| * Dans l'article "TENDRE2,, adj." TENDRE2, adj. A. − 1. a) [En parlant d'une matière] Qui oppose peu de résistance à la pression, qui cède assez facilement à la pénétration, à l'incision. Synon. mou; anton. dur, rigide.Roche tendre. Toute leur substance osseuse [des dents tenant à la gencive] est d'abord tendre et poreuse, (...) se durcit uniformément, et finit par devenir entièrement dure comme de l'ivoire (Cuvier, Anat. comp., t. 3, 1805, p. 112).Matériau dur gravé en creux et à l'envers, matériau tendre qui conserve l'empreinte du creux, (...) deux aspects techniques du sceau (L'Hist. et ses méth., 1961, p. 398). ♦ Bois tendre. Partie du bois correspondant à l'aubier ou bois imparfait, par opposition au bois parfait. La différence d'aspect entre aubier et bois parfait pourra se traduire par des différences sensibles dans leurs résistances mécaniques, l'aubier étant en général plus tendre, moins dense et moins résistant (Campredon, Bois, 1948, p. 12).Bois tendre. Essence d'arbre qui se travaille facilement. On appelle bois tendres tous ceux qui (...) ont les tissus lâches et spongieux; tels sont ceux des Saules, des Tilleuls, des Peupliers (...). Leur durée (...) est généralement courte (Carrière, Encyclop. hortic., 1862, p. 59).Le menuisier a tendance à abandonner le chêne pour le noyer plus tendre, plus docile à l'outil, et permettant une taille plus fine (Viaux, Meuble Fr., 1962, p. 45). ♦ Pâte, porcelaine tendre. V. porcelaine B 1 céram.Jusqu'en 1709 (...), la porcelaine est remplacée en Europe par une céramique formée d'un mélange de divers éléments; on la nommera porcelaine tendre parce que, contrairement à la porcelaine chinoise, elle se raye au couteau. (...) l'invention de la pâte tendre en Occident doit revenir à Edme Poterat (G. Fontaine, Céram. fr., 1965, pp. 90-91).P. métaph. Ses vers sont délicieux, mais d'une pâte si tendre qu'à des mains lourdes il n'est pas difficile de les casser (Renard, Journal, 1901, p. 690). ♦ Pierre tendre. Pierre qui peut être aisément entamée, coupée (d'apr. Noël 1968). Les soubassements doivent toujours être montés en pierres dures: (...) celles-ci résistent mieux à la charge et aux chocs que les pierres tendres; (...) elles sont moins poreuses (Viollet-Le-Duc, Archit., 1872, p. 25).Les pierres tendres étaient autrefois toutes celles qui pouvaient être sciées à la scie à dent. L'adjectif tendre a été utilisé (...) pour qualifier commercialement certaines pierres calcaires (Noël1968). − Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Partie la plus molle. La terre du plateau (...) fumante d'embruns, toute écorcée, ayant découvert son tendre, coulait en épais ruisseaux de boue (Giono, Que ma joie demeure, 1935, p. 212). b) [En parlant d'une chose comestible] Qui se laisse aisément découper par les dents, par un instrument tranchant; qui s'abîme facilement. Synon. fondant, frais1, moelleux; anton. coriace, desséché, rassis.Bifteck, viande tendre; fruits tendres; brouter l'herbe tendre. Panade. Ayez de la mie de pain tendre; le mollet est le meilleur (Viard, Cuisin. impérial, 1814, p. 17).Vous êtes tendres plus qu'une jeune épousée, Gigots d'agneaux! argile idéale, et rosée Qui fondez sous nos dents (Ponchon, Muse cabaret, 1920, p. 151). ♦ Blé tendre. Blé à cassure farineuse, à paille creuse, par opposition au blé dur à cassure cornée, à paille en partie pleine (d'apr. Lar. comm. 1930). On distingue (...) suivant la cassure du grain, cornée ou farineuse, des blés durs et blés tendres (Plantefol, Bot. et biol. végét., t. 2, 1931, p. 290). − Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Ce qui est de faible consistance, facile à broyer. Ils sont friands (...) des plantes aux feuilles vertes et chargées d'eau. Ils savent s'en nourrir en laissant seulement les nervures, et découpant le plus tendre (Ponge, Parti pris, 1942, p. 30). 2. a) [En parlant d'une couleur] Qui a un ton peu marqué, ne heurtant pas la vue, généralement clair et sensible à la lumière. Synon. atténué, effacé, estompé, pâle, pâli, suave; anton. ardent, cru2, éclatant, foncé, vif.Rose, vert tendre. Les plumes du dos sont d'un tendre bleu de pastel; tout le dessous du corps est bleu clair; les ailes vont de ce même bleu tendre au bleu le plus sombre (Gide, Voy. Congo, 1927, p. 836).Mes yeux (...) s'ouvraient sur ce mouvement des toits, des pierres, sur ces couleurs fondues, presque irréelles, allant du gris de l'ardoise au rose des briques passées, des noirs tendres aux blancs indécis et laiteux (Vialar, Pt jour, 1947, p. 98).V. bleuissant rem. s.v. bleuir ex. de Gide, carnation ex. 3. − [P. méton.; en parlant d'une chose concr.] Qui présente des coloris peu intenses, agréables à la vue. Ce bleuet céleste et ces tendres pervenches (Banville, Stalact., 1846, p. 364).Des satins clairs et des soies tendres jaillissaient (...); les soies légères aux transparences de cristal, vert Nil, ciel indien, rose de mai, bleu Danube (Zola, Bonh. dames, 1883, p. 487). − PEINT., rare, vx. Couleurs tendres. Couleurs fondues, sans dureté. Le peintre regarde moins autour de lui (...); son pinceau se complaît aux formes molles et aux couleurs tendres (Hourticq, Hist. art, Fr., 1914, p. 125). ♦ [P. méton.] Pinceau tendre. Pinceau à la touche légère qui pose la couleur avec délicatesse. Quel est le pinceau tendre et minutieux Qui leur a mis [aux petits soldats de bois] à tous des petites moustaches (Rostand, Aiglon, 1900, ii, 6, p. 84). ♦ Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Ce qui est faiblement coloré. Le clair, le tendre, le papillotant dominent (Moreau-Vauthier, Peint., 1913, p. 51). b) [En parlant d'un phénomène lumineux, atmosphérique, d'une saison] Qui ne blesse pas la vue ou la sensibilité épidermique. Synon. doux.Tendre lueur, lumière; air tendre. La lumière diminua par degrés, jusqu'à ne verser sur les objets indécis qu'un jour tendre et délicat, semblable à celui de l'aube (Nodier, Fée Miettes, 1831, p. 162).La table autour de laquelle sont les femmes et leur douceur et où se tient debout la lampe caressante, avec le tendre éclat de sa vie (Barbusse, Feu, 1916, p. 48). − Tendre à + subst.La saison d'été, si tendre aux créatures, quand le dehors a la température des chambres (...) et que la nuit des jardins est habitable, à peine moins tiède que le jour, et plus amoureuse (Noailles, Nouv. espér., 1903, p. 199). c) [En parlant d'un phénomène olfactif, gustatif, sonore] Dont la douceur flatte l'odorat, le goût, l'ouïe. Tendre parfum. On dit parfois d'un vin moelleux qu'il est coulant, qu'il est tendre (Ali-Bab, Gastr. prat., 1907, p. 130).Des fleurs achevaient de se flétrir dans une flûte de porcelaine. Une tendre et poignante odeur d'alcôve abandonnée languissait (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 87).V. bruissaillement dér. s.v. bruissailler ex. de Jammes. 3. a) [En parlant d'un animé, d'une partie du corps] Qui est d'une complexion, d'une apparence délicate; dont l'épiderme est particulièrement vulnérable aux influences extérieures. Synon. douillet, fragile; anton. endurci, insensible, racorni.Chair, corps tendre. Cuisses grosses mais fuselées, Tendres et fermes par dessous. Dessus d'un dur qui serait doux, Musculeuses et potelées (Verlaine, Odes en son honn., 1893, p. 20).Ses mains, c'étaient des merveilles, effilées, roses, claires, tendres, la même douceur que le visage, c'était une petite féerie (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 273). ♦ (Avoir la) peau tendre. (Avoir une) peau fine qui ressent vivement les impressions externes. Crevasses du trayon (...). On le constate sur les jeunes nourrices dont la peau plus tendre s'accommode mal des manipulations de la traite (Garcin, Guide vétér., 1944, p. 125).Au fig. Avoir la peau tendre (à + subst.). Être très sensible aux critiques, aux insultes. Anton. avoir la peau dure*.− Quoi! dit Leuwen, vous voulez que je supporte toute ma vie cette idée d'avoir été insulté impunément? − Si vous avez la peau si tendre au mépris, pourquoi quitter Paris? (Stendhal, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 55).J'ai dit franchement mon avis sur (...) les mauvais livres, et le monde littéraire a accepté mes arrêts sans trop se fâcher. Mais les artistes ont la peau plus tendre (Zola, Mes haines, 1866, p. 199). ♦ Avoir les pieds tendres. Avoir les pieds très sensibles aux atteintes extérieures. Je ferre entièrement les miens [des chevaux], rien que pour sortir sur l'aire. Ils ont les pieds tendres comme des demoiselles (Pesquidoux, Livre raison, 1932, p. 77). ♦ Vx. Vue tendre. Vue facilement blessée par une lumière un peu vive. Une vue dite tendre, force le digne notaire à porter des lunettes vertes pour conserver ses yeux constamment rouges (Balzac, Modeste Mignon, 1844, p. 6). − En partic. [Le suj. désigne un cheval] Avoir la bouche* tendre. Être tendre à l'éperon. Être très sensible à l'éperon. (Dict. xixeet xxes.). Être tendre aux mouches. Être facilement affecté par la piqûre des mouches (Dict. xixeet xxes.). Au fig. V. mouche I C 5. − Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Partie du corps où la peau est fragile et qui peut être fortement éprouvée par les rigueurs externes. Le soleil (...) chauffait les coins souples du corps avec insistance (...) le tendre des aisselles (Giono, Que ma joie demeure, 1935, p. 183). b) [En parlant d'un végét., d'un phénomène naturel] Qui est au premier stade de son développement, d'une fraîcheur toute neuve, particulièrement sensible aux agressions externes. Synon. neuf2, nouveau; anton. fané, flétri.Écorce tendre; bourgeons, pousses tendres. Le soleil pleuvait à travers le brouillard de la jeune verdure (...). De Scève (...) montrant la voûte légère de feuillage tendre: Le printemps! (Vercel, Cap. Conan, 1934, p. 181).P. métaph. Son dixième printemps la couronnait de roses: Marie était son nom (...). Pourquoi ces tendres fleurs, dans leur avril écloses, Tombent-elles souvent sans atteindre l'été? (Desb.-Valm., Élégies, 1833, p. 129). ♦ Tendre comme la rosée. D'une fraîcheur, d'une douceur extrême. La nature (...) est à ce point unique de fraîcheur, de pureté, de grâce (...). Les feuilles ouvertes d'hier sont tendres comme la rosée et d'une verdure transparente; j'ose à peine y toucher de peur de les flétrir (M. de Guérin, Journal, 1833, p. 170). ♦ Région. (Centre notamment). Lune tendre. Lune à son premier quartier. La lune tendre a de l'influence sur la coupe du peuplier et du chêne. Il ne faut pas les couper en lune tendre (Renard, Journal, 1901, p. 678). c) P. méton. Tendre enfance. Première enfance. La plupart des tuberculoses, dès la plus tendre enfance comme dans l'âge adulte, relèvent d'une infection d'origine intestinale (Calmette, Infection bacill. et tubercul., 1920, p. 147).Tendre jeunesse*. Âge tendre. V. âge I A 2 loc.Les petits n'y étaient pas [à l'institution Saint-Joseph] (...) en proie aux grands (...). D'un âge tendre, égaux en faiblesse, encore peu avancés en méchanceté, nous ne nous opprimions pas trop les uns les autres (A. France, Pt Pierre, 1918, p. 247). B. − Au fig. [En parlant d'une pers., de sa nature, de ses sentiments] 1. Vieilli. Qui se laisse facilement toucher, émouvoir, qui cède aux mouvements d'une sensibilité vive. Synon. sensible; anton. froid, insensible.S'il faut exalter ou réprimer la sensibilité des enfants? (...) C'est selon (...). Il y a des natures tendres et des natures sèches (...). Rien n'aurait dû me durcir plus que (...) d'avoir joué, tout enfant, dans un amphithéâtre de dissection. Personne n'est pourtant plus apitoyable que moi (Flaub., Corresp., 1869, p. 11).Cette basse littérature morale et utilitaire dont on souille leurs cerveaux tendres et impressionnables (Gourmont, Esthét. lang. fr., 1899, p. 119).V. cœur ex. 44. ♦ Tendre à + subst. désignant une situation.Vous donc, de qui les chagrins participent de la nature poétique de votre esprit (...), et par là sont plus exposés et plus tendres aux bonnes influences, pourriez-vous résister à la beauté du ciel (...)? (M. de Guérin, Corresp., 1836, p. 242).Les Femmes. Le fils qu'Alcmène conçoit ce soir de Jupiter les sait toutes infidèles, tendres aux honneurs, chatouillées par la gloire. (...) Il les séduit (Giraudoux, Amphitr. 38, 1929, iii, 2, p. 178). − Empl. subst. Personne très sensible, émotive. Esther (...) par son charme (...), par ce rapport si convenant de l'action et des personnages (...), devait ravir grands et petits, tendres et austères (Sainte-Beuve,Port-Royal, t. 5,1859,p. 490). 2. a) Qui éprouve, manifeste de l'affection, de l'amitié, de la générosité ou qui en relève. Synon. amène, amical, bon1, charitable, fraternel, généreux, gentil2, humain, sentimental; anton. cruel, dur, froid, haineux, inamical, inhumain, méchant. − [En parlant d'une pers.] Tendre mère, père; âme tendre. Combien peu de vraie bonté (...), d'oubli de soi, de pitié sincère (...). Mesuré (...) l'énorme duperie des cœurs tendres qui donnent quatre fois plus qu'ils ne doivent et qu'on ne leur rend (Amiel, Journal, 1866, p. 351).Cette famille tendre et chère, ce père (...) cette mère appliquée à m'épargner les rhumes, les furoncles, la fatigue de la volonté, ils m'écrasaient d'amour et de soins (Arnoux, Gentilsh. ceinture, 1928, p. 96).V. ami ex. 5, cœur II D 3 a ex. de Sainte-Beuve. ♦ Vieilli. Tendre à + subst.Si, confessant vos crimes, Aux dames de haut lieu vous adressiez vos rimes, Elles, d'un cœur facile et tendre à la pitié, Peut-être aussi diraient que tout est oublié (Brizeux, Marie, 1840, p. 82). ♦ Vx. Avoir le vin tendre. Être, se montrer débordant d'affection (ou, parfois, porté aux démonstrations amoureuses) sous l'effet de l'ivresse. Ils se grisaient ensemble (...). Mais Fritz (...) avait le vin singulièrement triste et tendre (...). Il racontait (...) l'histoire du mariage de son grand-père (Erckm.-Chatr., Ami Fritz, 1864, p. 110). ♦ (Être) tendre pour + subst. ou nom propre.Être indulgent, compatissant. Les chrétiens, très tendres pour Jésus, n'en ont pas moins été très durs les uns pour les autres, hostiles aux non-chrétiens, féroces, impitoyables pour les hérétiques (Michelet, Journal, 1850, p. 129). ♦ [Avec une nuance iron.] N'être pas tendre (pour + subst. ou nom propre). Juger sévèrement, impitoyablement. Les jeunes ne sont guère plus tendres pour les peintres révolutionnaires que beaucoup de Béotiens. Ils n'épargnent même plus, dans leur fureur rédemptrice, l'Impressionnisme (Lhote, Peint. d'abord, 1942, p. 164). ♦ Empl. subst. Personne affectueuse, compatissante. Les Religieuses de tout âge (...), les revêches et les tendres (Malègue, Augustin, t. 1, 1933, p. 113).Lucie n'est pas facile à vivre; vous savez, les femmes qui en ont bavé trop longtemps avant de réussir, généralement c'est pas des tendres (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 270). − [En parlant d'une chose abstr.] Tendre amitié, attachement. Le sentiment de l'humanité, c'est-à-dire, celui d'une compassion tendre, active, pour tous les maux qui affligent l'espèce humaine (Condorcet, Esq. tabl. hist., 1794, p. 164).Ce que vous ressentez pour elle, c'est l'affection douce et tendre qu'une aimable personne fait naître, et qui a tous les droits à s'appeler amitié (Gobineau, Pléiades, 1874, p. 91). ♦ Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Ce qui relève de l'affection, de l'amitié, de la générosité. Au lieu de marcher du tendre au rusé, comme la plupart des hommes, l'âge lui eût donné la bonté facile à s'attendrir, il se fût guéri d'une méfiance folle (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 460).Loc. vieillie. Avoir un tendre pour + subst.Incliner à éprouver de l'affection, de l'attachement pour. Synon. avoir un faible, un penchant pour.Je prends ma sœur Marianne, bien brave fille, à qui la vie et la solitude à deux ont fait un cuir de rhinocéros (...). Eh bien, elle a un tendre pour Henriette (L. Daudet, Am. songe, 1920, p. 137). b) Qui éprouve, manifeste ou relève de l'amour (à prédominance sentimentale). Synon. aimant1, amoureux, cajoleur, câlin, caressant, épris. − [En parlant d'une pers.] Tendre amant. J'avais pour maîtresse une petite bourgeoise fort tendre et fort sentimentale, dont le sentiment et les lettres mélancoliques me faisaient rire (Dumas fils, Dame Cam., 1848, p. 67).Les femmes vraiment tendres ne sont pas sensuelles (...). Elles sont seulement voluptueuses de cœur, dans toute l'étendue de la tendresse de ce cœur. Oh! le pauvre cœur de femme qu'un rien de l'être aimé émeut, exalte ou froisse (Goncourt, Journal, 1888, p. 737).V. ami ex. 69 et 73. ♦ [Dans une formule d'appellation amoureuse] Ô mon amie! ma chère, ma tendre amie! ô ma Sara! ma bienaimée! l'Objet d'une éternelle tendresse! on t'enlève à celui qui t'adore! (Restif de La Bret., M. Nicolas, 1796, p. 94). ♦ Empl. subst. Personne amoureuse ou inspirant l'amour. Attendre (...) que l'amie de Madame vienne au rendez-vous de son cher et tendre! (Ponson du Terr., Rocambole, t. 3, 1859, p. 286).Je disais quelquefois à ma très belle (...): « Je suis las de dormir, ma toute tendre » (...). Mon cher amour frappait des mains, riant aux éclats (Milosz, Amour. init., 1910, p. 90). − [En parlant d'une chose abstr.] Tendre amour, inclination, intérêt; tendres émotions, liens, pensées, sentiments. Les tendres souffrances, ce sont encore des richesses (...). Les fraîches jeunes filles, au soir de leur premier amour, (...) pleurent. Le chagrin est lié aux frémissements de la vie (Saint-Exup., Terre hommes, 1939, p. 240): ... les lendemains rendent une impression douce et tendre de la personne, qu'on sent et apprécie mieux qu'au moment trouble de la jouissance. La souvenance ressuscite le désir (...), avec des émotions délicates et charmantes...
Michelet, Journal, 1857, p. 326. ♦ Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre Vieilli. Avoir un tendre pour. Avoir un penchant amoureux. P. métaph. [L'opinion] se moque des vantards et avantageux; mais elle a un tendre pour eux, car ce lui sont des amants (...) qui lui font leur cour (Valéry, Tel quel I, 1941, p 106).Vx. Être du dernier tendre pour. Avoir le comportement d'un amoureux très empressé. Les paroles de tendresse ne coûtaient rien à Leuwen (...). Pendant toute la soirée, Leuwen fut du dernier tendre pour madame Grandet (Stendhal, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 205).HIST. LITTÉR. Pays de/du Tendre, royaume de Tendre ou, p. ell., le Tendre. V. pays1D.Christine: (...) Faites-moi donc entendre Ce que signifiait son royaume de Tendre [de Scudéri] (...). La Calprenède, déroulant une carte : D'abord, le Tendre était une contrée Des vulgaires amants tout à fait ignorée (...) Que traverse en entier le fleuve Sentiment (Dumas père, Christine, 1830, iii, 4, pp. 247-248).Carte du Tendre. V. carte IV A 3 c.La Carte du Tendre. Les trois fleuves de la Carte du Tendre sont Reconnaissance, Estime et Inclination, qui naît à Nouvelle-Amitié. À Tendre-sur-Inclination, on connaît le bonheur. Mais il ne faut ni s'égarer à Grand-Esprit ou Complaisance ni se risquer à Négligence ou à Indiscrétion (G. Richard, Hist. de l'amour en France, 1985, p. 155).P. anal. L'Islande et L'Odéon sont des édens charmants et des pays de Tendre à côté de l'endroit où nous allons (Lemaitre, Contemp., 1885, p. 13).Quand Paul Morand eut le talent de nous présenter le haut personnel féminin d'après-guerre, il n'aperçut point de Parisiennes sur la carte du Tendre du XXesiècle (Fargue, Piéton Paris, 1939, p. 183). c) P. méton. (relatif à supra B 2 a et b). Qui exprime l'affection, l'amitié, l'altruisme, l'amour (à prédominance sentimentale). − [En parlant de l'aspect extérieur d'une pers., de son comportement] Tendre regard, sollicitude, sourire; tendres adieux, baisers, caresses, embrassements, épanchements, soins; air tendre; gestes, inflexions tendres. Il la regardoit avec des yeux si tendres, l'amour donnoit tant d'expression à ses traits déjà si beaux, que l'ingénue Mathilde (...) ne put pas lui dire qu'elle le voyoit avec horreur (Cottin, Mathilde, t. 1, 1805, p. 161).Sa voix tendre, angélique, argentine, Conserve encor l'accent de sa voix enfantine (...), mon cœur que ce son frappe (...) me reporte aux jours où ces tendres accents De femmes, mère ou sœur (...), donnant tant de charme au foyer domestique, De mon enfance étaient la suave musique (Lamart., Jocelyn, 1836, p. 626). − [En parlant d'un moyen d'expr. verbale] Tendre aveu; tendres paroles, reproches; mots, phrases, propos tendres. Mon cher amour! (...) je voudrais (...) t'embrasser tout le jour, en te donnant, ô mon cœur, mon chat aimé, tous les noms tendres qui me viendraient à la pensée (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Mots amour, 1882, p. 602).Lady Caroline affirme que Byron lui écrivait (...) des lettres amoureuses, tendres, de tout point affectueuses (Du Bos, Journal, 1928, p. 215). ♦ [Dans une formule épistolaire] Tendres amitiés, respects, souvenirs. Mille amitiés à M. Cottu et mes tendres hommages à Mmede Sainte-Olympe (Lamennais, Lettres Cottu, 1825, p. 168).V. amitié ex. 109.Mille tendres compliments et témoignages de sincère attachement de Bc (Balzac, Corresp., 1835, p. 640). − [En parlant d'un moyen d'expr. artist. d'une œuvre, de l'art d'un aut.] Watteau, peintre idéal de la Fête jolie, Ton art léger fut tendre et doux comme un soupir, Et tu donnas une âme inconnue au Désir En l'asseyant aux pieds de la Mélancolie (Samain, Chariot, 1900, p. 68).Les chanteurs qui font entendre une musique tendre, émue, sur des paroles d'amour, et qui ont une physionomie à porter le diable en terre (Melchissédec, Pour chanter, 1913, p. 86). ♦ [P. méton.; en parlant d'un aut.] Qui s'exprime d'une manière touchante, attendrissante. Fénelon est le plus tendre et le plus gracieux de nos écrivains, Massillon est le plus élégant et le plus pur (Chênedollé, Journal, 1812, p. 71).Hermione et Roxane (...) sont, jusqu'à la fureur, « animales ». Voilà ce qu'il faut oser dire du « tendre » Racine (Mauriac, Mém. intér., 1959, p. 167).Empl. subst. Artiste qui s'exprime avec délicatesse, en faisant appel aux plus doux sentiments. Prudhon, un tendre, un sensible, un rêveur (Moreau-Vauthier, Peint., 1913, p. 57). ♦ Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Ce qui exprime un thème affectif, sentimental. Les natures (...) moins maîtresses d'elles-mêmes ne peuvent se retenir [dans la disgrâce] ; il en est qui s'exhalent en propos vifs et outrageants, d'autres tournent au tendre et à l'élégie (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 6, 1852, p. 406).L'Arioste (...) qui réunit tous les tons (...), le gai, le tragique, le convenable, le tendre (Delacroix, Journal, 1854, p. 258). d) P. anal. Qui évoque les sentiments et comportements affectueux, amicaux ou amoureux entre humains. − [En parlant de rapports entre une pers. et un animal ou d'animaux entre eux] Un crocodile, un serpent, sont-ils moins tendres pour leurs petits, qu'un rossignol, une colombe? (...) le sentiment est pareil dans toutes les races (Chateaubr., Génie, t. 1, 1803, p. 203).Ce beau regard si doux, si tendre, si reconnaissant que tourne le chien de chasse vers son maître qui le caresse (Sandeau, Mllede La Seiglière, 1848, p. 60).V. lion II A ex. de Goncourt, philomèle ex. de Chénier. − [En parlant de rapports entre une pers. et la nature] C'était (...) aux environs de Pâques (...) que (...) s'épanouissaient suavement les lilas (...). « Aime! » lui conseillaient les tendres fleurs (Coppée, Bonne souffr., 1898, p. 24).V. bon1ex. 14. REM. Tendrelet, tendret, -ette, adj.Qui est de consistance, d'apparence assez tendre. Viande tendrelette. Un enfant tendrelet (Lar. 19e). Les pains sont là, sous un terreau de son, blancs et tendrets (Giono, Gd troupeau, 1931, p. 152).On découvrait des bois (...) à peine démaillottés des charpies de l'hiver, des terres brunes, grasses (...), des champs tendrets, parés d'un duvet de blés en herbes (G. Chevallier, Clochemerle, Paris, Rieder, 1935 [1934], p. 85). Prononc. et Orth.: [tɑ
̃:dʀ
̥]. Homon. et homogr. tendre1. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1050 « jeune, plein de fraîcheur » (Alexis, éd. C. Storey, 116); 1579 âge tendre (Garnier, La Troade, éd. W. Foerster, 1772); 1580 tendre enfance (Montaigne, Essais, I, 26, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 153); 2. ca 1200 « se dit d'une chose qui n'offre pas de résistance, facile à mâcher » (J. Bodel, Fabliaux, I, 9, éd. P. Nardin, p. 69); 1636 pain tendre « nouvellement cuit » (Monet); 1564 « se dit d'une partie du corps fine qui ressent vivement une action extérieure » (Rabelais, Cinquiesme livre, éd. J. Plattard, ch. 30, p. 112); 1565 « se dit d'une chose qui se laisse facilement couper » pierre tendre (Doc. ds Comptes des bâtiments du roi, éd. L. de Laborde, II, p. 125); 1680 bois tendre (Rich.); 1675 fig. être tendre aux mouches « être sensible aux moindres incommodités » (Mmede Sévigné, Corresp., 21 sept., éd. R. Duchêne, t. 2, p. 108); 1690 id. en parlant d'un cheval (Fur.); 3. 1745 couleurs tendres (A. Bosse, Manières de graver, p. 129); 4. 1747 tendre lumière (Mmede Graffigny, Lettres d'une péruvienne, 2 ds Littré). B. 1. a) Ca 1100 tendre coer « cœur sensible » (Roland, éd. J. Bédier, 317); b) 1787 ne pas être tendre pour qqn (Comte de Caylus,
Œuvres badines, X, 39); 1843 subst. « personne affectueuse, indulgente » (Sainte-Beuve, Corresp., t. 5, p. 37); 1859 « personne sensible » (Id., Port-Royal, t. 5, p. 490); 2. déb. xvies. ta pitié tendre (Marot,
Œuvres, IV, 235 ds Littré); 3. 1567 tendre à « qui se laisse facilement aller à » (Amyot, Sylla, 64, ibid.); 1638 tendre de « plein de douceur affectueuse, d'indulgence pour » (Chapelain, Lettres, éd. Tamizey de Larroque, I, p. 225); 4. 1573 « qui porte à l'attendrissement » (Garnier, Hippolyte, éd. W. Foerster, 837). C. 1. Ca 1200 subst. masc. « partie tendre d'une chose » (Escoufle, 6630 ds T.-L.); 2. 1649 « affection, penchant » (Scarron, Virgile travesti, éd. E. Magne, l. IV, p. 174a); 3. 1656 Carte du Tendre (Mllede Scudéry, Clélie, t. 1, p. 406). Du lat. tener « tendre, délicat, frêle », « jeune, du premier âge » aussi au sens fig. Fréq. abs. littér.: 7 193. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 12 847, b) 11 606; xxes.: a) 9 789, b) 7 521. Bbg. Hasselrot 20es. 1972, p. 66 (s.v. tendret). − Quem. DDL t. 27. |