| SUBJECTIF, -IVE, adj. I. A. − Vx, LOG. ,,Qui appartient à quelque chose en tant que sujet d'attributs ou prédicats`` (Lal. 1968). Une chose en latin scolastique, était dite être affirmée d'une autre subjective si on l'en affirmait en tant qu'existant pour son propre compte, et au contraire objective, si on la considérait en tant que présentée à la conscience, en tant que connue (Lal.1968). B. − LINGUISTIQUE 1. Qui, dans la phrase active correspondant au syntagme nominal, serait le sujet du verbe (d'apr. Ling. 1972). Complément, génitif subjectif. Il est sans doute impossible de déterminer précisément, la génération de chacun de ces adjectifs, et d'affirmer positivement s'ils ont été formés d'un nom, en substituant seulement la forme adjective à la forme subjective (Destutt de Tr., Idéol. 2, 1803, p. 103). 2. Qui a rapport au sujet. Le subjonctif a une valeur subjective quand il contient l'expression d'un jugement que porte sur l'énoncé celui qui la formule (Mar.Lex.1933). C. − DR. Droits subjectifs. Droits ,,dont sont investis les individus en vue de la satisfaction de leurs intérêts`` (Lafon 1963). II. A. − 1. PHILOS. Qui est propre à un sujet déterminé, qui ne vaut que pour lui seul. Synon. individuel, personnel.Caractère subjectif de la connaissance; aspect subjectif de la culture; considérer la vérité comme subjective. On appelle, dans la philosophie allemande, idées subjectives celles qui naissent de la nature de notre intelligence et de ses facultés, et idées objectives toutes celles qui sont excitées par les sensations (Staël, Allemagne, t. 4, 1810, p. 123): Notre tâche consiste donc exactement à traiter du domaine de la sensation sans tenir aucun compte des notions d'« esprit », de « sujet » et de « subjectif », d'« objet » et d'« objectif », de « conscient » et d'« inconscient », de « lois mentales », supposées différentes essentiellement de lois physiques.
Ruyer, Esq. philos. struct., 1930, p. 105. ♦ Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. V. objectif B 1 ex. de Comte. − [Chez Comte; p. oppos. aux systèmes métaphys., à la connaissance positive] Synthèse subjective. En confirmant l'impossibilité de toute synthèse purement objective, cette appréciation n'altère aucunement la véritable synthèse subjective, résultée partout d'une ascension assez graduelle vers le type humain (Comte, Catéch. posit., 1852, p. 132). − [P. réf. à l'expr. de Schelling et p. oppos. à sa doctrine qu'il appelle idéalisme objectif] Idéalisme subjectif de Fichte. Système philosophique qui ramène l'existence à l'idée et qui considère le sujet moral comme absolu. L'Allemagne a suivi dans l'échelle continue des idées une progression descendante. 1. L'idéalisme subjectif de Kant et Fichte. L'examen du moi porté à ses dernières limites. 2. La philosophie de la nature, le retour à la réalité. Donc Kant est à un degré déjà assez arriéré (Vigny, Journal poète, 1847, p. 1253). 2. PSYCHOLOGIE a) Qui ne correspond pas à une réalité, à un objet extérieur, mais à une disposition particulière du sujet qui perçoit. Synon. apparent, illusoire.Un poncif de grâce surannée qui flotte dans l'œil du public comme ces visions subjectives que le malade croit effectivement posées devant lui (Proust, Temps retr., 1922, p. 722).On comprend aisément que c'est un moyen d'anéantir le monde que de l'imaginer au lieu de le percevoir, que de traduire en termes de mirages subjectifs ce que la sensation nous imposait en termes d'obstacles objectifs (J. Vuillemin, Essai signif. mort, 1949, p. 134). ♦ Sensation subjective. Synon. hallucination.L'action de l'électricité, une compression mécanique (...) donnent lieu à des sensations visuelles ou optiques du genre de celles que les physiologistes nomment subjectives, parce qu'elles ne correspondent à aucun objet extérieur qui révélerait sa présence à la manière ordinaire (Cournot, Fond. connaiss., 1851, p. 9). b) Qui relève de l'expérience interne, qui ne concerne que le seul sujet pensant. ♦ Psychologie subjective. Psychologie qui procède par introspection, qui porte sur les données de la conscience comme telle (d'apr. Morf. Philos. 1980). ♦ Méthode subjective. ,,Méthode d'observation par la conscience`` (Lafon 1963). 3. MÉD. Qui est éprouvé par le sujet et n'est pas observable de l'extérieur. On a décrit chez les anciens traumatisés crâniens un syndrome subjectif (vertiges, céphalées, éblouissements) dont l'estimation médico-légale est parfois délicate (Porot1960). ♦ Symptôme subjectif. Symptôme qui n'est perceptible que par le malade. Les symptômes subjectifs, douleurs, fourmillement, sensation d'anesthésie retiennent l'attention (Judet, Fractures membres, 1948, p. 14). B. − Usuel. [P. oppos. au monde physique] Qui appartient ou dépend de la vie psychique d'un individu ou d'une disposition du sujet qui perçoit. Impression, vision subjective; état, goût subjectif. Combiner, dans une juste harmonie, l'élément dramatique hostile à l'idée de poésie pure et subjective avec la sérénité et le calme de lignes nécessaires à la beauté (Mallarmé, Corresp., 1864, p. 105).Ce que je remarquais de subjectif dans la haine comme dans la vue elle-même n'empêchait pas que l'objet pût posséder des qualités ou des défauts réels et ne faisait nullement s'évanouir la réalité en un pur relativisme (Proust, Temps retr., 1922, p. 913). − En partic. Qui se fonde sur des critères personnels, qui dépend de la conscience du sujet. Une psychologie de la recherche de la vérité qui ferait intervenir tous les facteurs subjectifs (intérêt, curiosité, désir de la gloire, etc...). Tout cela peut à la rigueur être regardé comme objet de vérification (G. Marcel, Journal, 1914, p. 31). ♦ Péj. Qui se fonde sur un parti pris. Opinion, préférence, critique subjective. Avec de grandes prétentions à l'objectivité, sa doctrine est très subjective, parce qu'elle manque de base scientifique et critique (Amiel, Journal, 1866, p. 476).Des jugements aussi subjectifs de la part d'individus particuliers, quelque éminents qu'ils fussent, étaient contrebalancés par les faveurs de la multitude (Green, Journal, 1949, p. 306). C. − Rare. Propre au sujet pensant. Il en est qui disent: la science est toute subjective. Elle est dans l'esprit et pas dans la réalité (Cl. Bernard, Notes, 1860, p. 156). D. − [En parlant d'une pers.] Qui a tendance à agir, à se déterminer en fonction de critères personnels, d'impressions. Daudet s'écrie: « Je suis un être subjectif. Je suis traversé par les choses... Je ne puis rien inventer (...) » (Goncourt, Journal, 1878, p. 1220). REM. 1. Subjectivation, subjectivisation, subst. fém.,philos. Action de subjectiver, de subjectiviser (infra rem. 2). Bien souvent aussi un concept phénoménologique ne sera qu'une « subjectivisation » d'un concept beaucoup mieux connu par la voie empirique (Ricœur, Philos. volonté, 1949, p. 16).Les techniques de recherche ont à subir une crise de subjectivation pour acquérir une plus grande objectivité dans ce domaine (Traité sociol., 1967, p. 147). 2. Subjectiver, subjectiviser, verbe trans.,philos. Rendre subjectif; faire dépendre d'un état de conscience. Il semble que beaucoup de faits sociaux nous soient donnés d'abord objectivement, et que pour les connaître nous devions en quelque façon les subjectiver, en y restituant des états de conscience (Lévy-Bruhl, Mor. et sc. mœurs, 1903, p. 118).[L'émotivité] tend à subjectiviser le sentiment religieux au point de le réduire à un échauffement du cœur (Mounier, Traité caract., 1946, p. 740).Empl. pronom. passif. La conscience de classe ne peut ni se substantifier comme une entité purement objective, ni se « subjectiviser » comme une entité purement psychique (Traité sociol., 1968, p. 367). Prononc. et Orth.: [sybʒ
εktif], fém. [-i:v]. Att. ds Ac. dep. 1878. Étymol. et Hist. 1. Fin xives. subjectis (ds Roques t. 2, 11916: subiectus.ta.tum subjectis); encore en 1847 (Boiste: Subjectif, qui met au-dessous); 2. mil. xves. subjectif « relatif au sujet » (Internele consolacion, éd. A. Pereire, p. 306); 1765 gramm. subjectif (Encyclop. t. 11, p. 212a, s.v. nominatif); 1803 (Destutt de Tr., loc. cit.); 1842 voix subjective (Ac. Compl.); 1927 dr. (L. Duguit, Traité de dr. constit., 3eéd., t. 1, p. 15); 3. 1801 philos. adj. et subst. (Ch. de Villers, Philos. de Kant, t. 1, p. 113); 1872 psychol. méthode subjective (Littré); 1929 méd. symptôme subjectif (Lar. univ.); 4. 1804 lang. cour. adj. « qui appartient à la vie psychique d'un individu » (Constant, Journaux, p. 126: Cet exposé de trois époques ne contient que la considération subjective de ce qui arrive à l'homme); 1860 « qui concerne le sujet pensant, l'être conscient » (Cl. Bernard, loc. cit.). Empr. au lat.subjectivus (formé sur le part. passé subjectus, v. sujet) « placé après » dep. déb. iies. ds OLD, également att. en b. lat. « qui se rapporte au sujet » ves. ds Gaff., en lat. médiév. « soumis » 1262 ds Latham et lat. scolastique comme terme de log. ca 1270, ibid., spéc. pars subjectiva « partie subjective » xiiies., ibid.; le terme de philos. vient p.-ê. de l'all. subjektiv « id. » de même orig. que le fr. Fréq. abs. littér.: 753. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 214, b) 1 087; xxes.: a) 1 187, b) 1 723. DÉR. Subjectivement, adv.a) Philos. [Corresp. à supra II A] D'une manière subjective. Quand même nous obtiendrions, en nous fondant sur l'analogie de notre propre conscience, une restitution fidèle des phénomènes moraux, considérés subjectivement, il resterait encore à acquérir la connaissance des lois auxquelles sont soumis ces phénomènes, considérés du point de vue objectif ou sociologique (Lévy-Bruhl, Mor. et sc. mœurs, 1903, p. 120).b) [Corresp. à supra II B] Selon les tendances ou les opinions personnelles de celui qui perçoit. Une œuvre d'art n'est jamais belle, par décret, objectivement, pour tous. La critique est donc inutile, elle n'existe que subjectivement, pour chacun, et sans le moindre caractère de généralité (Tzara, Manif. Dada, 1918, p. 17).− [sybʒ
εktivmɑ
̃]. Att. ds Ac. 1935. − 1resattest. 1495 méd. « sans influence externe » (B. de Gord., Prat., I, 2 ds Gdf. Compl.) − xvies. ds Hug., 1610 philos. (P. Coton, Institution catholique, t. I, p. 284 ds R. Philol. fr. t. 43, p. 133), puis 1817 (Maine de Biran, Journal, p. 6); de subjectif, suff. -ment2*. − Fréq. abs. littér.: 47. BBG. − Baldensperger (F.). Notes lexicol. Fr. mod. 1938, t. 6, p. 255. − Quem. DDL t. 25. − Vaganay (H.). Pour l'hist. du fr. mod. Rom. Forsch. 1913, t. 32, p. 167 (s.v. subjectivement). |