| TONALITÉ, subst. fém. I. − Domaine acoust. et mus. A. − MUSIQUE 1. Ensemble des caractères liés au choix d'une tonique déterminée. On complète l'indication de la « tonalité » ainsi définie par celle du mode (majeur ou mineur). Par exemple: le premier chœur de la Passion selon saint Matthieu de Bach est « en mi mineur » (i.e. dans la tonalité de mi et le mode mineur) (Candé1961).Harmoniquement, le 2equatuor rappelle le passé, si l'on considère que ses trois premiers mouvements appartiennent à la tonalité de fa dièse mineur, mais il annonce l'avenir si l'on envisage son finale où règne une absolue liberté tonale (Samuel, Art mus. contemp., 1962, p 182).V. tonique2ex. de Arts et litt., 1935, p. 34-14. 2. ,,Ensemble des caractères qui distinguent les modes majeur et mineur de tous les autres modes`` (Candé 1961). À l'instant où paraît la tonalité majeure, Valdemar se prit à marcher dans l'étroite pièce (Duhamel, Jard. bêtes sauv., 1934, p. 24). 3. Vx. Système des modes et des tons. Il existe (...) des gammes autrement constituées que nos gammes européennes: les modes du plain-chant, les anciennes tonalités grecques, les gammes orientales, les gammes à cinq sons des Bretons, des Écossais, des Chinois, etc. (Lavignac, Mus. et musiciens, 1895, p. 429).Notre musique européenne a deux tonalités: la tonalité religieuse, c'est la tonalité du plain-chant, et la tonalité mondaine. Il en résulte deux systèmes de musique parfaitement distincts et dont chacun a ses règles, ses principes qui lui appartiennent en propre. Il existe encore un autre système de tonalité constitué par la musique orientale (Rougnon1935). B. − Effet dominant d'un ensemble de sons, notamment produits par la voix. Éminent artiste du bien dire, il savait tenir son auditoire attentif et en suspens tout autant par le mouvement de son débit et par la tonalité de sa voix, par l'élégance de son geste que par des hardiesses ou des curiosités de présentation (Bariéty, Coury, Hist. méd., 1963, p. 620).Ainsi, chez les adultes, de ces jeux d'éloquence où la colère donne tout au plus quelque tonalité nouvelle à la parole (Jeux et sports, 1967, p. 103). C. − Son caractéristique obtenu quand on décroche un combiné téléphonique et qui indique qu'on peut composer un numéro. Composez le numéro d'appel permettant d'accéder au service Télétel (...). Dès l'audition de la tonalité aiguë, appuyez sur connexion/fin (Listel, Annuaire des Services Télétel, 202, févr. 1986, p. 4). D. − PHONÉT. ,,Le terme est employé quelquefois comme synonyme d'intonation; plus habituellement il désigne la hauteur de son caractéristique d'une voyelle dans l'échelle normale des hauteurs: u (= ou) < o < a < e < i`` (Mar. Lex. 1951). Le vocabulaire, la grammaire, la syntaxe, la composition, le style, la métrique, les tonalités d'une langue (Marin, Ét. ethn., 1954, p. 55). − Rare. Ensemble des tons dans une langue donnée. Des coins de la salle partent, sur toutes les tonalités chinoises, des injures indistinctes, avec un bruit de meute (Malraux, Conquér., 1928, p. 111). II. − Domaine des couleurs A. − Effet dominant qui résulte d'un assemblage de couleurs. Le Morvan s'annonce comme une croupe à peine accentuée en saillie, mais qui contraste par son uniformité, sa tonalité sombre avec le pays calcaire (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 112).Dans les œuvres récentes de Gromaire, la dominante du noir, du clair-obscur s'affirme. Elle a décidément succédé à la tonalité pain brûlé de la première partie de son œuvre (Cassou, Arts plast. contemp., 1960, p. 628). − Au fig. Impression d'ensemble; coloration globale caractéristique. Dans la série des nocturnes et des paysages nébuleux, qui donnent au livre sa tonalité dominante, (...) une image se détache, nette, aux contours durs et marmoréens: celle d'une statue de la Vierge à l'enfant (Béguin, Âme romant., 1939, p. 274).Les générations actuellement à l'œuvre sont les premières dans l'histoire de l'humanité pour qui les mots « accession de tous aux œuvres de la culture » peuvent prendre une tonalité réaliste (Cacérès, Hist. éduc. pop., 1964, p. 183). B. − Chacune des nuances. Synon. teinte, ton3: Enfin, les sels de fer présentent une telle variété dans leur coloration qu'on peut assurer qu'ils suffiraient à reproduire toutes les tonalités du spectre, depuis le violet, qui est la propre couleur du métal pur, jusqu'au rouge intense qu'il donne à la silice dans les diverses sortes de rubis et de grenats.
Fulcanelli, Demeures philosophales, t. 1, 1929, p. 134. − PEINT. [C'est à Seurat et à Signac] qu'est dû le procédé du pointillisme, c'est-à-dire de la répartition des tonalités non plus seulement par des taches (...) mais par des touches très petites (...) affectant la forme sphérique (Mauclair, Maîtres impressionn., 1923, p. 189). − Tonalité chromatique. ,,Attribut de la sensation qui a suscité des dénominations de couleurs telles que bleu, vert, jaune, rouge, pourpre, etc. Cet attribut est le correspondant psychosensoriel approximatif de la grandeur colorimétrique « longueur d'onde dominante »``(Mill. Vision 1981). Synon. teinte. REM. 1. Tonaliser, verbe trans.,rare. Rendre quelque chose conforme à une certaine tonalité. Jean Wahl peut écrire: Le moutonnement des haies c'est en moi que je l'ai (...). Nous couvrons ainsi l'univers de nos dessins vécus. Ces dessins n'ont pas à être exacts. Il faut seulement qu'ils soient tonalisés sur le mode de notre espace intérieur (Bachelard, Poét. espace, 1957, p. 30). 2. Tonalisation, subst. fém.,mus., rare. Ensemble des règles liées à la tonalité. Sans doute les anciens savaient chanter accompagnés d'instruments à l'unisson; mais là se bornaient leurs connaissances; ils ne savaient ni décomposer les sons ni en apprécier les rapports. Ce n'est que depuis le quinzième siècle qu'on a fixé la tonalisation, réglé la marche des accords, et qu'on s'en est aidé pour soutenir la voix et renforcer l'expression des sentiments (Brillat-Sav., Physiol. goût, 1825, p. 33). Prononc. et Orth.: [tɔnalite]. Att. ds Ac. dep. 1878. Étymol. et Hist. A. 1. 1821 « système musical défini par l'ordre des intervalles dans l'échelle des sons ou gamme » (Castil-Blaze, Dict. de mus. mod., II, p. 329 ds Quem. DDL t. 21); 2. 1842 « propriété caractéristique d'un ton, qualité d'un morceau écrit dans un ton bien déterminé » (Ac. Compl.); 3. 1842 « ensemble des caractères de hauteur, timbre, d'un ensemble de sons, de voix » (Balzac, Rabouill., p. 423); 4. 1933 « hauteur de son caractéristique d'une voyelle » (Mar. Lex.); 5. 1967 « son caractéristique qu'on entend au téléphone quand on décroche » (Aragon, Blanche, Paris, éd. NRF, p. 137); 6. 1972 « qualité d'un poste de radio qui restitue aussi fidèlement que possible les sons » (Davau-Cohen). B. 1. 1850 peint. « impression générale produite par un ensemble de tons, de nuances » (Delacroix, Journal, p. 406); 2. 1860 fig. « impression d'ensemble, coloration particulière qui distingue un état affectif » (Baudel., Paradis artif., p. 282). Dér. sav. de ton3; suff. -al*, et -(i)té*. Fréq. abs. littér.: 210. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 9, b) 142; xxes.: a) 671, b) 404. Bbg. Quem. DDL t. 6, 12. − Schneiders (H.-W.). Der Frz. Wortschatz zur Bezeichnung von « Schall ». Genève, 1978, p. 82. |