| * Dans l'article "SOLDAT,, subst. masc." SOLDAT, subst. masc. A. − 1. Vx. Homme qui sert dans une armée (comme mercenaire ou comme engagé volontaire) au service d'un prince, d'un État qui lui verse une solde. Congédier, enrôler, lever des soldats. Tout le monde connaît ce vers fameux [de Voltaire]: Le premier qui fut roi fut un soldat heureux. On n'a peut-être jamais rien dit de plus faux; il faut dire, au contraire, que: le premier soldat fut soldé par un roi (J. de Maistre, Souveraineté, 1821, p. 324). ♦ Simple soldat. Homme de guerre sans grade ni commandement. Pour partager les fatigues et les dangers de ses soldats, il se fit simple soldat (France, Voie glor., 1915, p. 11). 2. a) Homme qui sert dans une armée à quelque titre que ce soit (obligation civique/professionnelle ou comme engagé volontaire), qui est équipé, instruit et formé par un État. Cette guerre (...) c'était une entreprise d'asservissement. Dans cette campagne, le but du soldat français, fils de la démocratie, était la conquête d'un joug pour autrui. Contre-sens hideux. La France est faite pour réveiller l'âme des peuples, non pour l'étouffer (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 445): 1. Face à l'immense tombe, la compagnie se rangea (...). − Aux soldats morts au champ d'honneur... présentez, armes! Toutes les crosses claquèrent, d'une unique détente, puis plus rien. Corps raidis, têtes hautes, nous regardions muets, les dents serrées: les soldats n'ont rien à offrir que leur silence.
Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 267. Rem. 1. En ce sens soldat désigne les militaires gradés comme ceux de deuxième classe; il désigne plus fréq. les militaires non gradés (infra 2 b). 2. Sur l'empl. de soldat et militaire, v. ce mot II A rem. 3. Soldat peut être connoté négativement et évoquer l'obéissance rigoureuse qui règne dans l'armée comme l'atteste l'ex. suiv.: Le soldat agit: il ne pense pas. Dès qu'il pense, l'ennemi lui saute aux épaules. Le premier acte de la guerre, c'est un éteignoir sur l'imagination. Le capitaine Puche, qui en semblait dénué, était un chef précieux (Benjamin, Gaspard, 1915, p. 29). − Au plur. [Gén. précédé d'un poss.] L'ensemble des troupes d'un État, d'un pays. Anton. civils (v. civil II A 1).Les paysannes en pleurs, les seaux et les pains préparés, cette immense solidarité d'un peuple envers ses soldats malheureux, tout cela évoquait d'une façon presque hallucinante les événements parallèles de juin 40 (Ambrière, Gdes vac., 1946, p. 376). − Vx. Soldat de fortune. Militaire gradé sorti du rang à la suite d'actions d'éclat. J'étais un homme orgueilleux, impatient (...) et qui tombait tout à coup au beau milieu de la vie, − comme un soldat de fortune un jour d'action décisive à midi (Fromentin, Dominique, 1863, p. 243). − Soldat de plomb. Figurine en plomb, en métal, etc. moulé, reproduisant un soldat en uniforme. Collection de soldats de plomb. Elle lui avait chipé un soldat de plomb, un général de soldats de plomb auquel il tenait particulièrement (Larbaud, F. Marquez, 1911, p. 180). − Loc. fig., fam. Jouer au petit soldat. Faire le malin, prendre une attitude insolente, effrontée. Joseph continuait (...) résolu à tout dire (...) ça lui serait une leçon à Pauline, il n'allait pas falloir qu'elle joue au petit soldat; qu'elle sache (...) à qui elle avait affaire (Vialar, Fusil, 1960, p. 262). − Littér. Militaire de profession et de vocation. Je vis dans la noblesse une grande famille de soldats héréditaires, et je ne pensai plus qu'à m'élever à la taille d'un soldat. Mon père racontait ses longues guerres avec l'observation profonde d'un philosophe et la grâce d'un homme de cour (Vigny, Serv. et grand. milit., 1835, p. 10). ♦ Brave, grand soldat. Chef militaire de grande renommée et qui incarne les vertus militaires. Bazaine restait le grand homme, le brave soldat, dont la France attendait encore son salut (Zola, Débâcle, 1892, p. 495).[MmeCotton] nous le montre [L.C. Prestes] petit garçon, adolescent, puis grand soldat et dirigeant d'un peuple (L'Humanité, 19 janv. 1952, p. 3, col. 4). ♦ Au sing. coll. Pour l'affaire du Paty Du Clam, c'est le pur banquet de l'ignominie, la mainmise du soldat sur l'appareil de justice, avec le consentement de nos grands chefs civils qui bavent de peur (Clemenceau, Vers réparation, 1899, p. 34). − Adj. Prendre des airs soldats; avoir l'air soldat. On ne lui trouvait peut-être pas le ton assez soldat, ni sans doute assez de facilité et de souplesse pour ce régiment des gardes, un corps privilégié et si délicat à manier (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 8, 1864, p. 395).C'est difficile de passer du secteur soldat au secteur civil (Arnoux, Contacts all., 1950, p. 68). b) Homme de troupe; militaire non gradé des armées de terre et de l'air. Synon. bidasse (fam.), pioupiou (pop., vieilli), troufion (pop.).Soldat d'active, du contingent. Il rajusta sur sa tête le schako (...) et il donna ce coup d'épaule (...) que donne le fantassin à son sac pour le hausser et alléger un moment son poids; c'est une habitude du soldat qui, lorsqu'il devient officier, devient un tic (Vigny, Serv. et grand. milit., 1835, p. 35): 2. ... c'est Sulphart que je préfère. Il est vêtu d'une capote ancien modèle, bleu foncé, avec une grande poche rapportée, d'un joli bleu hussard. Il a cousu son paquet de pansement sur son téton gauche et renforcé ses molletières grises d'une bande de gros cuir (...). Comme tout bon soldat d'active, il a voulu se distinguer en cassant la visière de son képi, (...) et il a encore enjolivé ce couvre-chef, plus aplati qu'une galette, d'une jugulaire tressée du meilleur effet.
Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 65. ♦ Soldat de première classe*. ♦ Simple soldat. Militaire non gradé. Les élèves qui n'ont pas été jugés susceptibles, à leur sortie de l'école, d'être nommés sous-lieutenant de réserve (...) sont incorporés dans un corps de troupe comme simples soldats et accomplissent la durée légale du service (J.O., Loi rel. recrut. arm., 1928, p. 3814).Je ne vois pas pourquoi (...) on suppose plus d'honneur dans un maréchal qui a gagné la bataille que dans le simple soldat qui se fait tuer en avançant (Alain, Propos, 1929, p. 847).En appos. avec valeur d'adj. Nous développions toujours avec un plaisir nouveau une plaisanterie à la manière des anciens contes, et qui peut donner une idée de l'esprit simple soldat (Alain, Propos, 1921, p. 234). ♦ Vx. Soldat du pape. Mauvais soldat. Vous êtes bien des soldats du pape. Est-ce que par hasard un jupon vous ferait peur? (Larchey, Excentr. lang., 1865, p. 234). − [En fonction d'appellatif] Salut soldat Pleurichon!... T'aimes pas mieux « sapeur »?... Où ça que tu vas t'engager?... T'en sais rien encore (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 693). ♦ Soldat inconnu. Soldat français anonyme mort pendant la guerre de 1914-1918 inhumé sous l'Arc de Triomphe afin que soient honorés en lui les morts français de cette guerre. Tombe du soldat inconnu. Cette angoisse que l'on éprouve devant le soldat inconnu, je l'éprouve, et accrue encore, devant chaque humain, quel qu'il soit (Giraudoux, Siegfried, 1928, ii, 2, p. 76).La vénération du soldat inconnu a rencontré l'assentiment général du peuple français. Seules quelques minorités se sont refusées à cette singulière idolâtrie (J.-R. Bloch, Dest. du S., 1931, p. 152). ♦ Vieilli. Femme, fille à soldat(s). Prostituée. Nous allons le soir au bordel de Strasbourg: des femmes à soldats, la grosse cavalerie de la prostitution (Goncourt, Journal, 1860, p. 791). − Loc. fig., vieilli. Faire soldat. Garder la plus grosse part lors d'un partage. Ensuite dans les affaires qu'on lui a confiées, il a trompé sur le partage; il « fait soldat », comme on dit (Barrès, Leurs fig., 1901, p. 197). SYNT. Soldat de carrière, de métier, de profession, de réserve; soldat appelé, consigné, démobilisé, déserteur, engagé (volontaire), exempté, mobilisé, permissionnaire, puni, réfractaire, sursitaire; soldat brave, courageux, discipliné, fanatique, fier, indiscipliné, insoumis, insubordonné, intrépide; soldat allié, ennemi; soldat de deuxième, de première classe; soldat d'élite, des compagnies disciplinaires; soldat du génie, de l'infanterie (coloniale), de la légion, du train; soldat de l'Ancien Régime, de la Commune, de la Convention, de l'Empire, de la Garde nationale, du Moyen-Âge, de la République, de la Révolution; soldat de l'arrière, du front; soldat en civil, en tenue de (combat), en treillis, en uniforme; soldat en manœuvre, en permission; soldat qui fait ses classes, le peloton; soldat qui fait le mur; bidon, calot, capote, casque, clairon, giberne, havresac, képi, mousqueton, paquetage, quart, uniforme de soldat; bon, brave, grand, piètre soldat; bravoure, insubordination, obéissance du soldat; activité, mission du soldat; famille, femme, fille, fils de soldat; compagnie, détachement, groupe, haie, peloton, section de soldats; ajourner, appeler, capturer, commander, enrôler, incorporer, mobiliser, rappeler, réformer un/des soldat(s); solde du soldat; bal, boîte à soldats; servir comme soldat; se conduire, mourir en soldat. B. − P. anal. Soldat de.Personne qui combat pour la défense de quelqu'un ou de quelque chose, pour le triomphe d'une croyance, d'un idéal. Soldat du Christ, de Dieu, de la démocratie, du droit, de la liberté, de la philosophie, du progrès, de la vérité. [Louis Veuillot] revint de là [de Rome] en soldat de la foi et en missionnaire, décidé à propager et à enfoncer la vérité, coûte que coûte, parmi les infidèles (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 1, 1861, p. 49).Si vous voulez m'apporter un litre de vin sous votre soutane, demain matin, eh bien, c'est entendu. Vous m'administrerez ce soir. L'Abbé réfléchit. Il est honnête homme, mais dur soldat de l'Église militante (Aymé, Brûlebois, 1926, p. 209). C. − ZOOL. [Chez les termites, les fourmis] Individu non développé sexuellement, à tête armée de mandibules en pinces dont la fonction est la défense de la communauté. On donne à ces dernières [les grandes fourmis ouvrières] le nom de soldats et elles paraissent avoir pour rôle de défendre la colonie (Coupin, Animaux de nos pays, 1909, p. 36). REM. Soldate, subst. fém.a) Femme soldat. (Dict. xxes.). b) Auxiliaire féminine de l'armée (Dict. xxes.). c) P. anal. Soldate de. Femme qui milite pour une cause, une croyance. Les femmes absentes [au bar de la rue Cujas], sauf les soldates minaudières de l'Armée du Salut qui essayaient de nous refiler leur torche-cul (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 67). Prononc. et Orth.: [sɔlda]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. 1475 « homme de guerre au service d'un prince ou d'un État, qui lui paie une solde » (doc. ds Mém. de Commynes, éd. Lenglet du Fresnoy, t. 3, p. 369); 1560 désigne spéc. le militaire non gradé (J. Grévin, L'Olimpe ds Théâtre, éd. L. Pinvert, p. 300: Ainsi l'on voit tousjours [...] un brave soldat devenir capitaine); 2. 1587 « homme qui manifeste les qualités propres au militaire » (La Noue, Discours politiques, p. 231 ds La Curne); 3. 1590-1604 Soldatz de fortune « aventuriers » (Brantôme, Discours sur les colonels de l'infanterie de France, 101 r o, éd. E. Vaucheret, p. 69); 4. 1604 au fig. (Montchrestien, David, II, éd. Petit de Julleville, p. 211: soldat d'amour). B. 1645 zool. « bernard l'hermite » (G. Coppier, Hist. et Voyage des Indes occ., p. 107). Empr. à l'ital.soldato, att. au sens A 1 dep. 1348-53 (Boccace ds Tomm.-Bell.), part. passé subst. de soldare « payer une solde », dér. de soldo (solde1*). Fréq. abs. littér.: 10 067. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 16 420, b) 14 837; xxes.: a) 16 100, b) 11 167. Bbg. Hope 1971, p. 50, 149. − Wind 1928, p. 7, 8, 33, 42, 132, 196. |