| SPÉCIALITÉ, subst. fém. A. − Caractère de ce qui est particulier à une espèce, à un cas, à une situation bien déterminé(e). Si l'abstraction comparée à l'instinct est une puissance presque divine, elle est une faiblesse inouïe, comparée au don de spécialité qui peut seul expliquer Dieu (Balzac, L. Lambert, 1832, p. 208). − DROIT ♦ Spécialité hypothécaire. Principe en vertu duquel tout acte constitutif d'hypothèque doit indiquer la désignation précise du bien hypothéqué et de la créance consentie (d'apr. Cap. 1936). ♦ Spécialité administrative. ,,Principe de droit administratif en vertu duquel les diverses autorités ont chacune leur sphère d'attribution et doivent limiter leurs pouvoirs à cette sphère`` (Cap. 1936). ♦ Spécialité budgétaire. Règle du droit budgétaire par laquelle les crédits votés pour un chapitre ne doivent pas être employés pour un autre (d'apr. Cap. 1936). ♦ DR. ADMIN. Principe de spécialité. ,,Principe selon lequel chaque service possède ses propres attributions et doit s'y cantonner sous peine de voir ses actes attaqués par excès de pouvoir`` (Barr. 1974). DR. INTERNAT. Principe de spécialité. ,,Principe selon lequel un délinquant extradé ne peut être jugé pour une infraction autre que celle pour laquelle l'extradition avait été demandée`` (Barr. 1974). B. − Ensemble de connaissances approfondies dans un domaine restreint ou dans un secteur d'activités bien déterminé. L'homme civilisé se trouve confiné dans les régions infiniment petites de la spécialité (Baudel., Nouv. Hist. extr., 1857, préf., p. 9): Le nombre et la communication de ses actes en font un objet symétrique, une sorte de système complet de lui-même, ou qui se rend tel incessamment. Il est fait pour désespérer l'homme moderne, qui est détourné, dès l'adolescence, dans une spécialité où l'on croit qu'il doit devenir supérieur parce qu'il y est enfermé...
Valéry, Variété[I], 1924, p. 254. − P. méton. Branche, travail, métier qui exige des connaissances, une qualification bien précises. Choisir une spécialité. En attendant, Poupelin a pris une spécialité peu connue et qu'il fonde: Il est professeur d'enfants hydrocéphales (Vallès, Réfract., 1865, p. 81).J'ai essayé de ne pas me spécialiser même dans la spécialité d'écrire, et pourtant de préciser toujours plus ma pensée (Valéry, Lettres à qq.-uns, 1945, p. 103). ♦ LING. Langue, vocabulaire, lexique de spécialité. Langue, vocabulaire, lexique qui sont propres à une branche du savoir, à un domaine d'activité. Le vocabulaire des langues de spécialité constitue généralement la partie la plus spécifique des dites langues par rapport à la langue de l'usage courant. C'est la barrière contre laquelle on bute lorsqu'on aborde − dans notre propre langue − un domaine d'expérience qui nous est étranger (D. D. L.1976, p. 512). ♦ MAR. Spécialité de la marine nationale. Métier dans lequel chaque homme d'équipage ou chaque officier marinier accomplira son temps ou sa carrière. Matelot sans spécialité. (Ds Le Clère 1960). ♦ MÉD. ,,Branche de la médecine dans laquelle un médecin a fait des études poussées et pour laquelle il a acquis une compétence particulière qui lui est reconnue par la délivrance d'un certificat`` (Méd. Biol. t. 3 1972). C. − Activité à laquelle on se consacre particulièrement. On commence à causer de certaines lettres de change souscrites à un petit usurier dont la spécialité consiste à prêter aux lorettes (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 189).Le chanoine y excellait; c'était sa spécialité [la théologie] (Arnoux, Zulma, 1960, p. 52). − Avoir la/pour spécialité de + inf.Avoir le rôle, l'emploi, la fonction particulière de. La Revue des Deux Mondes, qui a pour spécialité de faire des académiciens, pousse la bienveillance jusqu'à les nommer avant le vote de l'Académie (Verlaine,
Œuvres compl., t. 5, Hommes d'auj. (André Theuriet), 1885-93, p. 477).Je croyais, répliqua le préfet, que saint Antoine avait la spécialité de retrouver les objets perdus (A. France, Orme, 1897, p. 202). − P. anal., fam., plais. Comportement particulier et personnel qui peut tourner à la manie difficilement supportable. Un grand garçon blondasse (...) dont la spécialité en littérature était de se pendre aux pans d'habit de ses amis pour entrer partout, et de suivre les enterrements pour se faire des relations (Goncourt, Ch. Demailly, 1860, p. 57). D. − P. méton. Ensemble de produits sélectionnés qui font l'objet d'une présentation et d'une vente particulières. La spécialité a donc presque disparu, dans le commerce des nouveautés. Cette transformation nous vient de l'Angleterre. On vend dans les mêmes galeries, des étoffes, des confections, du fil, des aiguilles, des jarretières et des parapluies (Avenel, Calicots, 1866, p. 25).Il a fondé, rue de Rambuteau, une grande spécialité d'huiles et de produits du Midi (Zola, Page amour, 1878, p. 816). − GASTR. Ce qui fait la renommée d'un professionnel; mets, produit, connu ou renommé d'une région. Spécialité du chef; spécialité maison; spécialités régionales. Le déjeuner était bon; la bière, fluide, légère, glacée; la salle accueillante. Antoine, gaiement, s'étonnait des spécialités locales: il avait constaté que, sur ce terrain-là, le mutisme de son frère cédait plus volontiers (Martin du G., Thib., Sorell., 1928, p. 1215).La femme s'épanouit: c'était un rigolo. Et la gaieté donna une vie soudaine à son visage, jusque-là figé. − On boit, ou on monte? demanda-t-elle. − Les deux. Elle apporta du schiedam. « C'était une spécialité de la maison » (Malraux, Cond. hum., 1933, p. 362). − PHARM. ,,Tout médicament préparé à l'avance, présenté sous un conditionnement particulier et portant un nom propre (marque ou nom déposés)`` (Man.-Man. Méd. 1980). La plupart des objets qu'on voyait sur cette table, livres, paquets de cigarettes, boîtes d'allumettes, boîtes de spécialités pharmaceutiques, portaient, collés sur eux, de vieux timbres oblitérés (Montherl., Célibataires, 1934, p. 742).Le pharmacien antimilitariste qui avait sacrifié sa meilleure clientèle, celle qui achète les spécialités, à ses idées (Arnoux, Paris, 1939, p. 66). E. − Vx. Synon. de spécialiste.Servin devint donc pour la peinture féminine une spécialité, comme Herbault pour les chapeaux, Leroy pour les modes et Chevet pour les comestibles (Balzac, Vendetta, 1830, p. 146).D'après les renseignements qui me furent donnés, la brigade russe travaillait avec zèle à son instruction. Toutefois, l'éducation des spécialités présentait quelques difficultés, les cadres russes ayant une invincible préférence pour le rang serré plutôt que pour les exercices de combat (Joffre, Mém., t. 2, 1931, p. 302). Prononc. et Orth.: [spesjalite]. Ac. 1694, 1718: spe-, dep. 1740: spé-. Étymol. et Hist. 1. Ca 1250 esspecialité « caractère de ce qui est particulier, non général » (Richard de Fournival, Bestiaire d'amour, éd. C. Segré, p. 36 et 37); ca 1268 en especialité id. « par le genre, la subdivision » (Brunet Latin, Trésor, éd. F. J. Carmody, II, 46, 14); 2. a) dr. 1283 especialité « cas particulier » (Philippe de Beaumanoir, Coutumes Beauvaisis, 4, 12 ds T.-L.); 1379 espiciauté « renonciation particulière à un bien, à un droit » (Arch. P. 1391, cote 589 ds Gdf., s.v. especialté); 1461 specialité « exécution des détails » (Ordonnances des rois de France de la troisième race, éd. De Pastoret, t. 15, p. 182); 1690 spécialité « caractère particulier, dans le droit hypothécaire » (Fur.); b) 1835 fin. « application exclusive d'un certain fonds à une espèce particulière de dépense » (Ac.); 3. a) 1823 « ensemble de connaissances approfondies sur un objet d'étude limité » (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, p. 284), 1826 (Comte, Opuscules de Philos. soc., 5eopuscule, mars, Paris, Leroux, 1883, p. 264); 1832 « faculté de voir les choses du monde matériel aussi bien que celles du monde spirituel » (Balzac, L. Lambert, pp. 207-208); b) méd. 1845 « branche de la médecine dans laquelle un médecin acquiert une compétence spéciale » (Wey, Rem. sur la lang. fr. au XIXes., t. 1, pp. 256-257); 4. a) 1842 « produits spéciaux à telle industrie, tel commerce » (Ac. Compl.); b) 1843 cuis. (De Custine, La Russie en 1839, vol. 3, p. 76 ds Quem. DDL t. 7); c) 1875 spécialité pharmaceutique (Journ. de méd. et de chir. pratiques, XLVI, pp. 80-81, ibid. t. 8). Empr., comme terme didact., au b. lat.specialitas « qualité distinctive ». Fréq. abs. littér.: 482. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 398, b) 968; xxes.: a) 855, b) 676. Bbg. Quem. DDL t. 8. |