| SUBSTANTIEL, -ELLE, adj. A. − 1. PHILOSOPHIE a) [P. oppos. à accidentel] Qui est de la même nature que la substance, que la chose en soi, ou qui lui est propre. Forme* substantielle; réalité, vérité substantielle; fond substantiel d'une chose. Le temps, l'espace, l'identité personnelle, l'infini, toutes les existences substantielles (Cousin, Hist. philos. XVIIIes., 2, 1829, p. 478).Distinguer entre la durée substantielle des choses et le temps éparpillé en espace (Bergson, Évol. créatr., 1907, p. 360).V. accidentel1ex. 1, différence ex. 6. − Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Cette sorte de renversement des valeurs qui dans tous les ordres fera primer le réel sur le mot, l'intime et le substantiel sur l'extérieur et l'apparent (Maritain, Human. intégr., 1936, p. 308). b) [Le plus souvent dans des cont. relatifs à Dieu] Inhérent à la substance, à ce qui existe par soi ou qui est de la même nature. Amour substantiel; bonté substantielle; Dieu, être, moi substantiel; unité substantielle de l'âme et du corps. Je ne crois pas à l'âme humaine, substantielle et immortelle (Martin du G., J. Barois, 1913, p. 454): ... comment croire que la création s'arrête à nous, et qu'ayant par notre corps une parenté inférieure qui s'étend jusque dans la région de l'imperceptible, nous n'ayons point par notre esprit une parenté supérieure qui s'enfonce jusque dans la région de l'infini substantiel?
Lacord., Conf. N.-D., 1848, p. 111. 2. P. anal., littér. Synon. de fondamental, essentiel.Hugo, à Paris, n'eût pas fait tourner des tables, et il eût intégré son idéal dans quelque chose de plus substantiel (Barrès, Cahiers, t. 14, 1923, p. 226). − [En parlant d'une œuvre écrite] Qui contient l'essentiel d'un sujet. Un résumé substantiel de tous les travaux des philosophes depuis deux siècles (P. Leroux, Humanité, 1840, p. 138). B. − Littér. Qui possède une existence physique, qui se manifeste concrètement. Synon. palpable, réel, tangible.La révolution, c'est le réalisme. Tout ce qui est apparence pour les yeux, tout ce qui est idéal, non substantiel, n'existe pas pour le peuple. Il n'admet que le réel (Renan, Drames philos., Caliban, 1878, iv, 4, p. 421).L'art moderne d'où toute réalité substantielle a été retirée (Claudel, Corresp. [avec Gide], 1905, p. 52). C. − 1. Riche en éléments nutritifs. Synon. consistant, copieux, nourrissant, riche.Aliment, mets, potage, régime, repas substantiel; nourriture substantielle. La cuisine de la grande taverne à la fois simple, substantielle et raffinée (Ambrière, Gdes vac., 1946, p. 14).V. bourgeois ex. 6, défaillant ex. 2. − P. anal., PÉDOL. [P. oppos. à maigre] Il lui faut [à la vigne] un sol sec qui s'égoutte, profond, substantiel, riche en fer s'il se peut (Pesquidoux, Livre raison, 1925, p. 159). 2. [Le plus souvent en parlant d'un texte ou de paroles; p. oppos. à vide, creux] Qui contient beaucoup de substance, qui a du fond, des idées. Synon. enrichissant, riche.Conversation, étude, lecture, œuvre substantielle; enseignement, entretien, propos, récit substantiel. Fini le livre de Bory de Saint-Vincent sur l'Espagne, − un livre substantiel, savant, méthodique, bien fait et écrit avec une rare élégance (Barb. d'Aurev., Memor. 1, 1836, p. 18).Causerie fort intéressante et substantielle de Léger (Gide, Journal, 1933, p. 1166). − P. méton., rare. [En parlant d'un écrivain] Dont l'œuvre est enrichissante. M. Zeller, avec son bon et droit esprit, a résolu le problème assez délicat d'être court, substantiel toutefois et complet (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 9, 1965, p. 281). − Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. On arrive (...) à mettre dans le même sac Fustel de Coulanges et Frédéric Masson (...); l'excellent et le médiocre, le substantiel et l'insignifiant (L. Daudet, Vers le roi, 1920, p. 155). 3. [Le plus souvent en parlant de choses matérielles] Important, considérable, appréciable, conséquent quantitativement et qualitativement. Les terribles épreuves de 1916 (...) empêchaient le peuple de voir les résultats substantiels acquis au cours de cette même année (Joffre, Mém., t. 2, 1931, p. 411).Des profits suffisamment importants pour verser aux déposants un intérêt substantiel (Lesourd, Gérard, Hist. écon., 1968, p. 39).V. abondamment ex. 4, majoration A 2 ex. de De Gaulle. SYNT. Augmentation, baisse, économie, majoration substantielle; accroissement, allégement, apport, avantage, bénéfice, crédit, pourboire, pourcentage, profit, progrès, revenu substantiel; réformes substantielles; services substantiels. Prononc. et Orth.: [sypstɑ
̃sjεl]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1265 « essentiel, fondamental » (Brunet Latin, Trésor, éd. F.-J. Carmody, p. 389); b) 1377 forme substanciele (des éléments) (Oresme, Ciel et Monde, éd. A.-D. Menut, p. 58); c) 1580 « réel » (Montaigne, Essais, II, XII, éd. P. Villey, p. 592); 2. 1560 philos., théol. (Calvin, Instit. chrét., I, XIII, éd. J.-D. Benoît, t. 1, p. 173: il attribue déité substantielle non seulement à noz âmes, mais à toutes choses créées); 3. a) 1600 « plein de suc, nourrissant » (Olivier de Serres, Théâtre d'agric., VIII, 5 ds Gdf. Compl.); b) 1753 extrait substantiel et raisonné (d'un ouvrage) (D'Alembert, Encyclopédie, t. 3, p. IX). Empr. au lat. tardifsubstantialis « concernant la substance, l'être » et « matériel » (iiies., v. Blaise Lat. chrét.), dér. de substantia, v. substance; l'a. m. fr. a empl., parallèlement à substantiel, l'adj. substantieux (dep. le xiiies., v. Gdf. et T.-L., att. jusqu'au xvies., v. Hug. et relevé jusqu'à Trév. 1771). Fréq. abs. littér.: 408. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 483, b) 420; xxes.: a) 480, b) 808. DÉR. Substantiellement, adv.a)
α) Philos. Sur le plan de la substance, de ce qui existe en soi, de manière permanente. C'est dans ce fonds [de l'homme intérieur] que nous trouvons ce qui est et ce que nous sommes réellement ou substantiellement, tout autre que ce qui paraît (Maine de Biran, Journal, 1815, p. 86).
β) Relig. chrét. [Dans le sacrement d'Eucharistie] Notre-Seigneur reprend le pain et le vin (...) pour les transformer substantiellement en Lui-même (Claudel, Poète regarde Croix, 1938, p. 21).
γ) Littér. Pour l'essentiel. Par le culte proprement dit, auquel l'enfant sera progressivement initié dès le plus bas âge (...), on rompt avec la routine d'un catéchisme substantiellement le même pour tous (Philos., Relig., 1957, p. 50-2).b) De façon importante, conséquente quantitativement ou qualitativement. Il a des millions par-dessus la tête, et une admiration sans bornes pour Samazelle: heureuse combinaison qui l'amène à aider très substantiellement le S. R. L. (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 139).On doute qu'il soit vraiment au pouvoir des groupes de pression de modifier substantiellement le comportement des membres de la direction du budget ou des régies fiscales (Meynaud, Groupes pression en Fr., 1958, p. 207).−[sypstɑ
̃sjεlmɑ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. −1resattest. a) α) 1486 substanciellement « quant à la substance, essentiellement » (Raoul de Presles, Cité de Dieu, livre XX, chap. 14, Exposicion, foffiii vo),
β) 1560 spéc. théol. (Calvin, Instit. chrét., éd. J. D. Benoît, I, XIII, 22, t. 1, p. 172: le mesme Esprit estant substantiellement en nous), b) 1845 « sommairement » (Besch.), c) α) 1909 (Martin du G., Devenir, p. 85: combien lui manquait ce cénacle d'intelligences fraternelles où la sienne s'alimentait si substantiellement!),
β) 1964 manger substantiellement (Lar. encyclop.); de substantiel, suff. -ment2*. −Fréq. abs. littér.: 46. |