| SOIGNEUX, -EUSE, adj. A. − Qui apporte du soin à ce qu'il fait, qui soigne sa tâche. Élève soigneux. Il acheva ainsi son inspection, en bourgeois soigneux qui entend faire les choses comme elles doivent être faites, d'une façon réfléchie (Zola, Conquête Plassans, 1874, p. 1199).Thomas fut un chef de maison soigneux, se bornant à conserver des positions que l'on croyait solides, ponctuel dans son travail, absorbé par une tâche qui lui était en somme indifférente et qui exigeait une continuelle attention, un coup d'œil toujours frais (Chardonne, Ciel, 1959, p. 37). ♦ P. métaph. Voici notre désir ardent: qu'on nous envoie, À nous qui connaissons tout le tourment humain, Ceux que la vie exacte et soigneuse rudoie Quand ils ont satisfait leurs plaisirs et leurs mains (Noailles, Cœur innombr., 1901, p. 171). − Soigneux de + subst. ♦ Qui prend soin de quelque chose, qui veille au bon état de quelque chose. Veuf, il vivait seul avec sa bonne et ses deux valets dans sa ferme qu'il dirigeait en madré compère, soigneux de ses intérêts, entendu dans les affaires et dans l'élevage du bétail (Maupass., Contes et nouv., t. 2, St-Antoine, 1883, p. 194).L'Indienne, soigneuse de ses meubles anciens qu'elle adorait et soucieuse des Picasso qui avaient rendu sa maison biarrote célèbre et dont plusieurs s'écaillaient déjà sous l'action de l'humidité, entretenait un feu en permanence dans son salon (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 369). ♦ Vieilli. Qui est soucieux à propos de quelque chose, qui est préoccupé par quelque chose. Mon Dieu, je suis bien soigneux de vos inquiétudes; quand je prévois un retard, je vous en préviens, comme dans les derniers mots de ma lettre dernière (Balzac, Lettres Étr., t. 2, 1844, p. 422).Et je cesse peu à peu de l'entendre, et j'oublie, endormie contre des genoux soigneux de mon repos (Colette, Mais. Cl., 1922, p. 77). − Soigneux de + inf.Qui prend soin de faire quelque chose, qui est soucieux de réaliser quelque chose. Le cadet, peu soigneux D'apprendre les hauts faits des Romains ou des Parthes, Employoit tout son art, toutes ses facultés, À joindre, à soutenir par les quatre côtés Un fragile château de cartes (Florian, Fables, 1792, p. 56).« Chère, j'étais alors un jeune homme sympathique, soigneux d'écarter tout frottement avec les gens et je deviens tout juste le contraire assez vite (...) » (Valéry, Corresp.[avec Gide], 1894, p. 209). − Vieilli. Soigneux à + inf.Même sens. Le duc de Bourgogne, toujours occupé des affaires de Flandre et toujours soigneux à ménager ses alliances, avait envoyé trois cents lances bourguignonnes à la duchesse de Brabant (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 2, 1821-24, p. 220).La fille, de l'antre en sortant vers l'aurore, Recueillait ses œufs blancs pour qu'ils puissent éclore, Et, se montrant neuf jours soigneuse à les sauver, Sous l'aile du ramier les regardait couver (Lamart., Chute, 1838, p. 873). B. − Qui est propre, ordonné. Enfant soigneux et propret; ménagère, lingère soigneuse. Mieux vous les logeriez, plus ils seraient soigneux. Ils regarderaient à deux fois avant de salir un tapis ou de briser un cadre (Sand, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 90).Lorsque les renseignements à noter sur les fiches sont sans importance notoire, consultés rarement, utilisés par des individus soigneux, ou par un petit nombre d'intéressés, il est permis de placer ces cartes dans des fichiers ordinaires (Pethoud, Organ. industr. et comm., 1931, p. 218). − Soigneux pour/dans + subst.Qui veille à maintenir la propreté, la netteté de quelque chose. En bas défilaient des ribambelles de curieux bonshommes poudrés jusqu'aux épaules, et qui sautillaient singulièrement de pavé en pavé, soigneux pour le vernis de leurs souliers à boucles (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 151).Elle n'est pas de grande taille, au contraire; mais elle se tient très droite. Elle est nette, parfaitement propre et soigneuse dans son vêtement (Duhamel, Jard. bêtes sauv., 1934, p. 97). − Soigneux de sa personne. Qui a le souci de son apparence physique, qui veille à être soigné, propre. Pour ceux qui sont peu soigneux de leur personne, la malpropreté qui résulte du non déshabillage permet de désirer qu'on le proscrive [le dortoir] (Huysmans, Oblat, t. 1, 1903, p. 220).[Robespierre] fondateur du parti démocratique et fraternel aux humbles, il n'en était pas moins soigneux de sa personne et répudiait le débraillé du sans-culotte, la carmagnole et le bonnet rouge (Lefebvre, Révol. fr., 1963, p. 430). C. − P. méton. 1. Qui est fait avec soin, avec minutie, précision, application. Réparation, mise au point, recherche soigneuse; agencement, plan soigneux. Comme nous nous éloignions du bureau de tabac, mon ami fit un soigneux triage de sa monnaie (Baudel., Poèmes prose, 1867, p. 135).Cette exigence, qui demandera une analyse soigneuse, tend à rejeter la volonté du côté du refus (Ricœur, Philos. volonté, 1949, p. 332). 2. Qui montre de l'application, qui a été fait avec soin. Synon. soigné.Xavière avait mis sa robe bleue (...) des rouleaux soigneux encadraient son visage (Beauvoir, Invitée, 1943, p. 121).La suscription, manuscrite et soigneuse, arrêta soudain mon regard: « À ouvrir seulement après réception de l'instruction spéciale d'urgence » (Gracq, Syrtes, 1951, p. 12). 3. Au fig., fam. Très fort. Synon. soigné (v. ce mot II C 2).Chaudrut adorait le lapin au vin, et il l'avait séduite avec ces ripailles de chairs fades. Maintenant qu'il la tenait en sa possession, il ne déployait le peu de vigueur qui lui restait que pour lui asséner de soigneuses raclées (Huysmans, Sœurs Vatard, 1879, p. 58). Rem. Soigneux s'applique gén. à l'action, soigné au résultat de l'action, à l'aspect de quelque chose. Prononc. et Orth.: [swaɳø ], fém. [-ø:z]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1200 « attentif, zélé » (Moralités sur Job, 304, 27 ds T.-L.: sonious esgard); b) α) ca 1200 sonious de « soucieux de » (Poème moral, 71, ibid.);
β) mil. du xives. songneux de (suivi de l'inf.) (Lay d'Amours, éd. Jubinal ds Nouv. Rec. de contes, dits, fabliaux, t. 2, p. 192); ca 1358 soigneus de (Hugues Capet, 61 ds T.-L.); 2. a) 1552 « qui est fait avec soin (par exemple un traitement) » (Est. d'apr. FEW t. 17, p. 272b: soingneux); b) 1651 « qui met du soin à ce qu'il fait » (d'apr. FEW loc. cit.: soigneux); 1673 « id. » (Molière, Malade imaginaire, I, 6 ds
Œuvres, éd. E. Despois et P. Mesnard, t. 9, p. 308); c) 1782 « qui est propre et ordonné » (Genlis, Adèle et Théodore, p. 130). Dér. de soigner*; suff. -eux*. |