| SUINTER, verbe intrans. A. − [En parlant d'un liquide] S'écouler très lentement, goutte à goutte. Sur le bois de canots le goudron suintait en gouttelettes noires (Flaub., Champs et grèves, 1848, p. 385).Des gouttes brillantes comme le diamant suintent des parois de la voûte, et, tombant par intervalles réguliers dans le bassin, y produisent ce tintement sonore, harmonieux et plaintif, qui, pour les petites sources comme pour les grandes mers, est toujours la voix de l'eau (Lamart., Confid., 1849, p. 59). − Au fig. Hier, au soleil couchant, l'ennui suintait des murs d'une façon subtile et fantastique à vous asphyxier sur place (Flaub., Corresp., 1855, p. 78).La défaite suinte de partout, et j'en tiens un signe dans ma main même (Saint-Exup., Pilote guerre, 1942, p. 302). B. − Laisser s'écouler lentement et imperceptiblement un liquide. Murs qui suintent. Ah! le jour où tu te lèveras de toute ta taille d'apôtre, le jour où j'entendrai suinter les citernes de tes pleurs, alors, ô je saurai que tu es André Gide (Jammes, Corresp.[avec Gide], 1897, p. 121).Les premiers plans enflammés contrastaient avec les chaînes des deux sierras, galonnées de glaciers qui suintaient sous le soleil (Morand, Flagell. Séville,1951, p. 255). − Empl. trans. Le jus des viandes coule dans leurs barbes. Elles suintent l'huile des sacrifices, et, de leurs lèvres entr'ouvertes, s'échappent des tourbillons d'encens (Flaub., Tentation, 1856, p. 615).Ces hectares de pins rigides, suintant des larmes de résine en attendant d'être changés en poteaux de mine, le surprirent (Morand, Fr.-la-Doulce, 1934, p. 106). ♦ Au fig. [Paul de Kock] est par moments très mélodramatique, comme un vieil habitué du boulevard du Crime, qui a passé sa vie dans l'ombre de ces théâtres noirs dont les murs suintaient le poison et les aventures ténébreuses! (A. Daudet, Crit. dram., 1897, p. 301). REM. Suintant, -ante, part. prés. en empl. adj.Qui produit ou laisse s'écouler un suintement. Désespérément cramponné à la paroi suintante, il reprend d'une chaude ardeur son argument de la veille en faveur de l'existence (A. Daudet, Tartarin Alpes, 1885, p. 247).Les mouches à charogne (...) bombillaient sur la plaie tuméfiée et suintante, qu'il leur offrait (Maran, Batouala, 1921, p. 184). Prononc. et Orth.: [sɥ
ε
̃te], (il) suinte [sɥ
ε
̃:t]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Intrans. a) 1553 « laisser s'écouler imperceptiblement un liquide » ici part. prés. adj. les autres [endroitz (...) sont] tousjours moyttes et suintans (Albert. Architecture, trad., I. Martin, 40a ds Rom. Forsch. t. 32, p. 168); b) 1561 « (d'un liquide) s'écouler très lentement » (Paré, Anatomie, VIII, 15 ds
Œuvres compl., éd. J.-Fr. Malgaigne, t. 2, p. 43); 2. trans. a) 1835 « laisser s'écouler petit à petit » suintant... l'humidité caverneuse (Lamart., Voy. Orient, t. 2, p. 32); b) 1849 fig. vous suintez l'eau bénite (Flaub., Tentation, 1reversion, p. 342). Dér. de suint*; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 238. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 174, b) 373; xxes.: a) 360, b) 446. |