, avant d'oser toucher à ses cent mille francs (Zola, Pot-Bouille, 1882, p. 120). − En partic. [Le compl. désigne une nourriture, une boisson; fréq. dans des phrases nég.] Le bouillon sifflait dans les cuillers. Ensuite, vint le bouilli. Chanteau, très gourmand, y toucha à peine, se réservant pour le gigot (Zola, Joie de vivre, 1884, p. 817).Je la trouvais bouleversée, se refusant à toucher à un seul plat du repas (Céline, Voyage, 1932, p. 64).
δ) [Le compl. désigne une activité, un objet spécifique à cette activité] Ne jamais/ne pas toucher à qqc. Ne pas se servir de quelque chose, ne pas se livrer à une activité. Jamais dans la maison on ne touche à une aiguille (Theuriet, Mariage Gérard, 1875, p. 31). b) Toucher à qqn.Porter la main sur quelqu'un avec une certaine violence. Loc. pop. Touche pas à mon pote. (Dict. xxes.). − [P. méton.] Toucher à un cheveu (de la tête) de qqn. Malmener, maltraiter. Si j'apprends qu'on a seulement touché à un cheveu de sa tête, j'en fais mon affaire personnelle. Mettez-vous ça sous la casquette (Aymé, Uranus, 1948, p. 40). − En partic. Avoir des relations sexuelles avec quelqu'un. Il se révoltait, il voyait rouge à la pensée que Philippe pourrait un jour toucher à cette femme (Zola, Nana, 1880, p. 1370).Je n'ai pas l'habitude de refuser ce qu'on m'offre et voilà six mois que je n'ai pas touché à une femme (Sartre, Mains sales, 1948, 6etabl., 3, p. 239). c) Au fig. [Le compl. désigne qqc. d'abstr.]
α) S'intéresser à quelque chose dans la perspective d'en faire l'étude, d'en parler; traiter de quelque chose, d'un sujet. Ce dictateur s'agite, rendons-lui cette justice (...). Il fait rage, il touche à tout, il court après les projets; ne pouvant créer, il décrète (Hugo, Nap. le Pt, 1852, p. 54).J'ai relu ces vacances L'Ennemi des lois de Barrès (...) que cela m'a paru léger! Qui oserait aujourd'hui toucher à Fourier ou à Saint-Simon avec si peu de sérieux! (Mauriac, Mém. intér., 1959, p. 212).
β) Apporter des modifications, des corrections; en partic., modifier en portant atteinte, en dégradant quelque chose. Toucher à un texte, à un vers; toucher à une loi, aux libertés, au droit de grève. La femme a traîné quelque temps (...) n'osant plus sortir, dans la certitude obstinée qu'on assassinait au coin des rues, depuis le jour où l'on avait touché à la rente (Zola, Travail, t. 2, 1901, p. 279). − [Le compl. désigne une pers. en tant qu'ayant un certain comportement, certaines qualités ou caractéristiques morales, intellectuelles, certains traits de caractère] Critiquer quelqu'un. Malheur à qui touche à ma mère, je n'ai plus alors de scrupules! Si je le pouvais, j'écraserais cette femme comme on écrase une vipère (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 366).Coryse s'écria, fâchée qu'on touchât au vieil abbé qu'elle aimait beaucoup. − Encroûté!... lui!... jamais de la vie! (Gyp, Mariage Chiffon, 1894, p. 71). − Loc. fam. Ne pas avoir l'air d'y toucher; sans avoir l'air d'y toucher. Dire ou faire quelque chose en adoptant un air faussement ingénu. Pendant le dîner, sans avoir l'air d'y toucher (...) tout en vidant quelques coupes joyeuses (...) Je serais bien aise de vous voir entreprendre ce garçon (Musset, On ne badine pas, 1834, i, 2, p. 9).Pauliet était habile et avec son air de n'y pas toucher il avait l'art de poser les questions (Jouve, Scène capit., 1935, p. 219). 2. [Le suj. désigne un animé ou un inanimé] Atteindre, approcher de très près. a)
α) [Le compl. désigne un lieu, un point dans l'espace] Toucher à son port d'attache. Des paquebots partent régulièrement chaque mois d'Albion, et vont toucher aux différents points des colonies espagnoles (Chateaubr., Congrès Vérone, t. 2, 1838, p. 258). − Au fig. Toucher au but. Atteindre l'objectif fixé, le terme d'une entreprise. Ce n'est pas vrai que je sois content, ce soir (...) je ne me sens plus la force de te faire du mal... Mais nous touchons au but, je te jure. Tout sera bientôt liquidé, réglé (Mauriac, Mal Aimés, 1945, ii, 6, p. 198).Hilbert et son école (...) croyaient toucher au but et démontrer, non seulement la non-contradiction de l'arithmétique, mais aussi celle de la théorie des ensembles (Bourbaki, Hist. math., 1960, p. 63).
β) [Le compl. désigne un état physique ou mor.] Toucher au bonheur; toucher au bout de ses souffrances. Je crois toucher au bout de mes forces (Bordeaux, Fort de Vaux, 1916, p. 266). b) [Le compl. désigne un point dans le temps] Toucher à son terme, à son heure dernière. L'insurrection de Paris touche à sa fin. Les affaires ont l'air de reprendre à Rouen (Flaub., Corresp., 1871, p. 271).Marianne: (...) Élisabeth touche à la trentaine sans en avoir l'air. Rose: Pour cela non, elle n'en a pas l'air (Mauriac, Mal Aimés, 1945, i, 1, p. 157). B. − Être en contact avec. 1. Être contigu, attenant. Il (...) court au cimetière, qui touche à notre maison et qu'un mur sépare du jardin (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 225).Cette robe, très ample et qui touche presque à terre, me paraît bien gênante au début (Gyp, Souv. pte fille, 1928, p. 158). 2. Être lié par des rapports de parenté. Je croyais que vous touchiez aux Montgommeri par le cœur, comme par le nom (Labiche, Prix Martin, 1876, i, 4, p. 20). 3. [Le compl. désigne qqc. d'abstr.] a) Concerner. Sa confiance (...) demeurait intacte sur les questions vraiment philosophiques: celles qui touchent à la constitution, aux facultés, à la destination, de l'homme (Ozanam, Philos. Dante, 1838, p. 229).Les étranges conditions de sa vie font de lui [Flaubert] le plus aveugle bonhomme pour tout ce qui ne touche pas à l'art et au style (Mauriac, Trois gds hommes dev. Dieu, 1947, p. 163). b) Être presque assimilable à quelque chose. C'était un honnête gentilhomme (...) riche et d'une ancienne famille, mais d'une simplicité d'esprit qui touchait à l'idiotisme (Feuillet, Sibylle, 1863, p. 8): 4. Comme la tragédie fait à l'histoire et à la psychologie, le genre cosmogonique touche aux religions, avec lesquelles il se confond par endroits, et à la science, dont il se distingue nécessairement par l'absence de vérifications.
Valéry, Variété[I], 1924, p. 136. III. − Empl. pronom. A. − Être en contact, être près l'un de l'autre. Les portes et les fenêtres des sept ateliers voisins se touchent sur la courette où nous sommes (Jacob, Cornet dés, 1923, p. 169). − Au fig. Être très proche, se ressembler. Il n'y a pas de hasard dans les lectures. Toutes mes sources se touchent: Pascal, Racine, Gide. Les siècles n'y font rien. C'est la même nappe souterraine (Mauriac, Mém. intér., 1959, p. 173). B. − Fam. Se masturber. Elle vous raconte avec un petit ton calme qu'elle a des envies de se tuer pour être tranquille, (...) qu'elle se touche quatorze fois par jour (Janet, Obsess. et psychasth., t. 2, 1903, p. 26).Le collégien qui se touche Évoquant tes fesses et tes seins En apprenant l'histoire de France (Prévert, Paroles, 1946, p. 250). REM. 1. Touchement, subst. masc.,vx ou littér. Action de toucher. L'important n'est pas de vivre, mais de mourir et d'être consommé! Et de savoir en un autre cœur ce lieu d'où le retour est perdu, Aussi fragile à un touchement de la main que la rose qui s'évanouit entre les doigts! (Claudel, Cantate, 1913, p. 329). 2. Touche-pipi, subst. masc. inv.,fam. Attouchements réciproques des zones érogènes. Jouer à, jeu de touche-pipi. Nous lisions souvent ensemble, des poètes de l'amour courtois, mais souvent nous n'allions pas plus loin pour faire une partie de touche-pipi (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 81). 3. Touche-touche (à), loc. adv.,fam. De façon très rapprochée, côte à côte. Var. à tout-touche. (Ds Rob. 1985). Mêmes échoppes minuscules installées à touche-touche (Druon, Roi de fer, 1955, p. 52). 4. Touchoter, verbe trans.Manipuler maladroitement, toucher légèrement; effleurer. En voyant touchoter avec des doigts si bêtes mes bibelots par ce joli petit animal qui s'appelle Mmede Bonnières, j'étais furieux de montrer ces choses à pareille femmelette (Goncourt, Journal, 1886, p. 570). Prononc. et Orth.: [tuʃe], (il) touche [tuʃ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1reSection. Trans. dir. I. Entrer en contact avec A. Suj.: être animé ou telle partie de son corps 1. ca 1100 « entrer en contact avec quelqu'un ou quelque chose par l'intermédiaire d'un objet, d'un instrument » (Roland, éd. J. Bédier, 1316: Deus le guarit, qu'el cors ne l'ad tuchet); 1130-40 (Wace, Ste Marguerite, éd. E. A. Francis, 694: Dame [...] ne t'ous tocher); 2. ca 1100 « faire avancer des bêtes » (Roland, 861: sur un mulet, od un bastun tuchant); fin xiiies. (Perrot de Neeles, éd. L. Jordan, 44 ds T.-L.: touce des esperons le boin ceval); 3. a) 1121-34 « entrer en contact avec quelqu'un ou quelque chose par quelque partie du corps » (Philippe de Thaon, Bestiaire, éd. E. Walberg, 912: veeir, oïr, parler, tuchier e odurer); ca 1145 (Wace, Conception ND, éd. W. R. Ashford, 1710: le raim tochierent); b) ca 1145 « avoir des rapports sexuels avec » (Id., ibid., 537: ja ne sera d'ome tochiee); c) ca 1300 ne pas toucher (à) terre « marcher, courir, danser avec légèreté, rapidité, aisance » (Guillaume de Saint-Pathus, Miracles de Saint-Louis, éd. P. B. Fay, p. 124: il sembloit que ele ne touchast a terre); 1655 (Cyrano de Bergerac, Les Estats et empires de la lune, éd. F. Lachèvre, p. 10: je ne touchois presque point à la terre); 1732 (Lesage, Gil Blas, éd. Étiemble, p. 839: à peine touchions nous la terre); d) 1456 toucher la main à qqn (en signe de salut, d'amitié) (Antoine de La Sale, Jehan de Saintré, éd. J. Misrahi et Ch. A. Knudson, p. 120: lui toucha la main); ca 1470 toucher qqn en la main (G. Chastellain, Chron., éd. Kervyn de Lettenhove, t. 4, p. 385); ca 1485 touchez là! (Mistere du Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 17709: touchez la); e) 1539 toucher du bout du doigt/des doigts (Est., s.v. doigt); 1576 faire toucher du doigt (Larivey, Facétieuses nuits de Straparole, 7enuit, fable 4, fo83 vo: je vous feray [...] toucher au doigt vostre tort); f) 1774 fig. toucher le fond de (Beaumarchais, Mém. contre Goëzman, éd. 1828, p. 308: ceci ne touche pas le fond de la question); g) α) 1877 en parlant de quelqu'un qui est vaincu à la lutte (A. Daudet, Nabab, p. 113: je suis à terre [...] les épaules ont touché);
β) 1900 fig. (Barrès, Appel soldat, p. 439: un terrain qu'il touche de ses deux épaules); 1906 (Id., Cahiers, t. 4, p. 266: toucher terre); h) 1882 toucher du fer (par superstition) (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Oncle Sosthène, p. 21); 1904 toucher du bois (Bataille, Maman Colibri, III, 4, p. 21); 4. a) ca 1138 « aborder un sujet, une question; mentionner » (Geoffroi Gaimar, Hist. des Anglais, éd. A. Bell, 1637: tucher m'estuet [empl. intrans.]) , 1241-57 (St François, éd. A. Schmidt, 1235 ds T.-L.: touche tout son porpos); b) 1286-1316 toucher un mot (Jean Maillard, Roman du Comte d'Anjou, éd. M. Roques, 4724: Mez onques mot ne li toucha); 5. 1176 « contrôler le titre d'un objet en or » (Chrétien de Troyes, Cligès, éd. A. Micha, 4202: por ce toche an l'or a l'essai); 6. a) ca 1200 « jouer d'un instrument de musique » (Renart, éd. E. Martin, branche IX, 662: cor tocher); b) 1553 « jouer (un air, un morceau de musique) » (La Bible, impr. J. Gérard, I Cor. 14b ds FEW t. 13, 2, p. 9b); c) 1579 toucher une mauvaise corde (Larivey, Vefve ds Anc. Théâtre fr., t. 5, p. 121: vous lui touchiez une trop mauvaise corde); 1774 toucher la corde sensible (J. de Lespinasse, Lettres à M. de Guilbert, éd. E. Asse, p. 94); 7. a) 1311 « recevoir (une somme d'argent) » (Texte ds Mém. de la Sté de l'hist. de Paris, t. 30, p. 223 ds Fonds Barbier: recevoient et touchoient [...] quarante livres), attest. isolée; à nouv. 1578 (Ronsard,
Œuvres compl., éd. P. Laumonier, t. 17, p. 394: la main [...] aura le pris touché); 1585 (Lettres missives de Henri IV, t. 3, p. 70 ds Gdf. Compl.: touchent argent); b) 1807 p. ext. « recevoir (notamment dans le vocabulaire militaire) » (Courier, Lettres Fr. et Ital., p. 740: je ne touche aucune ration); 1892 (Zola, Débâcle, p. 1: toucher les vivres); 8. a) 1547 « atteindre avec un projectile » (N. Du Fail, Propos rustiques, éd. J. Assézat, t. 1, p. 20: que je touche le blanc [ici au fig.: que j'aille droit au but]); 1636 (Monet : il a touché le blanc); b) 1846 fig. toucher juste « atteindre son but » (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, p. 146); av. 1860 (Lamartine, s. réf. ds Dochez 1860); c) 1872 escr. « atteindre (son adversaire) » (Littré); av. 1876 (G. Sand, s. réf. ds Guérin 1892); 9. a) 1610 « palper, explorer avec la main un objet pour en reconnaître la forme, la nature, les caractéristiques » (D'Urfé, Astrée, t. 2, p. 254: voulurent toucher le charbon pour sçavoir s'il estoit chaud); b) 1812 méd. « examiner au moyen du toucher vaginal » (Baudelocque, loc. cit.); 10. a) 1621 peint. (R. François, Essay des Merveilles de Nature, p. 202 ds Brunot t. 6, p. 689, note 11: le Peintre touche bien, c'est-à-dire, fait bien la carnation du nud); b) 1662 p. ext. litt. « exprimer, décrire (par l'écriture) » (Molière, Les Fâcheux, avertissement, éd. R. Bray, t. 2, p. 152: toucher [...] un petit nombre d'Importuns); 11. 1623 « atteindre un lieu par mer, y aborder » (Sorel, Les Nouvelles fr., p. 142: ils toucherent la terre); 12. av. 1964 « prendre contact, entrer en rapport avec quelqu'un » (J. Romains, s. réf. ds Lar. encyclop.). B. Suj.: être inanimé 1. ca 1140 « rencontrer, atteindre, heurter » (Voyage Charlemagne, éd. G. Favati, 549: [arme] qui m'a[i]t en char tuchet); 2. ca 1160 fig. « éprouver, altérer » (Troie, éd. L. Constans, 1353: quant ire e mautalenz les toche); 1550 (Ronsard, op. cit., t. 1, p. 254: le tens qui encor ne nous touche); 3. 1539 fig. « atteindre, gagner (en parlant de ce qui s'étend, progresse) » (Est., s.v. ville: ville ferue et touchee de rage); 4. 1642 mar. « atteindre (une terre, un port) » (Oudin Fr.-Ital.: toucher terre); 5. 1874 « parvenir à son destinataire (en parlant d'une correspondance, d'une communication) » (Gazette des tribunaux, 16-17 nov., p. 1103c ds Littré Suppl. 1877: n'ont pas été touchés par la notification). C. 1. a) Ca 1150 « affecter; faire une impression sur (dans le domaine affectif) » (Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 5940: l'amour de lui au cuer li touche); 1540 (Amadis de Gaule, 1erlivre, éd. H. Vaganay-Y. Giraud, p. 285: son frere et Olinde estoient touchez par grand amour l'ung de l'aultre); b) ca 1485 relig. (Mistere du Viel Testament, 28473: ma grace touche [...] ceulx qu'i me plait); 2. mil. xves. « émouvoir » (P. Crapillet, Trad. du « Cur Deus homo », éd. R. Bultot et G. Hasenohr,347: il vient pour toy touchier); 1567 (Ronsard, op. cit., t. 14, p. 157: toucher [...] mon ame); 1571 (Id., ibid., t. 15, p. 302: nul ne peut par larmes la toucher [la mort]); 3. ca 1470 fig. toucher au vif (G. Chastellain, op. cit., t. 5, p. 184: quand ce vint à toucher au vif du cas); 1559 (Amyot, Vies des hommes illustres, Pélopidas, fo202 vo: cette parole toucha au vif Thebe); ca 1485 sens propre (Mistere du Viel Testament, 28427: que noz ennemis on touche au vif). II. Être en contact avec. 1. ca 1270 « avoir à faire avec, concerner » (Seneschaucie, éd. D. Oschinsky, 1971, 47 ds Möhren Landw. Texte 1986, p. 258: choses ke touchent sa baillie); 1400-17 expr. en ce qui touche « en ce qui concerne » (Nicolas de Baye, Journal, éd. A. Tuetey, t. 1, p. 8); 2. 1579 toucher de près qqn « être son proche parent, son allié » (Larivey, Laquais ds Anc. Théâtre fr., t. 5, p. 80: ce qui vous touchoit de plus près [votre fille]); 1588 « avoir un lien de parenté » (Montaigne, Essais, III, 9, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 968: ceux qui me touchent); 3. 1580 « être en contact avec quelque chose dans l'espace; être contigu » (Id., ibid., I, 31, p. 204: cette Isle [...] touchoit quasi l'Espaigne). 2eSection. Trans. indir. I. entrer en contact avec A. toucher à quelque chose ou quelqu'un (suj.: être animé) 1. ca 1145 « porter la main sur » (Wace, Conception ND, 1693: toche a la biere de tes mains); 2. 1283 fig. « s'occuper de quelque chose, en aborder l'étude, en parler » (Philippe de Beaumanoir, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, 19: des biens qui pueent venir au baillif [...] toucherons nous un petit briement); 3. a) ca 1360 « porter atteinte à » (Froissart, s. réf. ds Dochez 1860: que le dépit et l'outrage [...] touchoit trop grandement à la majesté royale); b) 1450-65 y toucher « être mêlé à quelque chose » (Charles d'Orléans, Poés., éd. P. Champion, p. 360: Soubz visieres de Semblant qu'on n'y touche); 1834 (Musset, loc. cit.); c) 1538 « porter atteinte à quelque chose, y introduire des modifications, des corrections, des restrictions, etc. » (Est. ds FEW t. 13, 2, p. 6a); 1539 (Est.: on n'a point touché aux temples [...] il ne toucha a la ville); 4. a) 1539 « prendre, prélever une partie de quelque chose » (Est.: ne toucher au tribut, ne l'accroistre ne diminuer); b) 1564 ne pas toucher à une nourriture, une boisson (Ronsard, op. cit., t. 12, p. 149: ma levre au gobelet n'a touché pour y boire; p. 216: je suis Tantale [...] qui ne puis toucher Au doux fruit que je sens sur ma levre aprocher); 1580 (Montaigne, op. cit., I, 34, p. 220: qu'on n'auroit pas touché à sa bouteille); 1588 (Id., ibid., III, 13, p. 1101: je n'y toucheray point [à un mets]); 5. 1797 « faire usage de quelque chose » (Sénac de Meilhan, Émigré, p. 1740: toucher à un pistolet). B. Toucher à quelque chose (arriver, parvenir à) 1. 1176-81 « arriver à tel lieu, en être tout proche » (Chrétien de Troyes, Chevalier Charrette, éd. M. Roques, 6440: ele i toche [à la tour]); 1170-83 fig. (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, III, 446: en la veie esteit de pechié, Mais n'i aveit uncor tuchié); 1547 fig. toucher au but (N. Du Fail, Propos rustiques, éd. J. Assézat, t. 1, p. 123); 1655 fig. toucher au port (Cyrano de Bergerac, Les Estats et empires du soleil, éd. F. Lachèvre, p. 188); 2. a) 1635 « parvenir à telle époque, à tel événement » ici, trans. dir. (Corneille, Médée, V, 4: ce royal hyménée Dont nous pensions toucher la pompeuse journée!), 1659 (F. de Boisrobert, Epistres en vers, éd. M. Cauchie, t. 2, p. 163: je touche à mon climaterique); b) 1673 toucher à son heure dernière, à sa fin, etc. « être près de mourir » (Racine, Mithridate, V, 4: le Roi touche à son heure dernière); 1677 (Id., Phèdre, I, 2: la Reine touche presque à son terme fatal); 1763 (Voltaire, Hist. de l'Empire de Russie, t. 2, p. 168: Mmede Maintenon [...] touchait à sa fin); c) 1733 toucher au terme (Marivaux, Heureux stratagème, éd. F. Deloffre, p. 93: nous touchons au terme); 1736 toucher à la fin (Destouches, Le Dissipateur, éd. 1757, p. 72: nous touchons à la fin des deux ans de veuvage); 1739 toucher à sa fin (Prévost, Le Philosophe anglois, éd. 1777, t. 5, p. 23: [mes peines] touchoient à leur fin). II. Être en contact avec 1. a) ca 1150 « être en contact avec, être attenant, contigu » (Thèbes, éd. L. Constans, 3854: les manches [...] a terre tochent); b) ca 1345 « être presque au contact de quelque chose » (Isopet-Avionnet, éd. J. Bastin, t. 2, p. 249: si que aus oreille leur touche [la bouche]); 2. 1267 « avoir un rapport avec, concerner » (Bonne-Nouv., KP3A, A. Loiret ds Gdf. Compl.: en tant comme a lui tuiche); 1283 (Philippe de Beaumanoir, op. cit.,57: querele qui touche a la persone; § 553 [var.]: chose qui touche a proprieté); 3. 1567 « être lié à quelqu'un par le sang ou par alliance » (Ronsard, op. cit., t. 14, p. 174: ceux qui luy touchoient); 4. 1739 fig. « être très voisin de, être presque assimilable à » (Prévost, op. cit., p. 10: si le bonheur touche de si près à la peine). 3eSection. Intrans. 1. apr. 1515 mar. « heurter de la quille le fond ou un ouvrage » (E. de La Fosse, Voyage, p. 9 ds Gdf. Compl.: nous touchasmes en glisçant sur une roche); 1529 − mil. xvies. ([J. Crignon], Le Discours de la navigation de Jean et Raoul Parmentier de Dieppe, éd. Ch. Schefer, 1883, p. 5); 2. 1964 pêche « mordre à l'hameçon » (Lar. encyclop.). 4eSection. Pronom. 1. av. 1558 [éd. 1574] « être en contact, être tangents » (Mellin de Saint-Gelais,
Œuvres compl., éd. P. Blanchemain, t. 1, p. 202: espics [de blé] non se touchans); 1580 (Montaigne, op. cit., II, 12, p. 571: ne pouvoir jamais [...] arriver à se toucher [il s'agit de l'hyperbole]); 2. 1657-62 fig. « avoir des rapports étroits, des points communs » (Pascal, Pensées, éd. L. Lafuma, no83, p. 509: les sciences ont deux extrémités qui se touchent); 1751 se toucher de près (Crébillon fils, Ah quel conte, éd. 1779, p. 250); 1755 expr. les extrêmes se touchent (Mirabeau, L'Ami des hommes, éd. 1756, t. 1, p. 328); 3. 1655 « se masturber » (Cyrano de Bergerac, op. cit., p. 66: quand je me touche par la pièce du milieu); 1766 (Buffon, Hist. nat., t. 14, p. 135: [le babouin] est insolemment lubrique, et affecte [...] de se toucher). D'un lat. pop. *toccare « heurter, frapper », propr. « faire toc », issu du rad. onomat. tok évoquant le bruit sec produit par le choc de deux objets durs (v. Schuchardt ds Z. rom. Philol. t. 22, p. 397 et t. 23, p. 331; EWFS; FEW t. 13, 2, pp. 14-16, s.v. tokk-). Cf. toc, tocsin, toquer et les correspondants de toucher dans les autres lang. rom.: esp., port., cat., a. prov. tocar, prov. touca, ital. toccare, roum. toca. Fréq. abs. littér.: 14 693. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 20 052, b) 21 116; xxes.: a) 20 857, b) 21 514. Bbg. Neue Beiträge zur rom. Etymologie... Heidelberg, 1975, pp. 266-279. − Nicholson (G.-G.). Ét. étymol. R. Ling. rom. 1929, t. 5, pp. 32-40. − Quem. DDL t. 10, 19, 40. |