| TOTALITAIRE, adj. A. − PHILOS., didact. Qui rend ou tente de rendre compte de la totalité des éléments d'un phénomène, qui englobe ou tente d'englober la totalité des éléments d'un ensemble. Synon. totalisant (v. ce mot II A).Théorie totalitaire; vision totalitaire du monde. L'analyse textuelle moderne, s'inspirant de la linguistique structurale, est en un certain sens totalitaire: étudiant l'œuvre en elle-même et pour elle-même, elle prétend en reconstituer en particulier − ce n'est pas son seul objet − les structures sémantiques (Le Nouvel Observateur, 8 mai 1968, p. 40, col. 3).La logique, plus que tout autre discipline, est assujettie à l'exigence totalitaire de la connaissance rationnelle (A. Lamouche, Logique de la simplicité, p. 145 ds Foulq.-St-Jean 1969). B. − Dans le domaine pol.Qui fonctionne sur le mode du parti unique interdisant toute opposition organisée ou personnelle, accaparant tous les pouvoirs, confisquant toutes les activités de la société et soumettant toutes les activités individuelles à l'autorité de l'État. Régime, système totalitaire. Dans un état, c'est une assombrissante utopie, ce rêve de l'écrasement d'un parti par un autre; ce rêve d'un état totalitaire où les minorités subjuguées ne pourraient plus se faire entendre; où, qui pis est, chacun et tous penseraient de même. Il ne peut plus être question d'harmonie quand le chœur chante à l'unisson (Gide, Journal, Feuillets, 1937, p. 1294).La chrétienté n'avait pas été totalitaire: les États totalitaires sont nés de la volonté de trouver une totalité sans religion, et elle avait connu au moins le pape et l'empereur; mais, comme l'Inde, elle avait été un tout (Malraux, Voix sil., 1951, p. 482). − [P. méton.] Qui s'inspire, agit en vertu d'une doctrine politique totalitaire, qui sous-tend une doctrine politique totalitaire. Philosophie totalitaire. Dans cette Anthologie de la Nouvelle Europe où M. Alfred Fabre-Luce a réuni les textes essentiels, fondements des idéologies totalitaires, figurent en bonne place les fameuses maximes de René Quinton: La Nature aime la lutte et la mort. La guerre rend les hommes à leur fin native. La guerre est l'état naturel des mâles. La première mission des mâles n'est pas de se reproduire mais de s'entretuer (Mauriac,Cah. noir,1943,p. 367). Rem. 1. Le sens B, très prégnant, a affecté totalitaire dans son ensemble d'une très forte connotation péj.; des empl. corresp. au sens A se trouvent ainsi marqués péjorativement et connotent le primat tout puissant du coll., du groupe sur l'individu, la pers.: Ce pays, comme l'Europe tout entière, est bien plus infecté d'esprit totalitaire qu'aucun de nous n'aime à le penser. Chacun rêve désormais que sa pensée soit la pensée des masses. La démagogie corrompt la démocratie. L'esprit de propagande se substitue partout à l'esprit de vérité. Prenons garde (Guéhenno, Journal « Révol. », 1938, p. 237). Mauvaise messe. Une de ces messes dialoguées dont je ne discute pas les bienfaits, mais d'où toute prière individuelle se trouve pratiquement bannie (...) La religion de masse, la religion totalitaire contre la religion personnelle, c'est cela que je vois poindre (Mauriac, Bloc-Notes, 1954, p. 61). 2. Cet état de fait amène, pour signifier le sens A, à employer de façon préférentielle totalisant: Le matérialisme dialectique est une idéologie totalisante − je ne dis pas totalitaire − qui prétend tout embrasser (Le Nouvel Observateur, 2 nov. 1970, p. 58, col. 3). Prononc.: [tɔtalitε:ʀ]. Étymol. et Hist. 1933 « qui englobe ou prétend englober la totalité des éléments d'un ensemble donné » conception « totalitaire » (J. Bainville, L'Allemagne, t. II, L'Allemagne totalitaire, 1erjuill. ds Rob. 1985); 1934 « qui n'admet aucune forme légale d'opposition » état « totalitaire » (Lar. mens., p. 640b, s.v. Allemagne). Dér. de totalité*; suff. -aire*. Fréq. abs. littér.: 71. Bbg. Dub. Dér. 1962, p. 50. − Quem. DDL t. 26. |