| * Dans l'article "SOMMEILLER,, verbe intrans." SOMMEILLER, verbe intrans. A. − 1. Vieilli ou littér. Dormir, être plongé dans le sommeil. Notre homme dans son coin, Après force saluts, s'assit, puis avec soin Rangeant ses vêtements et fermant la paupière, S'endormit au roulis du coche dans l'ornière. Tandis qu'il sommeillait en ronflant doucement, J'examinai son air et son accoutrement (Barbier,Satires, 1865, p. 122).Tout sommeillait encore dans la pension. Seule, une vieille femme lavait le carrelage du vestibule (Martin du G.,Thib., Été 14, 1936, p. 437). 2. Dormir d'un sommeil peu profond, de courte durée, être à la limite du réveil ou de l'endormissement. Synon. somnoler, être assoupi.Comme les domestiques sommeillaient dans la cuisine, elle le conduisit elle-même jusqu'à la porte qui donnait sur le jardin et elle le regarda s'enfoncer dans la nuit (Maupass.,Contes et nouv., t. 2, Après, 1890, p. 106).Il se mit à penser à la toile commencée, en détail, il y pensait encore en sommeillant ... Puis il s'endormit tout à fait (Triolet,Prem. accroc, 1945, p. 243). − [Dans des expr. pléonastiques] Ce gros garçon endormi ne sommeillait jamais que d'un œil, comme les chats à l'affût devant un trou de souris (Zola,Fortune Rougon, 1871, p. 83).Étourdis et bercés, écœurés de chaleur, de fatigue et de mauvais vin, on sommeillait à moitié, trop secoués cependant pour dormir (Dorgelès,Croix de bois, 1919, p. 218). − Sommeiller sur.S'endormir sur un livre, sur son ouvrage. Cette après-midi, quand je fus introduit dans le cabinet de M. Renan, l'illustre académicien sommeillait légèrement sur d'antiques grimoires (Barrès,M. Renan, 1888, p. 35).Les fonctionnaires sommeillant sur les dossiers poussiéreux dans les locaux par extraordinaire aérés (Cendrars,Bourlinguer, 1948, p. 304). 3. P. anal. a) Vieilli, littér. Dormir du sommeil éternel. Regarde cette tombe où sommeille mon père; Chargé d'ans et de gloire il finit sa carrière (Baour-Lormian,Ossian, 1827, p. 79). b) [Le suj. désigne la nature, un phénomène naturel] Être dans un état d'engourdissement, d'inertie le plus souvent provoqué par la saison froide. L'hiver la nature sommeille (Franceds Lar. Lang. fr.). B. − Au fig. 1. [Le suj. désigne une pers.] a) Être inactif, se laisser aller à la passivité. Le proverbe a bien raison: il n'est pire eau que l'eau qui dort. Moi, j'ai sommeillé quarante ans, sauf un ou deux écarts de jeunesse (Arnoux,Paris, 1939, p. 12): Va, ne crains rien. Secoue avec un poing puissant
Le siège apostolique où sommeille Innocent;
Allume sa colère aux flammes de la tienne;
Et qu'il songe à sauver la provence chrétienne
Des légions de loups qui lui mordent les flancs...
Leconte de Lisle,Poèmes trag., 1886, p. 94. − Empl. trans., rare. M. l'Églantin qui avait longtemps, à l'ombre de l'Institut, où il était conservateur de cartographie chimérique sommeillé son existence (Toulet,Comme une fantaisie, 1918, p. 96). b) Faire preuve de négligence, de relâchement. Même le bon Homère sommeille quelquefois: les plus grands parmi nos maîtres, les plus exigeants envers eux-mêmes, ont tous sur la conscience quelque référence fausse, quelque contresens malencontreux (Marrou,Connaiss. hist.1954, p. 234). c) [Le suj. est la personnification d'un idéal, d'une fonction, d'un comportement] Être à l'état latent en quelqu'un. La poésie est la sœur germaine de l'humour; dans tout vrai poète, un mystificateur sommeille. Malheur à lui et à nous s'il ne se réveille jamais! (Bremond,Poés. pure, 1926, p. 86).Il y a dans chaque français un plaideur qui sommeille, formaliste, obstiné, et qui sait son droit (Ambrière,Gdes vac., 1946, p. 261). − Loc. proverbiale. Tout homme a dans son cœur un cochon qui sommeille (A. Préault, 1879 ds Rob. 1985). L'homme le plus réservé peut à l'occasion se montrer licencieux en paroles ou en actes. [P. allus. littér.] Dans mon cœur dort na - na - na -na... C'est agaçant de ne pas pouvoir retrouver les paroles. Qu'est-ce qui peut bien dormir dans mon cœur?... Le cochon qui sommeille? songea-t-il en souriant (Martin du G.,Thib., Pénitenc., 1922, p. 860). 2. [Le suj. désigne une chose abstr. ou concr.] a) [Le suj. désigne un affect, une faculté, une idée] Exister, être en puissance, à l'état latent en quelqu'un. Ce rôle, cette pièce, éveillèrent les coquetteries qui sommeillaient dans le cœur de Marthe (Goncourt,Ch. Demailly, 1860, p. 268).L'abstraction, la généralisation, l'analyse, la synthèse. Tous ces procédés généraux de la pensée, qui sommeillaient chez l'homme, mais que l'homme n'avait pas encore reconnus, entraient désormais au service de la raison humaine (Gds cour. pensée math., 1948, p. 229). b)
α) Être momentanément sans objet, inactif, sans possibilité d'exister. Il m'a aimée un moment de bonne foi, ou plutôt il a cru m'aimer, mais l'ancien amour qui sommeillait a crevé le léger amour qui ne faisait que de naître et s'est rallumé plus fort que par le passé (Champfl.,Bourgeois Molinch., 1855, p. 182).L'expérience vient ensuite confirmer ces pressentiments; les besoins qui sommeillaient s'éveillent, se déterminent, prennent conscience d'eux-mêmes et s'organisent (Durkheim,Divis. trav., 1893, p. 258).
β) Être mis en sommeil, maintenu en l'état. À la suite de ce rejet, la question de l'achèvement du système monétaire de la république sommeilla jusqu'en l'an X (Shaw,Hist. monnaie, 1896, p. 138).On a décidé en effet dans une louable intention, pour que les dossiers ne sommeillent pas, que toute demande en concession serait immédiatement instruite sans attendre l'examen au fond (Chardon,Trav. publ., 1904, p. 330). c) P. anal. Il lui a plu [au ruisseau], après avoir glissé, docile et muet, dans les prairies, de faire ici une légère pirouette et d'y amasser un peu de sable pour y sommeiller un instant avant de reprendre sa marche silencieuse et mesurée (Sand,M. Sylvestre, 1866, p. 245). REM. Sommeillage, subst. masc.,hapax. Fait de dormir à demi, de somnoler. D'ordinaire il dort profondément quand il en a besoin, au lieu qu'ici ce n'avait été tout le jour qu'un sommeillage, disait-il (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 196). Prononc. et Orth.: [sɔmeje], [-mε-], (il) sommeille [-mεj]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Fin xies. judéo-fr. (Raschi Gl., éd. A. Darmesteter et D. S. Blondheim, t. 1, p. 132, 962: someil(l)ier « sommeiller »); 1remoit. xiies. « dormir » (Psautier Cambridge, éd. Fr. Michel, III, 5, p. 3: Jo dormi, e si sumeillai), vieilli dep. le xviies.; 2. 1remoit. xives. somoyller « dormir légèrement » (Roques t. 1, III, 2238); 1531 sommeiller « id. » (R. Estienne, Dictionarium, p. 137 recto ds Quem. doc. DDL). Dér. de sommeil*; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 670. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 856, b) 1 094; xxes.: a) 1 385, b) 697. DÉR. Sommeillement, subst. masc.a) Action de sommeiller et, p. ext., somnolence. Un jour, M. F... fatigué par des labeurs incessants, a inventé le sommeillement, intermédiaire entre l'état de veille et celui de sommeil (Grison,Paris, 1882, p. 242).b) Mise en sommeil de quelque chose. Seule alors, elle s'installait à sa place aimée. Passant là des heures au soleil, elle usait leur lourdeur dans une vague rêvasserie de sieste, une sorte de sommeillement d'idées (Goncourt,MmeGervaisais, 1869, p. 29).− [sɔmεjmɑ
̃]. − 1resattest. 1869 sommeillement d'idées (Goncourt, loc. cit.), 1877 sommeillement « action de dormir » (Littré Suppl.); de sommeiller, suff. -ment1*. Cf. l'a. fr. someillement « sommeil » fin xiies. (Sermons St Bernard, 47, 22 ds T.-L.: somillement) − ca 1370 (Guillaume Briton, Vocab. lat.-fr., éd. E.-A. Escallier, p. 333, n o825: soumelemens), someillance « sommeil léger » 2emoit. xives. (Roques t. 1, IV-V, 2631: sommeillance), someillant « sommeil » xiiies. (Pass. D. N., ms. S. Brieuc, f o53c ds Gdf.: sommeillant), someillon « demi-sommeil » xiiies. ds T.-L. et Gdf. BBG. − Keller (H.-E.). Notes d'étymol. gallo-rom. et rom. Mél. Wartburg (W. von) 1968, t. 2, p. 239. |