| TOMBEREAU, subst. masc. A. − 1. a) Voiture de charge hippomobile ou tirée par des bœufs, composée d'une caisse montée sur des roues et qui peut être déchargée en basculant en arrière. Roue pesante des tombereaux; faire basculer le tombereau. Deuteric (...) plaça [sa fille] dans un tombereau attelé de deux bœufs indomptés (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 415).Des hommes dételèrent les chevaux qui s'effarèrent et partirent, piqués aux cuisses; tandis que d'autres, en renversant le tombereau, cassaient les brancards (Zola, Germinal, 1885, p. 1423). b) [Servant à transporter des matériaux ou des rebuts de tous ordres]
α) [Transp. de matériaux pour des mét. ou des activités liés à l'agric. ou au bât.] Tombereau rempli de fumier, de paille; tombereau de choux, de pois, de raves. La brouette et le tombereau sont les véhicules fondamentaux des chantiers de terrassement (Haton de La Goupillière, Exploitation mines, 1905, p. 925).Les charrettes de ferme n'avaient jamais cessé de circuler depuis le Moyen Âge, c'est-à-dire depuis l'invention du harnais moderne et du collier. Elles avaient toujours deux grandes roues et des brancards (...)! Du même temps datait leur variante, le tombereau, réservé au transport de matières plus ou moins fluides comme le sable ou le fumier (P. Rousseau, Hist. transp., 1961, p. 171). − P. méton. Contenu de cette voiture. Faites conduire cent tombereaux de sable fin de rivière de Mâcon au château sous les marronniers de la cour pour crépir le château (Lamart., Corresp., 1834, p. 26).Si l'on creusait de cinq ou six pieds dans ce tournant, ça nous donnerait d'abord deux ou trois cents tombereaux de terre grasse, qui formerait un bon engrais pour la côte (Erckm.-Chatr., Ami Fritz, 1864, p. 49). − P. anal. Grosse quantité de quelque chose. Tombereaux de fiches, de documents. Les tranchées qui courent dans ce vallon ont l'air de crevasses sismiques, et il semble que sur les ruines d'un tremblement de terre on ait déversé des tombereaux d'objets hétéroclites (Barbusse, Feu, 1916, p. 295). ♦ Au fig. Tombereau d'ignominies, d'emmerdements, d'injures, de cris, d'infâmies. Dans sa rage bredouillante, d'une voix aigre et sifflante, il déchargeait sur mon dos un tombereau de gros mots (Rolland, C. Breugnon, 1919, p. 219).[Restif de la Bretonne] a déversé, sur la société, un tombereau d'histoires triviales sans aucun intérêt (L. Daudet, Ét. et mil. littér., 1927, p. 201).
β) [Transp. de déchets de tous ordres et en partic. des ordures par les éboueurs] Tombereaux chargés de gadoue; tombereaux de démolitions; décombres dans des tombereaux; saletés jetées au tombereau. Aux portes des restaurants, on jetait dans des tombereaux les écailles d'huîtres (Goncourt, Journal, 1863, p. 1236).Des fenêtres on avait vue sur la cour. Cette vue ressemblait à un dessus de tombereau de boueux. Les choses, sans compter les hommes, qui pourrissaient là, qui s'y rouillaient, qui y moisissaient, étaient indescriptibles (Hugo, Travaill. mer, 1866, p. 168).
γ) [Transp. de cadavres en temps de guerre, d'épidémie] Le char funéraire est commun à toutes les victimes. C'est un vaste tombereau, fourni par chaque paroisse (Latouche, L'Héritier, Lettres amans, 1821, p. 120).Le sang ruisselait, des tombereaux emportaient les cadavres, du matin au soir (Zola, Débâcle, 1892, p. 627). 2. Vieilli. Charrette utilisée pour le transport des condamnés à mort sur le lieu de leur exécution. Hideux tombereau; tombereau fatal; tombereau de l'infâmie. Le bourreau s'en était retourné dans son bouge; Et la peine de mort, remmenant ses valets, Juges, prêtres, était rentrée en son palais, Avec son tombereau terrible dont la roue, Silencieuse, laisse un sillon dans la boue, Qui se remplit de sang sitôt qu'elle a passé (Hugo, Légende, t. 6, 1883, p. 63). 3. Arg., péj. Automobile. Ça devait être un tombereau assez vioquard (...) j'entendais son moulin renâcler au démarreur. Il est parti enfin, en toussant (Simonin, Touchez pas au grisbi, 1953, p. 59). B. − Spécialement 1. FOREST. ,,Véhicule servant à transporter des déblais, terres et roches, non loin du chantier (...) Si les matériaux sont transportés en avant du conducteur, le véhicule est appelé tombereau à benne frontale`` (Métro 1975). 2. INDUSTR., TRAV. PUBL. Camion constitué par une benne automotrice à plans inclinés ouverte à l'arrière et se déchargeant par basculement. [Dans le système de benne basculante, de camion] la benne du tombereau ordinaire pivote autour de l'essieu, quand on libère ses longerons des brancards (J. Cahen, Bruet, Carrières, 1926, p. 158). ♦ Tombereau automoteur articulé. ,,Engin de terrassement composé d'un avant-train moteur (généralement à deux roues) et d'un tombereau se vidant soit par le fond, soit par l'arrière`` (Choppy 1975). ♦ Tombereau racleur. ,,Sorte de véhicule en forme de benne dont le fond est terminé par une lame tranchante; la lame racle les alluvions, et le tombereau se charge en avançant. Il est poussé par un tracteur à chenille. Le déchargement se fait en marche par abaissement du fond`` (Peyroux Techn. Métiers 1985). 3. CH. DE FER. Wagon-tombereau. V. wagon-. C. − [Le tombereau est d'une autre forme matérielle que A et B et n'a pas les mêmes fonctions] − CHASSE. Claie en forme de trémie, dont on se sert pour prendre les oiseaux pendant l'hiver, sur la neige. (Dict. xixes.). − CHIM. ,,Polyester renforcé`` (Delorme 1962). − PÊCHE. Retranchement pratiqué derrière la bonde d'un étang, pour y pêcher, quand la bonde perd de l'eau. Il y a des étangs vaseux où l'on ne peut pas former une bonne poêle: en ce cas on ne pêche pas dans l'étang, mais on fait dans la fosse (...), à la décharge de l'étang, avec des planches, de la maçonnerie ou des gazons, ce qu'on nomme tombereau (...). C'est une enceinte dans laquelle, ayant ôté la cage de la bonde et levé le pilon, on laisse passer le poisson avec l'eau; et c'est dans cet endroit qu'on le pêche (Baudr.Pêches1827, p. 174). Prononc. et Orth.: [tɔ
̃bʀo]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Av. 1278 tomberel « voiture de charge, faite d'une caisse montée sur deux roues, susceptible d'être déchargée en basculant à l'arrière » (Marques de Rome, éd. J. Alton, 32 b 2 ds T.-L.); fin xiiies. tumberel (Isopet de Chartres, éd. J. Bastin, t. 1, p. 158); 1406 tombereau (Compt. de Nevers, CC 15, fo12 vo, Arch. de Nevers ds Gdf. Compl.); mil. xves. mention de l'usage du tombereau pour le transport des condamnés (J. d'un bourgeois de Paris, éd. A. Tuetey, p. 70: fut [mené] en ung tumberel à boue); b) 1498-1515 p. méton. « contenu de cette voiture » (Gringore, Vie Monseigneur Sainct Loys, éd. Ch. d'Héricault et A. de Montaiglon, t. 2, p. 315: mille tumberaux de terre); c) 1857 fig. « grosse quantité » (Taine, Philos. XIXes., p. 124: son livre [...] est un tombereau de documents); 1866 (Veuillot, Odeurs de Paris, p. 89: trois tombereaux de lieux-communs); 2. a) 1855 ch. de fer wagon-tombereau (Perdonet, Traité élémentaire des ch. de fer, p. 299 ds Quem. DDL t. 28); 1858 tombereau (Chesn. t. 2); b) 1973 trav. publ. « engin de terrassement constitué par une benne automotrice à pans inclinés, ouverte à l'arrière et se déchargeant par basculement » (J.O., 18 janv., p. 729a: Tombereau. Engin de terrassement [...] en anglais: dumper). Dér. de tomber1*; suff. -ereau (-eau*), cf. Nyrop t. 3,391. Fréq. abs. littér.: 205. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 229, b) 333; xxes.: a) 424, b) 242. |