| SÉCHER, verbe I. − Empl. trans. A. − Rendre sec (quelqu'un, quelque chose), ôter l'humidité (de quelqu'un, de quelque chose). Anton. arroser, humidifier, mouiller.La chaleur, le vent sèchent le sol, la terre; laver et sécher ses mains. Amensé et Twéa, lasses de nager, étaient sorties de l'eau, et, agenouillées au bord du bassin, étalaient au soleil pour la sécher leur épaisse chevelure noire (Gautier,Rom. momie, 1858, p. 260).Le soleil séchait les chemins et donnait l'envie de voler avec lui à la rencontre de la belle saison (Pourrat,Gaspard, 1930, p. 197). 1. En partic. a) Dessécher, déshydrater (ce qui est naturellement humide).
α) [Le compl. désigne un végétal] Midi chauffe et sèche la mousse (Hugo,Chans. rues et bois, 1865, p. 96).L'été trop dur sèche les moissons (Saint-Exup.,Citad., 1944, p. 678).
β) [Le compl. désigne une partie du corps] J'ai encore une grosse émotion de débutant, le cœur qui bat, une angoisse qui sèche la bouche (Zola,L'Œuvre, 1886, p. 196).La foule (...) se portait en masse au pied de la tribune royale, soulevant un nuage de poussière qui nous piquait les yeux et nous séchait la gorge (Cendrars,Bourlinguer, 1948, p. 124).
γ) [Le compl. désigne un aliment] Faire subir un traitement destiné à le déshydrater pour assurer sa conservation. Sécher des fruits, des légumes. Les différentes familles (...) étaient dispersées dans les baies voisines pour y pêcher et sécher du saumon (Voy. La Pérouse, t. 3, 1797, p. 66): 1. Dans les vieilles cuisines romanes où le pilier rustique et les pleins cintres enfumés soutenaient deux pans de l'immense « tuyé » où l'on séchait les bandes de lard et les jambons à la fumée aromatique des branchages de genévrier, il y avait un remue-ménage inaccoutumé.
Pergaud,De Goupil, 1910, p. 67. b) Absorber, essuyer, étancher (un liquide). Sécher le sang d'une blessure. Javert sécha l'encre fraîche sur le papier, le plia comme une lettre, le cacheta (Hugo,Misér., t. 2, 1862, p. 588).Il renifla bruyamment, séchant de sa main une dernière larme à sa paupière (Roy,Bonheur occas., 1945, p. 454).P. méton. Sécher les larmes, les pleurs, les yeux, les paupières, etc. Apaiser, consoler. Belle Oïna, lui dis-je, apaise tes douleurs; C'est à moi de sécher les pleurs Que fait couler une injuste puissance (Baour-Lormian,Ossian, 1827, p. 7): 2. Pendant les premières minutes, ses larmes l'empêchèrent de voir, noyant tout d'un brouillard: il continuait de les essuyer, s'entêtait d'un pinceau tremblant. Puis, le travail sécha ses paupières, assura sa main...
Zola,L'Œuvre, 1886, p. 290. c) Pop., fam. Sécher un verre, une bouteille. Boire entièrement son contenu. « Charpentier, passe-moi le bidon d'eau-de-vie ». Deux gorgées et je le sèche! (Coppée,Contes en prose, 1882, p. 303).D'une haleine, Falstaff sèche deux gallons de xérès (Willy,Mouche des croches, 1894, p. 274). 2. Au fig. [Le compl. désigne une pers., un sentiment, un comportement] Ôter toute sensibilité, toute générosité. Synon. assécher, tarir.Cet homme long et sec (...) séchait la pitié dans le cœur des curieux, par une attitude pleine d'ironie (Balzac,Ferragus, 1833, p. 42).La science en elle-même ne sèche point le cœur, ne le refroidit point (Michelet,Peuple, 1846, p. 105). B. − Empl. arg. 1. Arg. scol. a) Vx. [En parlant d'un élève] Se faire sécher. Être mal noté, et de ce fait, être recalé à l'examen. Quelques élèves travaillent leurs examens de fin d'année juste assez pour ne pas se faire sécher (Lévy-Pinet1894, p. 280).Voir Coindreau, Arg. Baille, 1957, p. 240. − P. ext. Priver (un élève) (de quelque chose). Sécher de sortie. Voir Titeux, St-Cyr, 1898, p. 638. b) Manquer volontairement (un cours, l'école). Mon cher commandant (...) me dit le curé, avec la bille têtue et pas d'accord des mômes résolus à sécher la classe, c'est en ce lieu démantelé que vous envisagez mon entretien avec le colonel Moscardo? Comment y parviendrai-je? (Malraux,Espoir, 1937, p. 591).Quelques-uns [de ces vieillards] suivent à la Sorbonne les cours qu'ils « séchaient » à vingt ans (Mauriac,Journal 4, 1950, p. 261). − P. ext. S'abstenir de participer, d'assister à quelque chose. Thévenant avait deux rendez-vous (...) qu'il résolut de sécher sous un prétexte quelconque (L. Daudet,Am. songe, 1920, p. 82). 2. Tuer. Synon. descendre, dessouder (arg.).Sécher un flic. [Le truand] se fit buter un soir à la Nation. On n'a jamais retrouvé les mecs qui l'avaient séché (Trignol,Pantruche, 1946, p. 109). II. − Empl. intrans. A. − Devenir sec, perdre son humidité, son (ses) élément(s) liquide(s). (Couche de) peinture, colle, encre, enduit, plâtre qui sèche; vêtements, filets de pêche qui sèchent; faire, mettre (à) sécher; laisser sécher qqc. à l'air, au four, dans une étuve. Dans les jours d'hiver, le linge des tout petits séchait au grenier, pincé à des cordes tendues d'un mur à l'autre (Malègue,Augustin, t. 1, 1933, p. 62): 3. Les petites gens savent au besoin bâtir sans pierre des maisons qui suffisent à les loger. On pétrit de la terre délayée, on la verse dans des moules, on la fait sécher au soleil, et l'on fabrique ainsi des briques crues qui peuvent durer quatre ou cinq mille ans.
About,Grèce, 1854, p. 229. 1. En partic. a) [Le suj. désigne une chose ou un ensemble de choses, notamment des végétaux] Perdre sa fraîcheur, son humidité naturelle. Synon. (pour un végétal) faner, flétrir.Faire sécher des plantes dans un herbier. Préfère la croûte de pain qui sèche dans ta besace aux ortolans qui rôtissent dans la cuisine du seigneur (France,Bonnard, 1881, p. 379).Plus loin, là où les berges remontaient, le lin, en petites meules coniques, séchait à l'air; couvrant de ses pyramides d'un jaune sale et délavé d'immenses étendues (Van der Meersch,Empreinte dieu, 1936, p. 18). − P. métaph. S'il naissoit en France quelque branche d'industrie, il [Buonaparte] s'en emparoit, et elle séchoit entre ses mains (Chateaubr.,Mél. pol., t. 1, 1828, p. 16). b) [Le suj. désigne un aliment] Subir une déshydratation à des fins de conservation. Fruits, poisson, viande qui sèche(nt). Ici, tu vois, c'est la soupente où l'on fait sécher les raisins pour l'hiver (Bosco,Mas Théot., 1945, p. 50). c) P. exagér. [Le suj. désigne une pers.] Je sèche de soif! As-tu la bouteille? me demande Anaïs (Colette,Cl. école, 1900, p. 250). 2. Au fig. [Le suj. désigne une pers.; le verbe est gén. suivi d'un compl. précisant la cause] Dépérir, s'épuiser graduellement. Synon. languir.Sécher de douleur, d'impatience. Pour faire face aux frais de son éducation [de Napoléon], la famille (...) vend un champ. Et l'on n'a pas même l'idée de faire une semblable dépense pour son frère aîné Joseph, qui en sèche de jalousie (Stendhal,Napoléon, t. 2, 1842, p. 36).André s'obstina à prolonger son séjour à Paris (...). Cependant, il séchait d'ennui (Martin du G.,Devenir, 1909, p. 128). ♦ Sécher sur pied*. B. − Empl. arg. Sécher (sur qqc.). Être incapable de répondre, d'argumenter sur un sujet (notamment lors d'une interrogation scolaire). Synon. rester sec*.Afin de lui faire « acquérir une personnalité », il la laissait une heure durant, le sang aux joues, à sécher sur une lettre à un vieil oncle ou à son parrain: elle avait consigne d'écrire une lettre « originale » (Montherl.,Pitié femmes, 1936, p. 1083).Je n'ai presque jamais envie d'écrire sur ce qui me tient le plus à cœur, à moins que cela ne soit transposé dans un roman; autrement je « sèche », comme on dit au lycée, et la page reste blanche (Green,Journal, 1948, p. 140). III. − Empl. pronom. A. − Devenir sec. Que se passera-t-il depuis cette minute où je t'écris jusqu'à celle où l'encre se séchera sur la dernière rature? (Flaub.,Corresp., 1852, p. 408).Les blés à bas, on laissait les herbes se sécher un jour, se consumer au soleil, car, vertes, elles fermentent et peuvent échauffer la paille, et puis les femmes ramassaient les javelles pour les porter à lier sur les cordes de seigle (Pesquidoux,Livre raison, 1925, p. 48). − P. métaph. [Gasparine] le détestait comme joli homme (...) cédant seulement, devant son bonheur, à une colère instinctive de femme dont la beauté s'était séchée trop vite (Zola,Pot-Bouille, 1882, p. 276). B. − À valeur réfl. Se rendre sec. Se sécher au soleil, près d'une cheminée. La serviette que j'avais prise pour m'essuyer la bouche avait précisément le genre de raideur et d'empesé de celle avec laquelle j'avais eu tant de peine à me sécher devant la fenêtre, le premier jour de mon arrivée à Balbec (Proust,Temps retr., 1922, p. 869). − À valeur réfl. indir. Se sécher les cheveux. À grands coups de serviette il se séchait les chevilles, puis enfilait précipitamment ses chaussettes (Courteline,Ronds-de-cuir, 1893, p. 129). Prononc. et Orth.: [seʃe], (il) sèche [sε
ʃ]. Ac. 1694, 1718: secher; dep. 1740: sé-. Au fut., il séchera [se-] ou [sε-], v. sécheresse. Fér. Crit. t. 3 1788 écrit il sèchera. Étymol. et Hist. A. Verbe trans. 1. a) 1remoit. xiies. « mettre à sec, assécher les fleuves » (Psautier d'Oxford, 73, 16 ds T.-L.); b) 1604 secher les larmes (Montchrestien, Cartag., éd. Petit de Julleville, p. 132); c) 1640 secher ses pleurs « dominer son chagrin » (Corneille, Horace, IV, 7); d) 1670 sécher les pleurs de qqn « le consoler » (Racine, Bérénice, IV, 4); e) 1881 sécher un litre « le boire en entier » (Rigaud, Dict. arg. mod., p. 345); 2. a) ca 1145 « rendre sec » (Wace, Conception Nostre Dame, éd. W. R. Ashford, 1655); b) ca 1170 « dessécher les aliments pour les conserver » (Livre des rois, éd. E. R. Curtius, 1. II, 17, 19); 3. a) 1865 « refuser un élève à l'examen de sortie d'une grande école » (ds Esn.); b) 1867 « priver un élève de quelque chose » (ibid.); c) 1878 sécher le lycee (Rigaud, Dict. jargon paris., p. 309); d) 1893 sécher le bazar « ne pas se rendre à son travail » (Courteline, Ronds-de-cuir, Cumul, p. 44); e) 1920 « manquer volontairement une réunion, un rendez-vous » (L. Daudet, loc. cit.). B. Verbe intrans. 1. ca 1150 « dessécher, dépérir, d'un être humain » (Wace, Vie St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 1495); 2. ca 1170 « se tarir, des cours d'eau » (Livre des rois, 1. III, 17, 7); 3. 1176-81 sechier de duel « se consumer de chagrin » (Chrétien de Troyes, Chevalier Lion, éd. M. Roques, 5958); 4. 1866 « être incapable de répondre à une question d'examen » (ds Esn.). C. Verbe pronom. 1. 1498-1515 « devenir sec » (Gringore, Vie Monseigneur St Loys ds
Œuvres, éd. Ch. d'Héricault et A. de Montaiglon, t. 2, p. 115); 2. 1547 « se rendre sec, rendre sec ses vêtements » (N. Du Fail, Propos rustiques, éd. J. Assézat, p. 133); 3. 1735 « cesser de couler (des larmes) » (Marivaux, Paysan parvenu, 7epart. ds Littré). Du lat. siccare « rendre sec, faire sécher », « assécher, vider complètement », intrans. « se sécher ». Fréq. abs. littér.: 1 115. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 349, b) 1 856; xxes.: a) 1 752, b) 1 539. |