| TIGRE, TIGRESSE, subst. I. − Tigre, subst. masc. A. − ZOOLOGIE 1. Vx. Félin à robe tachetée (léopard, panthère, jaguar, etc.) ou rayée (tigre). Le tigre d'Amérique, le jaguar, lorsqu'il est trop vivement pressé par les chasseurs, se réfugie sur les arbres! (Verne, Enf. cap. Grant, t. 1, 1868, p. 233).Tigre des pampas. Puma. Un type extraordinaire qui était aussi célèbre par ses aventures d'explorateur que par ses découvertes de géologue. Il était doux comme un mouton, mais n'avait pas son pareil pour chasser le tigre des pampas (G. Leroux, Parfum, 1908, p. 43). 2. Mammifère quadrupède, carnassier, féroce, de la famille des Félidés, au pelage fauve, rayé transversalement de noir, vivant à l'état sauvage en Asie. Tigre indien, royal; tigre du Bengale; peau de tigre. J'avais rêvé que je professais l'histoire naturelle au milieu de lions et de tigres en liberté (Michelet, Journal, 1860, p. 547). ♦ Chat-tigre*. 3. P. méton. [À propos d'une représentation du tigre] Les héros, les éléphants, les tigres gardiens du temple ou qui bordent les avenues, les immenses cobras (...) qui encadrent les frontons ou rampent le long des balustrades, ont malgré leurs massues, leurs griffes, leurs dents, un visage d'indulgence et un sourire d'accueil (Faure, Hist. art, 1912, p. 175). B. − P. compar. ou p. anal. [À propos d'une pers., p. réf. à la souplesse ou à la férocité du tigre] 1. Jaloux comme un tigre. Il m'aurait tué tout simplement, il était jaloux comme un tigre (Proust, Prisonn., 1922, p. 300). 2. Subst. + de/du tigre.Il regardoit la masse des jurés (...) avec une attention de tigre; son œil avoit quelque chose de perçant; il parcouroit, de son regard terrible, l'assemblée (...) avec une curiosité sauvage (Balzac, Annette, 1824, p. 240).La plus jeune sœur se meut avec des mouvements impossibles à prévoir; elle bondit; elle a les sauts du tigre (Baudel., Paradis artif., 1860, p. 456). 3. P. anal. a) Personne agressive, féroce. On crie maintenant contre les émigrés; ce sont des tigres qui déchiraient le sein de leur mère (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 395).Il eût semblé que Philippe [Barrès], élève de l'école de Saint-Cyr, ne fût jamais assez exposé et qu'il dût périr, son père étant un « belliciste », tigre altéré de sang (Blanche, Modèles, 1928, p. 71). − HIST. Le Tigre. [,,Surnom donné à G. Clemenceau, tant à cause de son faciès que de sa griffe de polémiste`` (GDEL)] Sous la conduite de Georges Clemenceau, « le Tigre », héros du temps de guerre, elle [la France] doit préparer cette paix difficile (Cacérès, Hist. éduc. pop., 1964, p. 70). b) Tigre de/en papier. [Calque du chinois] Adversaire prétentieux mais inoffensif. On savait à 99 % à quelle date la troisième bombe chinoise exploserait. Si cette explosion ne gêne pas les Américains pour le moment (officiellement tout au moins), c'est qu'ils savent la puissance exacte de la Chine. Pour l'instant, c'est un « tigre en papier » (Paris-Match, 21 mai 1966, p. 101, col. 3).M. Bourassa estime avoir montré que le F.L.Q. [Front de Libération du Québec] n'est qu'un « tigre de papier » (L'Express, 7 déc. 1970, p. 86, col. 2). c) Empl. adj., peu usuel. De Marsay, ce terrible de Marsay, que tout le monde trouve si tigre, est un de ces hommes forts qui rudoient les hommes, mais qui gardent toutes leurs délicatesses pour les femmes (Balzac, Cabinet ant., 1839, p. 98). C. − [Au xixes.] Petit groom. Le lord aimait beaucoup cet enfant: son tigre était une curiosité, personne à Londres n'avait de tigre si petit (Balzac, Mais. Nucingen, 1838, p. 607). D. − CHORÉGR. Jeune danseuse placée au-dessus du rat dans la hiérarchie du corps de ballet de l'Opéra. Le rat débute et danse un pas seul; son nom a été sur l'affiche en toutes lettres; il passe tigre et devient premier, second, troisième sujet (Gautier ds Larch. t. 9 1859, p. 109). E. − ENTOMOL. Tigre (du poirier). Insecte hémiptère dont les ailes et le prolongement thoracique donnent à l'insecte adulte une apparence dentelée, et dont les piqûres peuvent entraîner la chute des feuilles de certaines espèces arborescentes (d'apr. Métro 1975). II. − Tigresse, subst. fém. A. − Femelle du tigre. À l'entendre, le Caucase nous auroit portés dans ses flancs; nous aurions été nourris du lait d'une tigresse (Chateaubr., Polém., 1818-27, p. 219).Dans le jardin zoologique un seul fauve, une tigresse en furie, qui mordait ses barreaux (Giraudoux, Simon, 1926, p. 46). B. − P. compar. Des bonds de tigresse. Elle le regardait avec des yeux de tigresse; lui la fixait avec des yeux de lion, car il était en colère (Gobineau, Nouv. asiat., 1876, p. 66).Mais Aude, en mouvant ses reins, eût rendu les étalons furieux. Elle s'égalait aux cavales dardées, aux flexibles et furieuses tigresses, à la noire véhémence des fauves dans le hallier (Lemonnier, Homme amour, 1897, p. 167). C. − P. anal. Femme agressive, impitoyable, jalouse dans les relations amoureuses. − Moi, j'appelle cela de la méchanceté. Vous pourriez aussi bien dire qu'un tigre n'est pas méchant quand il mange un homme, parce que c'est instinctif. − Exactement, − dit Hélène. − Un tigre n'est pas méchant, enfin il n'est pas consciemment méchant... C'est même très juste, ce que vous venez de dire là: Solange est une tigresse (Maurois, Climats, 1928, p. 212). − Empl. adj. Nonchalantes et éventées, occupées de babioles et de fards, ne vous y fiez pas; plus tigresses que les chattes, qu'il faut tuer sept fois, dit-on, avant qu'elles meurent (Arnoux, Rêv. policier amat., 1945, p. 300). REM. 1. Tigresque, adj.,vx, littér. Qui fait penser à l'allure, au comportement du tigre. Ces physionomies s'animèrent à l'aspect de Mitral, et les yeux brillèrent d'une curiosité tigresque (Balzac, Employés, 1837, p. 180).Il serait déplorable que Mendès (...) n'eût pas écrit tant de nouvelles terriblement charmantes, de cruelles études félines et tigresques (Verlaine,
Œuvres compl., t. 5, Hommes d'auj. (André Theuriet), 1885-93, p. 471). 2. Tigron, tiglon (outigon, anglicisme),subst. masc.,,Produit du croisement entre un tigre mâle et une lionne`` (Animaux 1981). Le produit du croisement du tigre et de la lionne, obtenu parfois en ménagerie, s'appelle tigron ou tiglon ; il est rare et stérile (Lar. encyclop., s.v. tigre).Ainsi sont nés, en 1959, au zoo de Nishinomiya (Japon), les premiers « léopons » qui ont pris place, dans la galerie des hybrides, aux côtés (...) du tigon (ou tigron) (Le Monde, 27 mars 1969, p. 17, col. 4). Prononc. et Orth.: [ti:gʀ
̥], [-gʀ
εs]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1160 tigres salvages (Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 1801); 1230 [ms. xiiies.] fém. tygre aïree (Gaidon, éd. F. Guessard, 139); fin xiiies. [ms.] fém. (Hist. univ., Bibl. nat. fr. 20125, fol. 1129 ds Gdf. Compl.); 1379 [ms.] masc. un tingre (Livres Roi Modus, éd. G. Tilander, § 212, 28); 1546 jalous comme un Tigre (Rabelais, Tiers livre, éd. M. A. Screech, XXVIII, 159, p. 202); 1553 tigresse (Ronsard, Livret de folastries ds
Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 5, p. 56, 49); b) empl. adj.
α) déb. xviies. « digne d'un tigre » tigre courage (D'Aubigné, Poés. div., sonn. 12 [III, 252] ds Hug.);
β) 1690 « tacheté comme un tigre » cheval tigre (Fur.); 2. 1640 fig. tigre « homme cruel, inhumain » (Corneille, Horace, II, 7: Tigres, allez combattre [en parlant des Horace et des Curiace]); 1667 tigresse en parlant d'une belle cruelle (Molière, Pastorale comique ds
Œuvres, éd. M. Rat, t. 2, 1956, p. 188); 3. 1680 entomol. tigre [du poirier] (Rich.); 4. 1830 « petit groom [en raison de sa tenue bariolée] » (Balzac,
Œuvres div., t. 2, p. 163). Empr. au lat.tigris, -is et -idis (gr. τ
ι
́
γ
ρ
ι
ς, τ
ι
́
γ
ρ
ι
δ
ο
ς masc. et fém. « tigre », « tigresse ») masc. (en prose) et fém. (en poésie); tigresse est dér. de tigre*; suff. -esse*. Fréq. abs. littér. Tigre: 860. Tigresse: 76. Fréq. rel. littér. Tigre: xixes.: a) 1 789, b) 2 040; xxes.: a) 848, b) 527. Bbg. Quem. DDL t. 4, 19, 27, 28 (s.v. tigresque). |