| SURRÉALISME, subst. masc. A. − LITT. [Chez Apollinaire] Attitude d'esprit, art en réaction contre le ,,naturalisme en trompe-l'œil``, qui ,,ouvre carrière à l'imagination du dramaturge``, en donnant ,,un libre cours à cette fantaisie qui est (une) façon d'interpréter la nature``, et qui mêle les genres, recourant aux ,,changements de ton du pathétique au burlesque``, à ,,l'usage raisonnable des invraisemblances (...) pour faire surgir la vie même dans toute sa vérité``, en élevant ,,l'humanité au-dessus des pauvres apparences`` (d'apr. Apoll., Tirésias, 1918, préf. et prol.). L'idéalisme vulgaire des dramaturges (...) a cherché la vraisemblance dans une couleur locale de convention qui fait pendant au naturalisme en trompe-l'œil (...), j'ai pensé qu'il fallait revenir à la nature même, mais sans l'imiter à la manière des photographes. Quand l'homme a voulu imiter la marche, il a créé la roue qui ne ressemble pas à une jambe. Il a fait ainsi du surréalisme sans le savoir (Apoll.,Tirésias,1918,préf., p. 866).V. apollinarien ex. 1. B. − HIST. DE L'ART, LITT. Mouvement intellectuel, littéraire et artistique, ébauché vers 1919 à la suite du romantisme et du dadaïsme, défini par A. Breton en 1924, et principalement caractérisé par le refus de toute considération logique, esthétique ou morale, et des oppositions traditionnelles entre réel et imaginaire, art et vie, par la prépondérance accordée au hasard, aux forces de l'instinct, de l'inconscient libérées du contrôle de la raison, et qui veut surprendre, provoquer, qui cherche à dégager une réalité supérieure, en recourant à des moyens nouveaux: sommeil hypnotique, exploration du rêve, écriture automatique, associations de mots spontanées, rapprochements inattendus d'images, etc. Cannibale, puis Littérature, où le trio André Breton − Philippe Soupault − Louis Aragon, poussant à l'extrême les recherches d'Apollinaire et ressuscitant Lautréamont, jetait les fondements du surréalisme, sont de l'année 1919 (Civilis. écr.,1939,p. 34-4).Révolte absolue, insoumission totale, sabotage en règle, humour et culte de l'absurde, le surréalisme, dans son intention première, se définit comme le procès de tout (...). Machine à chavirer l'esprit, selon Aragon, le surréalisme s'est forgé d'abord dans le mouvement « dada » dont il faut noter les origines romantiques (Camus, Homme rév., 1951, p. 118): 1. C'est de très mauvaise foi qu'on nous contesterait le droit d'employer le mot surréalisme [it. ds le texte] dans le sens très particulier où nous l'entendons (...): Surréalisme, n. m. Automatisme psychique pur par lequel on se propose d'exprimer (...) le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale (...). Le surréalisme repose sur la croyance à la réalité supérieure de certaines formes d'associations négligées jusqu'à lui, à la toute-puissance du rêve (...). Ont fait acte de surréalisme absolu MM. Aragon (...), Breton (...), Crevel, Delteil, Desnos, Éluard (...), Péret, Picon, Soupault...
Breton, Manif. Surréal., 1erManif., 1924, pp. 45-46. − PEINT., CIN. Tendance visant à représenter un monde étrange par d'insolites regroupements d'objets, par des collages, frottages, taches, trompe-l'œil, etc. et illustrée notamment par M. Ernst, A. Masson, S. Dali, R. Magritte, L. Buñuel. Une école s'est même constituée pour exploiter cette possibilité qui s'offre (...) au peintre d'entrer en contact direct avec l'inconscient: ce fut le surréalisme (Huyghe, Dialog. avec visible, 1955, p. 372): 2. Beau comme la rencontre d'un parapluie et d'une machine à coudre sur une table de dissection, cette phrase de Lautréamont était alors devenue pour le surréalisme un véritable mot d'ordre, et il faut la considérer comme la clef d'Un chien andalou. La poésie d'un Benjamin Péret ou la peinture d'un Max Ernst se fondaient alors sur le « montage » paradoxal et disparate des formes ou des mots.
Sadoul, Cin., 1949, p. 189. C. − P. anal. Ce qui évoque l'art, les méthodes du surréalisme (supra B). La spéculation (...), c'est le surréalisme dans les affaires (Aymé, Vaurien, 1931, p. 168).[P. Corneille] fait surgir la poésie des vases de poison (...), des solfatares de la fable ancienne (...). C'est du théâtre (...) qu'il crée avec ces soigneuses machines infernales (...). Mais c'est surtout (...) le surréalisme de l'histoire qui s'empare (...) de la scène (Brasillach, Corneille, 1938, p. 257). D. − Par affaiblissement, mod., fam. Ce qui dépasse l'imagination, ce qui paraît complètement insensé. − Ton déménagement? − Je suis en plein. À la maison, c'est le surréalisme absolu. − Déménager c'est rien. C'est ranger (A. Schifres, Les Parisiens, Paris, J.-Cl. Lattès, 1990, p. 229). Prononc.: [syrrealism̭]. Étymol. et Hist. 1918 « surnaturalisme » (Apoll., loc. cit.); 1924 « mouvement intellectuel, poétique, littéraire, artistique » (Breton, loc. cit.). Dér. de réalisme*; préf. sur*. Fréq. abs. littér.: 188. Bbg. Guyard (M.-R.). Autoportrait des surréalistes dans les années 30... Trav. Lexicom. Lexicol. pol. 1978, no3, pp. 10-11. − Ilie (P.). The Term « surrealism » and its philological imperative. Rom. R. 1978, t. 69, pp. 90-102. |