| SOUCHE, subst. fém. A. − 1. Usuel a) Base du tronc d'un arbre (ou d'un grand arbuste) prolongée par ses racines.
α) Cette partie étant arrachée ou restant en terre après que l'arbre a été abattu. Souche biscornue, calcinée, noueuse; souche d'arbre, d'olivier, de pommier; rejet de souche; feu de souches; buter contre une souche. On imposait autrefois la même règle pour l'abattage des arbres au-dessous d'un certain diamètre correspondant à l'âge limite à partir duquel la souche perd sa faculté de rejeter (Cochet,Bois, 1963, p. 131): 1. La charpente [de l'arrache-souche] en forme de pyramide tronquée était amenée au-dessus d'une grosse souche et abaissée, la souche attachée avec des chaînes passant sur une poulie, et à l'autre extrémité de la chaîne le cheval tirait brusquement, jetant tout son poids en avant et faisant voler les mottes de terre sous les crampons de ses sabots.
Hémon,M. Chapdelaine, 1916, p. 63.
β) Rare. Cette partie quand l'arbre est sur pied. Les hêtres séculaires se glaçaient à la fois par la souche et par le faîte (Pesquidoux,Livre raison, 1925, p. 3). b) P. compar. ou p. métaph. Synon. bûche1.
α) P. compar. [Pour souligner l'immobilité ou l'inertie en parlant d'une pers.] − Rester comme une souche. Rester totalement immobile, rester sans rien faire. Il s'était noyé dans son chagrin et dans son dépit, au point de rester là comme une souche (Sand,Pte Fad., 1849, p. 85).Fallait-il pas rester là comme une souche avec une mine disgracieuse et revêche? (Gautier,Fracasse, 1863, p. 123).Var. Il ne bougea pas plus qu'une souche à l'approche de ses camarades (Gautier,Fracasse, 1863, p. 146). − Dormir comme une souche. Dormir d'un sommeil très profond. − (...) Est-ce que tu dors bien au moins? − Oh! père, comme une souche! (Zola,Rêve, 1888, p. 143).Pibou, dans notre chambre commune, pionçait comme une souche, d'un souffle égal et glaireux (Arnoux,Zulma, 1960, p. 281).
β) [À propos d'une pers. peu intelligente, le plus souvent p. métaph.] Où a-t-elle eu les yeux d'épouser cette grosse souche d'Alsacien? (Balzac,Goriot, 1835, p. 151).Et là-dessus Jean Aubard se retira, bête comme souche, et riant comme un nigaud (Sand,Fr. le Champi, 1848, p. 177). c) P. métaph. La Trappe avait déraciné les souches des anciennes luxures (Huysmans,Cathédr., 1898, p. 42).Vous avez moins de trente ans et (...) j'en ai plus de quarante (...). Je suis la souche écimée et sans branches, et je vois dans votre œil brun le vert de la jeune feuille (Claudel,Otage, 1911, i, 1, p. 232). 2. Spécialement a) BOT. Partie souterraine d'une plante vivace. Souche charnue, rameuse, simple. Le houblon. C'est une plante à souche ligneuse et vivace dont les racines rampantes sont munies d'yeux donnant des jets (Industr. fr. brass., 1955, p. 3). b) VITIC. Pied de vigne. Souche court-nouée, faible, malade. Des champs rouges, où s'alignaient des files d'amandiers maigres, des têtes grises d'olivier, des traînées de vignes, rayant la campagne de leurs souches brunes (Zola,Faute Abbé Mouret, 1875, p. 1230).La densité pouvait atteindre 40 et même 50 000 pieds à l'hectare. Les mêmes vignobles sont aujourd'hui conduits en espalier et la densité y est tombée à 10 000 souches ha sans qu'aucune modification qualitative ou quantitative sensible ait pu être décelée (Levadoux,Vigne, 1961, p. 110). B. − P. anal. 1. [Anal. fondée sur un rapport spatial] a) ADMIN., COMM. Partie d'un document qui reste attachée à un registre, à un livre ou à un carnet et qui, portant les mêmes indications que la partie détachée, le volant, permet d'en attester l'authenticité. Synon. talon.Carnet, livre, registre à souches; souches d'un chéquier. Le contrôle était des plus faciles, il suffisait de collationner les notes remises par la caisse au bureau de défalcation, avec les souches restées entre les mains des commis (Zola,Bonh. dames, 1883, p. 421).La plupart des billets avaient été vendus un à un et les souches portaient les noms de gens du quartier (Simenon,Vac. Maigret, 1948, p. 129). − Vieilli. Le ,,plus long des deux morceaux de bois ajustés, sur lesquels les boulangers et les bouchers font des entailles pour marquer la quantité de pain ou de viande qu'ils fournissent à crédit`` (Ac. 1835). b) ARCHIT., CONSTR. Base d'un élément de construction. Souche de clocher, d'une tourelle. ♦ Souche (de cheminée). Partie de maçonnerie qui, s'élevant au-dessus d'un comble, renferme les conduits de fumée. On voit que les souches des cheminées viennent se grouper autour de la partie supérieure de la cage de l'escalier formant étendoir et réservoir d'air sec (Viollet-Le-Duc, Archit., 1872, p. 367). c) MARÉCHALERIE. ,,Portion de clou à ferrer, demeurée dans le sabot`` (St-Riquier-Delp. 1975). 2. [Anal. fondée sur un rapport chronol.] a) Personne ou animal qui est à l'origine d'une génération. Ces Andarran sont originaires du Bigorre. Vieille souche de cultivateurs et de soldats, enracinés au sol provincial (Vogüé,Morts, 1899, p. 86).Les vers aujourd'hui vivants (...) sont les exemplaires vidés et figés des formes infiniment plastiques, grosses d'un avenir indéfini, qui furent la souche commune des Échinodermes, des Mollusques, des Arthropodes et des Vertébrés (Bergson,Évol. créatr., 1907, p. 131). ♦ DR. CIVIL. ,,Auteur commun à plusieurs personnes dans le droit des successions`` (Jur. 1985). Dans tous les cas où la représentation est admise, le partage s'opère par souche: si une même souche a produit plusieurs branches, la subdivision se fait aussi par souche dans chaque branche, et les membres de la même branche partagent entre eux par tête (Code civil, 1804, art. 743, p. 136).(Partage, succession) par souche(s) (p. oppos. à par tête). Supra ex. du Code civil. − Faire souche. Donner naissance à des descendants. Aux lits profonds où l'on fait souche (Verhaeren,Camp. halluc., 1893, p. 45).Cette poignée de braves Paulistes qui firent souche avec les filles des chefs, des princes, des rois des Indiens (Cendrars,Bourlinguer, 1948, p. 347).P. métaph. Dès les premières courses, le mot [vélocipède] fait souche: vélocipédie, -iste (Comment parlent les sportifsds Vie Lang.1954, p. 136). ♦ [Avec adj.] Pense à ta femme, pense à tes enfants; il faut faire souche nouvelle, souche de braves gens (A. Daudet,Obstacle, 1891, ii, 4, p. 204).Elle pensait assez simplement qu'un raté dans mon genre devait avoir fait souches clandestines un peu sous tous les cieux (Céline,Voyage, 1932, p. 272). ♦ [Avec compl. prép. de désignant une catégorie d'êtres] Elle y a vécu [la vieille bonne, dans la maison Tavera] (...) y a fait souche de vingt-cinq enfants et petits-enfants (Lorrain,Heures Corse, 1905, p. 105).Quand des parents ordinaires font souche d'enfants exceptionnels (Colette,Sido, 1929, p. 140).P. anal. Les adeptes d'une culture générale, − qui n'ont pas tous fait souche de négateurs et d'apostats (Weill,Judaïsme, 1931, p. 73). − De souche.D'origine. Français de souche. Au fig. Ce roi [Louis XV] parle un très-bon français, en ce sens que ce français est de souche, mais c'est un français si familier qu'il en est trivial et bas (Sainte-Beuve,Nouv. lundis, t. 10, 1865, p. 231). − De souche + adj. (désignant une catégorie soc. ou une nationalité).De souche allemande, parlementaire. Les bourgeois de souche bourgeoise! Ah! les monstres de laideur, de vilenie, de cupidité, de stupidité, d'infamie! (Bloy,Journal, 1902, p. 102).Ces états sont peuplés en majeure partie de populations de souche européenne (Australie, Nouvelle-Zélande, Argentine, Uruguay) (Wolkowitsch,Élev., 1966, p. 52). − De souche + adj. qualificatif.L'honneur d'un cavalier de souche honnête et brave (Leconte de Lisle,Poèmes barb., 1878, p. 293). ♦ De bonne souche (vieilli). De bonne famille. Toute maison de bonne souche A son histoire où le poison Joue un rôle (Glatigny,Fer rouge, 1870, p. 13).P. iron. Cancre de bonne souche, la crainte d'une leçon me fane le rêve (Cocteau,Portr.-souv., 1935, p. 80).P. métaph. [M. Töpffer] est de Genève, mais il écrit en français de bonne souche et de très-légitime lignée (Sainte-Beuve,Portr. contemp., t. 3, 1841, p. 211). ♦ De vieille souche. De famille très ancienne. Le ton était celui, aimable avec une pointe de condescendance, d'un gentilhomme de vieille souche (Simenon,Vac. Maigret, 1948, p. 116). b) P. anal. ou au fig. Source, origine, principe.
α) [À propos d'un groupe artistique] Les écoles flamande et hollandaise ont entre elles un air de famille, et on voit qu'elles émanent d'une même race et sont parties d'une souche commune (Ménard,Hist. Beaux-Arts, 1882, p. 194).
β) [À propos d'une lang. ou d'éléments ling.] Le titre d'ambassadeur, dérivé par le bas-latin d'un terme franc de souche celtique et désignant un serviteur chargé des commissions (Chazelle,Diplom., 1962, p. 10).
γ) [À propos de tout élément lié à un autre dans le temps] Les littératures germaniques sont romantiques et ont pour première souche l'Edda et les vieilles sagas du Nord (Taine,Philos. art, t. 1, 1865, p. 241). c) BIOLOGIE
α) Ensemble des individus de même espèce provenant d'un ancêtre unique. Synon. lignée.Il existe enfin une souche de drosophile, dite souche P, résistante au gaz carbonique (P. Morand,Confins vie, 1955, p. 151).
β) Ensemble des micro-organismes provenant d'un micro-organisme unique par division directe ou asexuée. Souche mutante; souche bactérienne, cellulaire, microbienne; souche de pneumocoques, de vaccin, de virus. Le liquide provenant de flacons de Carrel où sont maintenues en culture des souches d'épithélium thyroïdien (J. Verne,Vie cellul., 1937, p. 114): 2. Les pays occidentaux ne possédant pas la souche asiatique A 2 en cause, dès l'apparition de la grippe en Chine le centre international de Londres et l'Organisation Mondiale de la Santé furent alertés. La première souche isolée en Asie fut identifiée par le centre de Londres, et immédiatement mise à la disposition de tous les centres nationaux, en vue de la préparation spécifique.
R. Schwartz,Nouv. remèdes et mal. act., 1965, p. 133. d) AUDIOVISUEL. Bande magnétique originale de montage. (Ds Franterm Néol. 1984). REM. 1. -souche, élém. de compos.a) [Le 1erélém. est un subst.]
α) 2. Famille-souche, subst. fém.Famille qui constitue une souche (supra B 2 a). Un millier de personnages environ composait, sous cette famille-souche, le peuple des personnages secondaires dans cette roman-cité [les Rougon-Macquart] (Thibaudet,Hist. litt. fr., 1936, p. 372).
β) Mot-souche, subst. masc.,bibliothécon., docum. Mot qui est à la base d'un classement. L'inconvénient de cette méthode est que le lecteur ne sait pas quels sont les mots adoptés pour le classement « mots-souches » (Civilis. écr., 1939, p. 52-3).
γ) Parasite-souche, subst. masc.,biol. Parasite qui constitue une souche (supra B 2 c). Peut-être pourrait-on les concilier en admettant qu'il s'agit de « deux variétés secondairement différenciées d'un même parasite-souche » (Dévé dsNouv. Traité Méd.fasc. 5, 11924, p. 332). b) [Le 1erélém. est une forme verbale fr.] V. arrache-souche(s) (s.v. arrache-).Souche-, élém. de compos. 3. Souche-mère, subst. fém.,bot. Souche destinée à la reproduction. La valeur de la lignée végétative n'est pas le reflet exact de celle extériorisée par la souche-mère (Levadoux,Vigne, 1961, p. 123). Souchon, subst. masc.,sylvic. Petite souche. (Dict. xixeet xxes.). Droit de souchons. ,,Droit de ravaler les troncs de bois coupés`` (Plais. 1969). Prononc. et Orth.: [suʃ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) [Fin xies. çoche « partie du tronc qui reste en terre après qu'on a coupé l'arbre » (Raschi, Gl., éd. A. Darmesteter et D. S. Blondheim, t. 1, 218)]; 1176-1181 çoche (Chrétien de Troyes, Chevalier Lion, éd. M. Roques, 290); 1178 çouche (Renart, éd. M. Roques, 13137); b) ca 1195 gésir cume choches « demeurer dans une immobilité complète » (Ambroise, Guerre sainte, 10496 ds T.-L.); 2emoit. du xiiies. [date ms. T] ne se movoir plus c'une choque « rester immobile » (1èreContinuation Perceval, éd. W. Roach, t. 1, p. 3774); ca 1363-64 estre comme une souche (Guillaume de Machaut, Le Livre du Voir dit, éd. P. Paris, p. 147); xives. [date du ms.] se tenir souche « rester inerte » (Le roi d'Angleterre et le jongleur d'Ely ds Fabliaux, éd. A. de Montaiglon et G. Raynaud, t. 2, p. 253); c) ca 1260 fig. souche « tronc d'arbre, de la racine jusqu'aux branches » (Philippe de Novare, Quatre Ages, 108 et 195 ds T.-L.); 2. 1373 choque « partie d'une cheminée qui s'élève sur le toit » (Arch. Nord, B 15279, f o35 v o); 1624 souche (Berty, Hist. gén. de Paris, Topographie hist. du vieux Paris, II, p. 216); 3. a) 1378 [date du ms.] souche « celui de qui sort une suite de descendants, la descendance » (Le songe du vergier, éd. M. Schnerb-Lièvre, livre I, chap. CL, 14); 1611 faire souche (Cotgr.); b) 1964 bactériol. souche microbienne (Lar. encyclop.); 4. 1808 « reste d'une feuille coupée en long » (Boiste). Mot d'orig. discutée (v. FEW t. 13, 2, p. 353). L'hyp. la plus vraisemblabe est celle de Hubschmid qui fait remonter le mot à un gaul. *tsŭkka (d'où aussi Montferrat soc, socca; aragonais zoque), qui corresp. à l'all. Stock « bâton ». La var. coche, très répandue dans l'Ouest, est sans doute due à une très ancienne métathèse att. dès le ixes. (Bl.-W.2-5). Le norm. chuque (1558, Poppe, Der Wortschatz des Journal des Sieur de Gouverville, p. 63) et le berrichon suche (cf. aussi piémontais süka, Engadine tschücha) s'expliquent par le fait que la voy. ŭ
, tout comme dans qq. autres mots d'orig. gaul., a été traitée comme le ū
lat. Le changement du Ọ en O (en partic. en Italie), est sans doute dû à l'infl. du lat. sŏccus « chaussure de bois, base, socle » phonétiquement et sémantiquement très proche de la racine *tsŭkka. Fréq. abs. littér.: 451. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 458, b) 539; xxes.: a) 904, b) 693. DÉR. Souchette, subst. fém.,bot. Variété comestible de champignon à pied coriace qui pousse en groupe sur les souches ou à la base des chênes ou des hêtres. V. hydre ex. de Bazin.− [suʃ
εt]. − 1resattest. a) 1564 [éd.] « souche d'un tout jeune arbre » (Ch. Estienne, L'Agriculture et maison rustique, f o62 v o), b) 1904 « variété de champignon » (Nouv. Lar. ill.); dimin. de souche, b ainsi nommée parce qu'elle pousse sur les souches. BBG. − Quem. DDL t. 31 (s.v. registre à souche). − Swart (H. de). Qu'en est-il du sens de sommaire et de souche?... Nancy, 1986, pp. 12-13. |