| TENSION, subst. fém. I. − [Dans l'ordre matériel] A. − MÉD., PHYSIOL. État portant atteinte à un tissu, à un organe qui ne doit pas être (trop) tendu, en provoquant une sensation pénible de raideur. Synon. ballonnement, distension; anton. relâchement.À ces premiers symptômes succèdent la fièvre, les anxiétés, les suffocations, la douleur et la tension de tout le ventre (Geoffroy, Méd. prat., 1800, p. 504). B. − État d'un objet, d'une matière souple ou élastique, d'une réalité qui peut, doit être plus ou moins tendu(e); fait de communiquer cet état à cet objet, à cette matière, à cette réalité. Synon. allongement; anton. détente.Tension d'un fil, d'un nerf, d'un ressort; tension musculaire. Il y a peut-être bien certains corps (...) privilégiés, réalisant si naturellement notre idéal que, même sans génie, rien qu'en copiant le mouvement d'une épaule, la tension d'un cou, nous ferions un chef-d'œuvre (Proust, J. filles en fleurs, 1918, p. 851).V. pression ex. 2: ... ne peut-on pas dire, de lui aussi [du primitif], que « son activité quotidienne implique une parfaite confiance dans l'invariabilité des lois naturelles »? Sans elle, il ne compterait pas (...) sur la tension de son arc pour lancer sa flèche...
Bergson, Deux sources, 1932, p. 151. − PHONÉT. ,,Première phase de l'articulation d'un phonème, pendant laquelle les organes prennent la position qui convient à l'émission de ce phonème. (...) effort musculaire qui pendant l'émission agit en particulier sur les cordes vocales, et dont dépend la hauteur du son. (...) effort total des muscles intéressés à l'articulation d'un phonème`` (Mar.. Lex. 1951). Le travail phonique des cordes vocales nécessite leur mise en tension passive, réalisée par les contractions de la musculature du larynx, et leur mise en tension active, réalisée par la contraction des muscles propres des cordes vocales (Arts et litt., 1935, p. 36-4). − P. anal., BALIST. Tension d'une trajectoire. ,,Rapport de la courbe décrite par cette trajectoire avec la flèche de la même courbe`` (Lar. 19e-Lar. encyclop.). Les services techniques (...) avaient recherché une solution permettant de parer aux inconvénients que présentait la tension de la trajectoire du 85 pour battre les angles morts et les objectifs fortement défilés (Joffre, Mém., t. 1, 1931, p. 69). Rem. Tension peut désigner aussi, p. métaph., l'étendue du registre d'un instrument: Par la tension considérable de son registre chantant le cor est (...) ténor aigu (haute-contre) dans la partie supérieure de son échelle (Gevaert, Orchestr., 1885, p. 108). C. − [Empl. ressortissant aux sc. de la matière et de la vie] 1. Force agissant à la manière d'une pression sur une surface, sur ou par une paroi, dans un espace fermé ou non. Tension dynamique. Comme la tension atmosphérique diminue sensiblement dans ces hautes altitudes, la combinaison de l'oxygène de l'air avec les globules du sang s'opère plus lentement dans les poumons (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p. 109). − PHYS. DU SOLIDE. Tension interne ou moléculaire. Contrainte de traction ou de compression apparaissant dans un corps quelconque en équilibre, notamment à la suite d'un traitement mécanique ou thermique (d'apr. Peyroux Techn. Métiers 1985). V. interne I B 1 ex. de Catal. instrum. lab. (Prolabo). − MÉD., PHYSIOL. Tension (artérielle, vasculaire, veineuse). Tension que subissent les parois des artères et des vaisseaux et qui correspond exactement à la pression sous laquelle y circule le sang. Synon. pression* artérielle.Descaves fait monter le Dr Crepel, qui (...) me prend, avec l'appareil enregistreur dont s'est déjà servi Renault, la tension de mes artères. Il trouve 16 et demi: ce n'est pas l'hypertension (Renard, Journal, 1910, p. 1265). ♦ P. exagér., usuel. Hypertension. Avoir, faire de la tension. (Ds Lar. Lang. fr., Lexis 1975, Rob. 1985). ♦ Tension (intra)oculaire. Pression exercée sur les parois de l'œil par les formations solides et liquides qu'il contient (d'apr. Lar. Méd. t. 3 1972). − PHYS., CHIM. ♦ Tension interfaciale. ,,Tension superficielle qui existe entre deux liquides non miscibles`` (Méd. Biol. t. 3 1972) ou qui se manifeste à la surface de séparation d'un solide et d'un liquide (d'apr. Plais.-Caill. 1958). V. interfacial rem. 2 s.v. interface ex. de Chartrou. ♦ Tension osmotique*. ♦ Tension superficielle. Force apparaissant à la surface de séparation de deux liquides non miscibles ou d'un liquide et d'un gaz, et qui fait que, sous l'effet de la cohésion existant entre molécules voisines, les différentes parties de ces fluides ont tendance à se séparer les unes des autres (d'apr. Bader-Th. 1962). ♦ Tension de vapeur. Pression exercée, dans un espace saturé, par la vapeur à laquelle a donné naissance un corps liquide (ou solide), à une température telle que les phases liquide (ou solide) et vapeur sont en équilibre thermodynamique (d'apr. Hydrol. 1978). MÉTÉOR. Tension de vapeur d'eau. ,,Pression partielle de vapeur contenue dans l'air`` (Lar. encyclop.). − P. métaph. Comprendre une affaire, son métier. C'est saisir un principe et son travail, c'est le répéter sur l'instrument de son esprit, c'est «penser», c'est-à-dire apprécier de chaque chose le poids et la tension (Claudel, Art poét., 1907, p. 181). − P. anal. Tension sonore. Phénomène acoustique se manifestant avec intensité. [Varèse] écrivait (...) intégrales pour deux flûtes, deux clarinettes, deux trompettes (...), partition au primitivisme sauvage et insolite, remarquable par son étude de timbres et l'extrême tension sonore qui approche la limite physique de l'audibilité (Samuel, Art mus. contemp., 1962, p. 616). 2. ÉLECTR., ÉLECTROCINÉT. a) Vieilli. ,,Manifestation de l'électricité statique, caractérisée par un effet répulsif et attractif de corps légers chargés d'électricité`` (Littré); ,,force avec laquelle l'électricité accumulée sur une partie d'un corps tend à surmonter la pression atmosphérique pour s'échapper`` (DG); ,,force répulsive exercée par une surface électrisée sur l'unité d'électricité placée sur cette surface; intensité des courants`` (Lar. 19eSuppl. 1890). b) Différence de potentiel existant entre les deux pôles d'un ensemble et se mesurant en volts; p. ext., ,,potentiel auquel est porté un conducteur électrique par rapport à la terre`` (Méd. Biol. t. 3 1972). Dénivellation électronique se manifestant par une tendance au retour à l'équilibre par un écoulement compensateur (d'apr. Électron. 1960). Chute, creux de tension; mise hors/sous tension d'un circuit; courant (à) basse/(très) haute tension; ligne (à) haute tension; tension constante. [Le transformateur] élève à volonté la tension du courant, le rendant susceptible ainsi d'effectuer tous les parcours. Et cela avec le moins de perte d'énergie possible (Pesquidoux, Livre raison, 1925, p. 191). ♦ Tension d'accélération (du faisceau). ,,Différence de potentiel existant entre la cathode et l'anode et servant à créer un champ électrique destiné à accélérer les électrons`` (Industries 1986). V. ionisation A ex. de Leprince-Ringuet. ♦ Tension alternative. V. diode ex. de J. Mercier.Tension de balayage*. Tension induite. V. induit ex. de J. Mercier. ♦ Tension nominale. Tension figurant dans la désignation d'une machine ou d'un appareil et d'après laquelle sont déterminées les conditions d'essai et les tensions limites d'utilisation de cette machine ou de cet appareil (d'apr. Industries 1986). ♦ Crête* de tension. ♦ Montage en tension. Synon. montage* en série.Comme avec les piles on adopte généralement [pour les plaques] le montage en tension, c'est-à-dire que l'on relie le positif d'un élément au négatif de l'autre et ainsi de suite (Soulier, Gdes applic. électr., 1916, p. 181). ♦ P. ell. Courant à haute tension. V. pression B ex. de Caillère, Hénin. ♦ P. métaph. Cette mince jeune femme dont chaque atome semblait chargé d'un courant de haute tension spirituelle (Levinson, Visages danse, 1933, p. 27). II. − Domaine abstr. A. − Effort d'ordre moral, qui se caractérise par sa grande continuité. Synon. application; anton. abandon, dépression, détente, laisser-aller, relâche, relâchement.Tension d'esprit, de l'esprit; tension des facultés, de tout l'être d'une personne; tension douloureuse. J'ai des inquiétudes sur la santé de ma nièce, Caro. Cette tension de la volonté contre le sort l'a bien fatiguée (Flaub., Corresp., 1880, p. 317). − Dans le domaine de la litt., des Beaux-Arts.Effort de style auquel s'astreint un écrivain et qui ne manque pas d'être perçu par ses lecteurs; dynamisme qu'un artiste parvient à maîtriser. Tension dramatique. Un dessin simple et tendu (...), le contraste des plans selon des arêtes dures, assurent à ces ouvrages La Cène (...), le Joueur de cornemuse (...) une tension austère qui n'est pas sans beauté (Dorival, Peintres XXes., 1957, p. 63). − Dans le domaine de la psychol.Tension psychologique. ,,Organisation et concentration des forces de la conscience vers le réel, capacité de synthèse unifiant le Moi et le Monde`` (Mucch. Psychol. 1969). Les longues spéculations intellectuelles sans nécessité d'agir se déroulent sous une basse tension psychologique (Lar. Méd.t. 31972). − LING. Évaluation du discours d'un locuteur dans son rapport à autrui et au monde, qui est pratiquée dans l'étude de l'énonciation (d'apr. D. D. L. 1976). Les verbes être et avoir caractérisent l'absence de tension, pendant que les factitifs et les désidératifs (faire, pouvoir, vouloir, etc.) marquent un énoncé plus ou moins tendu (Ling.1972). B. − Situation d'équilibre précaire, de désaccord dans des relations entre personnes, entre groupes de personnes, entre collectivités, entraînant des risques de conflit, de crise, de rupture. Synon. antagonisme; anton. collaboration, coopération, détente.Tension diplomatique, internationale, politique; tensions sociales. Repousse-t-elle [l'Allemagne] l'idée d'une conférence à quatre, parce qu'elle sait d'avance, étant donné la tension des rapports austro-italiens, que, à ce tribunal, l'Autriche serait infailliblement condamnée par trois voix contre une? (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 358). − Dans le domaine écon.Le retour à la paix, loin d'être marqué par les tensions déflationnistes prévues, connaît une expansion remarquable de la production civile, avec des tensions monétaires inverses: un « défoulement » de l'inflation fait autant monter les prix en 2 ans (...) qu'en 5 ans de guerre (Univers écon. et soc., 1960, p. 32-10). C. − État psychique entraînant le besoin d'une détente; pulsion ou tendance qui a besoin d'être satisfaite. La tension de nos sentiments atteignit alors à son paroxysme et, sans que jamais un geste ou un mot de violence en manifestât l'exaspération, nous savions, l'un et l'autre, qu'un choc pouvait nous porter à la démesure (Bosco, Mas Théot., 1945, p. 143). − PATHOL., PSYCHOPATHOL. Tension nerveuse ou psychologique excessive. État d'exaspération durable et intense, accompagné de ruminations mentales pénibles, de désirs agressifs et d'angoisse, qui peut rester longtemps intérieur, malgré le besoin ressenti par le sujet de se libérer (d'apr. Lar. Méd. t. 3 1972). D. − Fait de tendre à quelque chose, de s'approcher de plus en plus d'un absolu. Les muscles du bas-ventre, et sur-tout les muscles droits (...) empêchent cette courbure [de l'épine vers le bas], par leur tension à en produire une contraire (Cuvier, Anat. comp., t. 1, 1805, p. 482).La tension intérieure des esprits vers Dieu peut paraître négligeable à ceux qui cherchent à supputer la quantité d'énergie accumulée dans la masse humaine (Teilhard de Ch., Milieu divin, 1955, p. 167). Rem. On relève dans la docum. le sens « action de tendre quelque chose »: Je vivais avec les premiers aïeuls de notre race, encore inexpérimenté dans la tension de mes embûches (Lautréam., Chants Maldoror, 1869, p. 325). REM. 1. Tensio-, élém. formanttiré du subst. fr. tension (supra I C 1), entrant dans la constr. de termes relevant essentiellement des domaines de la phys., de la chim., de la méd., de la physiologie.V. tensiomètre et aussi:a) Méd., physiol.
α) 2. Tensiographe, subst. masc.,,Appareil permettant d'obtenir graphiquement les différentes valeurs de la pression artérielle: maximale, moyenne et minimale`` (Méd. Biol., t. 3 1972).
β) Tensiophone, subst. masc.,,Appareil servant à mesurer la pression sanguine, qui associe les méthodes auscultatoire et palpatoire`` (Méd. Biol., t. 3 1972).
γ) Tensiorécepteur, subst. masc.,,Récepteur sensoriel viscéral (...) stimulé par les variations de tension du viscère`` (Quillet Suppl. 1971). b) Phys., chim.
α) Tensioactif, tensio-actif, -ive, adj. et subst. masc.(Produit, substance) qui modifie la tension superficielle du liquide dans lequel il/elle est dissous/dissoute. Synon. mouillant.Ces copolymères ont trouvé des applications particulièrement intéressantes dans le domaine des agents tensioactifs, notamment des détergents, des émulsifiants et des solubilisants (Champetier, Chim. macromol., 1957, p. 77).Les tensio-actifs gênent l'action des micro-organismes (Colas-Cab.1968).
β) Tensioactivité, tensio-activité, subst. fém.Aptitude d'une substance à modifier la tension superficielle d'un solvant. (Dict. xxes.).
γ) Tensiogramme, subst. masc.Dispositif présentant une surface de mercure et donnant des informations sur les propriétés des substances dont il permet l'analyse (d'apr. Neyron 1970). Tensionner, verbe trans.Donner à la denture d'un ruban de scie la tension interne nécessaire pour qu'elle ne dévie pas au moment de la coupe (d'apr. Métro 1975). Les disques de scie circulaire d'un certain diamètre doivent aussi, mais pour des raisons différentes, être tensionnées (GDEL). Prononc. et Orth.: [tɑ
̃sjɔ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. a) 1490 « état de ce qui est tendu » (Le Guidon en francois, K 5a cité par Vaganay ds Rom. Forsch. t. 32, p. 171: les signes commun du spasme sont difficulte de mouvement des nombres, tencion et contraction); b) 1520 « état de raideur qui se manifeste dans certaines parties du corps » tention de coldes (N. Falcon, Le Guidon en françois, fo183 ds Sigurs, p. 451); 2. 1680 « état d'une substance souple ou élastique tendue » (Rich. t. 2: tension des cordes des instruments de musique); spéc. 1910 phonét. (L. Roudet, Éléments de phonét. gén., Paris, H. Welter, p. 78); 3. a) 1846 phys. « pression » (Besch.); b) 1859 méd. tension artérielle (Journal de méd. et de chir. prat., t. 30, p. 280); 4. 1862 tension électrique (Hugo, Misér., t. 2, p. 146); 1868 électricité à haute tension (Verne, Enf. cap. Grant, t. 1, p. 237). B. 1. 1690 « grande application; effort continu » (Fur.); 2. 1836 « état de ce qui menace de rompre » (Quinet, All. et Ital., p. 149: tension extrême de tous les ressorts de l'État); spéc. 1904 « désaccord dans les rapports entre États » (Nouv. Lar. ill.); 3. 1862 tension nerveuse (Goncourt, Journal, p. 1115); 1903 tension psychologique (Janet, Obsess. psychasth., t. 1, p. 495). Empr. au lat. de l'époque impérialetensio « tension »; « manière de tendre (les tentes) »; en méd. « contraction des nerfs », dér. de tensum, supin de tendre « tendre ». Fréq. abs. littér.: 864. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 313, b) 635; xxes.: a) 819, b) 2 573. Bbg. Dubuc (R.). Attention aux tensions. Meta. 1970, t. 15, no1, pp. 35-36. − Parent (N.). Le Synthétiseur... Néol. Marche. 1980, no19, pp. 65-66. − Quem. DDL t. 8, 21, 27. |