| SUCRE1, subst. masc. A. − Substance alimentaire de saveur douce et agréable, généralement cristallisée, que l'on extrait de certaines plantes (notamment canne à sucre et betterave). Synon. chim. saccharose.Saint-Domingue, aujourd'hui Haïti, la perle des Antilles (...) avait (...) longtemps fourni la France de sucre et de café (Bainville, Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 111): 1. ... il y a plus de quatre-vingts ans que fut proféré ce mémorable apophthegme: le sucre ne fait mal qu'à la bourse. Sous une égide aussi impénétrable, l'usage du sucre est devenu chaque jour plus fréquent, plus général, et il n'est pas de substance alimentaire qui ait subi plus d'amalgames et de transformations.
Brillat-Sav., Physiol. goût, 1825, p. 106. 1. [Aspect, utilisations, provenance, commerce du sucre] a) [Aspect, caractéristiques du sucre] Sucre blanc, roux (synon. cassonade); sucre brut, liquide, raffiné; sucre en cassons, en morceaux, en poudre; sirop de sucre; kilo, livre de sucre. Eugénie (...) [mettait] dans son café les deux petits morceaux de sucre pesant on ne sait combien de grammes que le bonhomme s'amusait à couper lui-même à ses heures perdues (Balzac, E. Grandet, 1834, p. 95).On a été conduit à donner au sucre cristallisé une forme facilement utilisable pour les usages domestiques, en l'agglomérant en pains (maintenant abandonnés) ou en plaquettes, sciées d'abord en bandes, puis cassées en morceaux, eux-mêmes conditionnés en boîtes de carton, alors que le sucre cristallisé est conditionné en sacs (Brunerie, Industr. alim., 1949, p. 26). ♦ Sucre candi*. Sucre glace*. Sucre semoule*. Pain de sucre. V. pain C 1 a. − P. métaph. C'est de la pensée brute qu'il nous versait dans son cours avant les sirops de sucre de la littérature (Barrès, Cahiers, t. 2, 1899, p. 161). − P. anal. (d'aspect). La neige continuait de tomber (...). Nous traversions, presque sans bruit, des villages en sucre qui dormaient tassés, bas comme des taupinières (Renard,
Œil clair, 1910, p. 125). ♦ En pain de sucre. V. pain C 1 a. − Loc. verb. fig. Casser du sucre sur la tête ou sur le dos de qqn. V. casser I A 2 b. b) [Utilisation du sucre]
α) ALIM. Ajouter, mettre du sucre; casser, chauffer, faire fondre du sucre; conserver, confire dans du sucre; sucre aromatisé, caramélisé, coloré, vanillé; sucre filé; degré de cuisson du sucre; confiture pur sucre; pelle, pince, râpe à sucre. Des gâteaux fourrés au chocolat ou semés d'amandes, de cannelle, de vanille, d'angélique, de guignes confites, saupoudrés ou glacés de sucre (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 259).V. boulé ex. de Flaubert: 2. Les petites filles essayaient de faire des bonbons sur le fourneau (...) elles se brûlaient la langue en goûtant trop tôt le sucre fondu, et cela finissait par un peu d'écœurement, quand on avait bien raclé le fond des casseroles.
Chardonne, Épithal., 1921, p. 10. − [Loc. désignant certaines préparations ou modes de préparation] ♦ Loc. adj. Au sucre. Aromatisé, servi avec du sucre. Fraises, poires au sucre. [Rougette] commanda un festin de noces: des crevettes, une omelette au sucre, des beignets, des moules, des œufs à la neige (Musset, Mimi Pinson, 1845, p. 226).Tarte* au sucre. ♦ Confiture (à) mi-sucre/(à) plein sucre. Confiture dans laquelle la quantité du sucre utilisé représente la moitié/la totalité du poids des fruits. (Dict. xixeet xxes.). − Sucre d'orge*. − Sucre de pomme. Friandise à base de sucre et de jus de pomme, généralement présentée sous forme de petits bâtons. La manante portait sous son bras un grand bâton de sucre de pomme (Moselly, Terres lorr., 1907, p. 95). − Vin de sucre. ,,Vin fait en ajoutant du sucre et de l'eau aux rafles de raisin après séparation et en laissant fermenter cette mixture`` (Lich. Vins 1984; dict. xxes.). Synon. piquette1.
β) BEAUX-ARTS. Gravure au sucre. ,,Dessin exécuté avec un sirop de sucre mêlé à de l'encre de Chine`` (Comte-Pern. 1963). c) [Provenance, production, comm. de sucre] Sucre de betterave, de canne, d'érable; fabrication du sucre; cristallisation, épuration, raffinage du sucre; teneur en sucre (de la betterave). Le jus de betterave renferme, à côté du sucre, une grande quantité de substances étrangères qui proviennent soit de la végétation, soit du sol, soit des engrais. Aussi, l'extraction du sucre de betterave est-elle une opération compliquée et laborieuse (Rouberty, Sucr., 1922, p. 12). ♦ Arbre à sucre. Synon. de érable (à sucre).L'érable, ou l'arbre à sucre, que l'on rencontre dans la Pensilvanie, dans la Virginie (Baudry des Loz., Voy. Louisiane, 1802, p. 168). ♦ Canne* à sucre. − Région. (Canada). Cabane* à sucre. Partie de sucre. Fête à la cabane à sucre pendant la récolte de la sève d'érable. Chaque printemps, il y venait aussi pour l'annuelle « partie de sucre » dans les splendides érablières du voisinage (Ringuet, L'Héritage, 1946, p. 174 ds Richesses Québec 1982, p. 2217).Au plur. Récolte de la sève de l'érable à sucre; temps où l'on fait cette récolte; réjouissances auxquelles elle donne lieu. Demain (...) si le doux temps se maintient, on devrait commencer à entailler pour faire les sucres. Les sucres vont commencer (Guèvremont,Marie-Didace,1947,p. 107, ds Richesses Québec 1982, p. 2219). d) Domaine de l'écon., de la législ.Cours, prix, valeur du sucre; baisse, hausse du sucre; industrie, marché, stockage du sucre; excédents, surproduction de sucre; spéculation sur les sucres; fixation du prix du sucre; pays producteurs de sucre. Le sucre indigène [de betterave] n'a pour bénéfice que la différence entre la taxe que paie le sucre colonial [de canne] et l'absence de taxe sur lui-même (Lamart., Corresp., 1836, p. 190). 2. P. méton. a) Fam. Morceau de sucre raffiné, d'un calibre déterminé. Manger un sucre; mettre, tremper un sucre dans du café, de l'eau-de-vie. Elle portait une tasse de café dans les mains (...) elle demanda: − Combien de sucres? (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 94).Dans le sucrier il prit trois sucres, dans un compotier trois noix (Montherl., Célibataires, 1934, p. 750). b) Au sing.(ou au plur., vieilli). Industrie ou commerce du sucre. Moi, j'ai un oncle dans les sucres. Il a une des plus riches raffineries de Marseille (Zola, E. Rougon, 1876, p. 69). 3. Au fig. a) [En parlant d'une chose, notamment d'un comportement, d'une manifestation de l'esprit] Douceur, agrément, charme; en partic., souvent péj., douceur affectée, excessive. Synon. miel.Reçu ce matin une lettre de Bardoux, toute en sucre (Flaub., Corresp., 1880, p. 406).Un ménage peut-être pas aussi tendre qu'il le donne à croire par le sucre des paroles échangées entre le mari et la femme en représentation, c'est le ménage Banville (Goncourt, Journal, 1890, p. 1210). b) [En parlant d'une pers.]
α) [Pour traduire une douceur gén. feinte] ♦ (Être) un sucre. (Se montrer) excessivement doux, affable. Elle me regardait avec son sourire de petit sucre (Giono, Gd troupeau, 1931, p. 229). ♦ Loc. Être tout sucre, être tout sucre et (tout) miel (v. ce mot C 3). Affecter un comportement aimable, charmeur, souvent hypocrite. Synon. faire le (la) sucré(e).Il connaissait la tactique de la Maison: tout sucre avec les étrangers en visite, les militants se montraient rogues, avec les gens déjà enrôlés (Magnane, Bête à concours, 1941, p. 331).
β) [Pour traduire une impression de fragilité] (Être) en sucre (filé). Manquer d'énergie, de résistance (physique et/ou morale). Il est pâlot, très joli, toujours un peu poupée. Un garçonnet en sucre (Colette, Cl. Paris, 1901, p. 255).Cette vieille noix de Norbert n'a probablement pas su te dire ce qu'il fallait te dire, à propos de son déserteur en sucre filé (Vercel, Cap. Conan, 1934, p. 187). c) Expr. pop. et arg. ♦ C'est pas du sucre. C'est difficile à obtenir, à réaliser. Synon. c'est pas du gâteau*, de la tarte.Et puis s'barrer en province? Pas du sucre pour l'instant. Les routes doivent être chaudes (Le Breton, Razzia, 1954, p. 179). ♦ Jean-sucre. V. jean-. B. − CHIMIE 1. Hydrate de carbone (présent dans l'amidon, la fécule, certains végétaux, la plupart des fruits sucrés) possédant plusieurs fonctions alcool, dont la chaîne peut être terminée par une fonction aldéhyde ou cétone, et qui comporte au moins quatre atomes de carbone. Le glucose, le lévulose, le saccharose sont des sucres. La photosynthèse (...) permet aux plantes de transformer sous l'action du soleil le gaz carbonique de l'air en graisses et sucres assimilables (Goldschmidt, Avent. atom., 1962, p. 236). a) Sucre de + subst. désignant une substance ani-male, minérale ou végétale.Sucre d'amidon, de fécule. ,,Glucose dextrogyre`` (Méd. Biol. t. 3 1972). Sucre de fruits. Lévulose (v. ce mot ex. de Schwartz). Sucre de gélatine. Glycocolle (d'apr. Deschamps d'Avallon, Compendium pharm. prat., 1868, p. 837). Sucre de lait. Lactose (v. ce mot ex.). Sucre de malt. Maltose (v. ce mot ex. de Industr. fr. brass.). Sucre de miel, de pomme, de raisin. Glucose. Les sucres du raisin, de la pomme, ou l'amidon de l'orge (transformé en maltose) (...) fermentent sous l'action de levures, pour donner de l'alcool et du gaz carbonique (R. Lalanne, Alim. hum., 1942, p. 86). b) Sucre + adj.Sucre interverti ou inverti. ,,Sucre obtenu par la transformation du saccharose (dextrogyre) en un mélange lévogyre de glucose et de lévulose`` (Clém. Alim. 1978). On utilise (...) des solutions de sels, de sucre inverti, de glucose, d'urée, etc. (Campredon, Bois, 1948, p. 64).V. intervertir A ex. de Boullanger et de Brunerie. 2. BIOCHIM. Cet hydrate de carbone, présent dans l'organisme humain. Sucre du diabète, du foie. Le foie (...) règle le métabolisme du sucre dans l'organisme entier (Carrel, L'Homme, 1935, p. 121).La diminution du sucre sanguin, les modifications de l'acidité du milieu intérieur, se traduisent par des perturbations mentales (Delay, Psychol. méd., 1953, p. 213). 3. CHIM. ANC., p. anal. (d'aspect). Sucre de Saturne; sucre de plomb. Acétate neutre de plomb. Synon. sel* de Saturne.La céruse (...) se dissout parfaitement dans l'acide acétique pur, et donne des cristaux de sucre de Saturne, ou acétate de plomb neutre, lorsqu'elle est saturée avec cet acide (Kapeler, Caventou, Manuel pharm. et drog., t. 1, 1821, p. 177). REM. 1. Sucrase, subst. fém.,biochim. ,,Enzyme catalysant l'hydrolyse du saccharose`` (Méd. Biol. t. 2 1971, s.v. invertase; dict. xixeet xxes.). Synon. invertase, invertine. 2. Sucrate, subst. masc.,biochim. ,,Composé résultant de l'union d'un sucre et d'un oxyde basique`` (Méd. Biol. t. 3 1972). Le jus est trouble par suite de l'action de la chaux sur le sucre, donnant naissance à des sucrates de chaux (Rouberty, Sucr., 1922, p. 50). 3. Sucrette, subst. fém.Petit comprimé à base d'édulcorants de synthèse, destiné à remplacer le sucre dans des régimes à basses calories. Le marché des sucrettes (...) est en train de passer des pharmacies aux grandes surfaces (L'Express, Suppl. 87-88, 1erjanv. 1988, p. 32, col. 2). 4. Su-sucre, susucre, subst. masc.,fam. [Avec redoublement affectueux ou iron.] Morceau de sucre. C'était un long très maigre, avec une tête de bon chien triste. Il s'amusait parfois devant une glace: « Tiens Fox, un su-sucre » (Baillon, Délires, 1927, p. 18). Prononc. et Orth.: [sykʀ
̭]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Aliment. 1176-81 çucre « substance de saveur douce extraite de la canne à sucre » (Chrétien de Troyes, Chevalier au lion, éd. M. Roques, 1406); ca 1180 zucre (Guillaume de Berneville, St Gilles, éd. G. Paris et A. Bos, 854); fin xiiies. sucre (Simples medecines, éd. P. Dorveaux, 979); 2. au fig. a) av. 1461 synon. de douceur (G. Chastellain, Exposition sur vérité mal prise ds
Œuvres, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 6, p. 254: ingrat envers ta bonne fortune et ceux qui te ont bien fait, tu payes sucre par venin, tu payes baisers par morsures); 1661 être tout sucre et tout miel (Molière, L'École des maris, I, 1, éd. R. Bray, p. 97); b) 1866 casser du sucre « faire des cancans » ici, dans l'arg. des cabotins (Delvau, p. 65); 1867 id. « dénoncer un complice » (Delvau, p. 509). B. 1. 1824 méd. « principe sucré contenu dans le sang et qui, chez les diabétiques, passe dans les urines » (J. Riffault, trad. de l'angl. d'A. Ure, Dict. de chimie, IV, 393 d'apr. R. Arveiller ds Z. rom. Philol. t. 107, p. 371); 2. 1855 chim. « toute substance qui a la propriété de se transformer en alcool et acide carbonique » (Littré-Robin). Empr. à l'ital.zucchero « sucre », att. dep. le xiiies. (dér. zuccherato « sucré », Iacopone da Todi; zucchero au xives., Crescenzi ds Tomm.-Bell.), lui-même empr. à l'ar. sukkar qui, de même que le gr. σ
α
́
κ
χ
α
ρ
ο
ν, lat. saccharum, est d'orig. indienne (skr. sárkarā
); ce sont en effet les Arabes qui ont introduit la culture de la canne à sucre en Andalousie et en Sicile. Voir FEW t. 19, p. 161b et 163. Fréq. abs. littér.: 1 618. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 943, b) 3 334; xxes.: a) 2 325, b) 2 033. Bbg. Haudricourt (A.). G.B. Mornet de Lamarck, botaniste et lexicographe. Congrès Internat. de Ling. et Philol. Rom. 13 1971. Québec, 1976, t. 1, p. 714. − Hope 1971, p. 51. − Jastrab de Saint-Robert (M.-J.). Les Mots voyageurs. Qui-vive 1986, no4, pp. 64-65. − Quem. DDL t. 16, 17, 20, 21, 25, 28. |