| SIÈCLE, subst. masc. I. − Espace de temps. A. − Durée de cent ans (dans la façon habituelle de diviser le temps). Ces ormes gigantesques d'un siècle ou deux qui jettent en avril, non des feuilles, mais des fleurs (Michelet,Journal, 1849, p. 42).Giovanni Pisano lui-même, né plus d'un siècle avant Angelico, semble plus jeune que lui (Faure,Espr. formes, 1927, p. 59). SYNT. Un siècle plus tôt, plus tard; au bout d'un siècle, dans l'espace d'un siècle, près d'un siècle; un quart, trois quarts de siècle; un siècle et demi; dix-neuf siècles de christianisme; tant de siècles d'histoire; à tant de siècles de distance. ♦ P. méton. V. quarante ex. 1. − [En position d'attribut d'un subst. indiquant une durée courte] Après une heure qui parut un siècle au prince (Stendhal,Chartreuse, 1839, p. 120). − Au sing. ou au plur., p. exagér., fam. Temps qui paraît long dans la vie de quelqu'un, dans un acte de la vie quotidienne. Il lui faut des siècles pour comprendre les choses les plus simples (Leclercq,Prov. dram., Électr., 1835, 17, p. 333).Le gérant mit encore un siècle à fermer portes et volets, s'arc-boutant contre le vent qui contrariait ses pesées (Peyré,Matterhorn, 1939, p. 257). Rem. Cet empl. est également à rapprocher de C 1 (infra) ex. de Balzac et Du Camp. − P. méton., rare. Personne âgée. Quelques promenades le jour, un salon de siècles attablés autour d'un tapis de boston, le soir (Lamart.,Nouv. Confid., 1851, p. 37). B. − Division chronologique, historique. 1. a) Période de cent ans s'inscrivant dans une chronologie ayant un point de repère déterminé. D'un siècle à l'autre; la première, la seconde moitié, partie d'un siècle; les premières, les dernières années d'un siècle. Le commencement, le milieu, la fin d'un siècle (Ac. 1798-1878). ♦ Fin(-)de(-)siècle. V. fin1A 2.De siècle en siècle. Le langage que les beaux génies ont tenu de siècle en siècle jusqu'à nos jours (Staël,Allemagne, t. 4, 1810, p. 401). b) [Le point de repère est précisé par un compl. prép.] Le IVesiècle avant, après, de Jésus-Christ (J.-C.), avant notre ère, avant l'ère chrétienne, de notre ère, de l'ère chrétienne; les premiers siècles de l'Église, du christianisme. Tout ce que j'ai dit plus haut, ne doit s'entendre que des quatre premiers siècles de Rome (Michelet,Hist. romaine, t. 1, 1831, p. xiii).Vers le commencement du premier siècle de l'hégire (Lamart.,Voy. Orient, t. 1, 1835, p. 255). c) [Le subst. est déterminé par un adj., un dém. ou un adj. numéral ordinal; dans ce cas, le point de repère est la date (légèrement inexacte) de la naissance du Christ] − [Le subst. au sing. est déterminé par un adj. et/ou un dém.] Le siècle nouveau, passé, précédent, présent, suivant; l'autre siècle; en ce siècle; au commencement, à, vers la fin du siècle dernier. Ce siècle avait deux ans! Rome remplaçait Sparte, Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte (Hugo,Feuilles automne, 1831, p. 717).Sully-Prudhomme (...) représente dans ce qu'il a de meilleur l'esprit de ce siècle finissant (Lemaitre,Contemp., 1885, p. 32).Le siècle actuel a commencé le premier jour de l'année 1901 et finira le dernier jour de l'année 2000 (Ac.1935). − [Le subst. est déterminé par un adj. numéral ordinal] ♦ Au sing. (abrév. s.). Le 18esiècle; les philosophes du XVIIIesiècle; les hommes du XXesiècle; du XVesiècle à nos jours. Délicieuse découverte de cette petite église du douzième siècle, dans ce creux de vallée, au milieu de ces ombrages (Dupanloup,Journal, 1852, p. 154).La forme ménétrier apparaît dès le XIIIes., par analogie avec d'autres noms d'artisans (Mus.1976, s.v. ménestrel). Rem. 1. Dans ce cas, il peut arriver que le mot siècle soit omis même s'il n'apparaît pas dans une autre partie de la phrase. La splendide demeure de M. Hamilton Rice qui (...) contient les plus parfaites œuvres du XVIIIefrançais (Morand, New-York, 1930, p. 223). [Des serveurs noirs] travestis en laquais du XVIIIe, promenaient des poissons géants (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 533). 2. Quand l'adj. numéral ordinal est écrit en chiffres, il l'est gén. en chiffres romains plutôt qu'en chiffres arabes. P. méton. Quelque chose d'analogue à ce que le XVIIIesiècle appelait l'homme sensible (Baudel.,Paradis artif., 1860, p. 374).[Avec ell. de l'art. et de la prép.] Cathédrale XVIesiècle, transition de la Renaissance (Flaub.,Champs et grèves, 1848, p. 159).En empl. adj. Qui a certaines caractéristiques propres au siècle en question. L'atmosphère était érasmique, seizième siècle en diable et de haute et cordiale intellectualité (L. Daudet,Paris vécu, 1930, p. 112).♦ Au plur. Adj. numéral cardinal + premiers siècles.Plût à Dieu que le témoignage rendu à la foi chrétienne par ces hommes de Dieu des six premiers siècles nous eût été conservé d'une manière moins incomplète! (Boegnerds Foi et vie, 1936, p. 109). 2. a) Division historique, chronologique d'une certaine longueur pouvant recouvrir approximativement un siècle déterminé et généralement marquée par des caractères qui lui donnent une unité, une cohésion. Siècle éclairé, frivole, raffiné; siècle de barbarie, de décadence, de foi, de gloire, d'ignorance. Comme l'Église est bonne en ce siècle de haine (Verlaine,
Œuvres compl., t. 2, Amour, 1888, p. 65).On travaille trop vite, dans notre siècle utilitaire (D'Indy,Compos. mus., t. 1, 1897-1900, p. 14). ♦ Demi-siècle*. b) Le siècle de + subst. (indiquant le nom d'une pers., d'un événement, d'une tendance qui marque ou a marqué une période, qui a donné une unité à une période).Le siècle d'Alexandre, d'Auguste, de Périclès, des Médicis; le siècle de la vitesse. Il y a loin du siècle des druides à celui de Louis XIV (Bern. de St-P.,Harm. nat., 1814, p. 300).Ce fut le siècle d'Abélard, de sa fabuleuse célébrité, des controverses philosophiques, des audaces de l'esprit (Bainville,Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 61). c) [Dénom. traditionnelle d'une époque de l'hist.] − Le grand/Grand siècle. La seconde moitié du xviiesiècle français dominée par la personne de Louis XIV et caractérisée par des œuvres grandioses; le siècle, l'époque de Louis XIV. Ses disciples [de saint Ignace] modèlent l'honnête homme, chrétien et cultivé, du grand siècle (Brasillach,Corneille, 1938, p. 28).En empl. adj. Qui a certaines caractéristiques (grandeur, distinction, etc.) propres à cette époque. Il n'y a rien comme ces vieilles masures, lorsqu'on les arrange... Ça vous prend un chic! N'est-ce pas? tout à fait grand siècle (Zola,Nana, 1880, p. 1421). − Le Siècle d'or. L'époque de Philippe II en Espagne, marquée par une vie intellectuelle et artistique brillante. C'est une vieille traduction espagnole des Actes des Saints. Cela sent son castillan de la fin du Siècle d'Or (Larbaud,F. Marquez, 1911, p. 138). − Le siècle des lumières, des philosophes. Le xviiiesiècle, en Europe. V. lumière B 2.[Dans un cont. anal.] À la fin du siècle des philosophes, l'antique régime de la Pingouinie fut détruit de fond en comble (France,Île ping., 1908, p. 181). − Au plur. ♦ Les bas siècles. Le Bas-Empire (192-476 après Jésus-Christ). Les historiens catholiques des bas siècles (Eusèbe, Orose) (Langlois, Seignobos,Introd. ét. hist., 1898, p. 258). ♦ Les premiers siècles. [Dans le cadre de l'hist. chrét.] Les quatre ou cinq premiers siècles après Jésus-Christ. Les chrétiens des premiers siècles. Les évêques de Rome n'étaient point, dans les premiers siècles, ce qu'ils furent depuis (J. de Maistre,Constit., 1810, p. 46).Les basiliques des premiers siècles font la chaîne des catacombes au Vatican (Mauriac,Journal 2, 1937, p. 144). d) Époque marquée par des caractères qui lui sont propres et par rapport à laquelle quelqu'un se situe. Synon. temps.Être en retard sur son siècle. Douce, patriarcale, innocente, honorable amitié de famille, votre siècle est passé! (Chateaubr.,Mém., t. 1, 1848, p. 498).Tu ne peux imaginer notre situation; tu es d'un autre siècle; tu as vécu dans cette époque fabuleuse où un homme prudent tablait sur des valeurs sûres (Mauriac,Nœud vip., 1932, p. 251). − Loc. [Le suj. désigne une pers.] Être de son siècle. Synon. être de son époque*, de son temps*.Sommes-nous, oui ou non, dans un siècle pratique, positif et de lumières? Oui. − Eh bien! soyons de notre siècle! Il faut être de son siècle (Villiers de L'I.-A.,Contes cruels, 1883, p. 240). e) Vieilli. [Dans une perspective mythique] Siècle d'or, d'argent, d'airain, de fer. Synon. âge d'or, d'argent, d'airain, de fer (v. âge II B hist.).Dans le beau siècle d'or, quand les premiers humains, Au milieu d'une paix profonde, Couloient des jours purs et sereins (Florian,Fables, 1792, p. 158). − P. anal. ♦ Siècle d'or. Temps heureux, d'abondance, de paix, de richesse culturelle: 1. Chaque siècle, à son tour, qu'il soit d'or ou de fer,
Dévoré comme un cap sur qui monte la mer,
Avec ses lois, ses mœurs, les monuments qu'il fonde,
Vains obstacles qui font à peine écumer l'onde,
Avec tout ce qu'on vit et qu'on ne verra plus,
Disparaît sous ce flot qui n'a pas de reflux.
Hugo,Feuilles automne, 1831, p. 724. ♦ Siècle de boue. Temps de corruption. Un vrai siècle de boue, où plongés que nous sommes, Chacun se vautre et se salit (Barbier,Ïambes, 1840, p. 34). ♦ Siècle de fer. Temps malheureux, de misère, de guerre. V. supra ex. 1. 3. [Empl. sans autre détermination que l'art. déf.] Siècle ou époque dont il est question. L'esprit du siècle; les lumières, les mœurs, les progrès du siècle; à, vers le milieu du siècle. Il faut opposer aux idées libérales du siècle, les idées morales de tous les temps (Joubert,Pensées, t. 1, 1824, p. 426).J'avais suivi la pente de cette génération de l'Empire, née avec le siècle, et de laquelle je suis (Vigny,Serv. et grand. milit., 1835, p. 15). ♦ Le mal du siècle. V. mal3I B. − [P. allus. à l'œuvre de Musset La Confession d'un enfant du siècle (1836)] Introduction. Triste confession d'un enfant du siècle (Balzac,Illus. perdues, 1843, p. 541). − P. hyperb., loc. Du siècle. [En parlant d'un fait, d'un événement] Qui est considéré comme devant rester unique en son genre, comme devant être le plus important dans le siècle en question. Le livre, le marché, le millésime du siècle. Son match à Cannes, le 16 février 1926, contre l'Américaine Helen Wills fut qualifié par l'écrivain Claude Anet de « match du siècle » (Jeux et sports, 1967, p. 1304). C. − Au plur., à valeur de coll. 1. [Précédé de l'art. indéf. à valeur emphatique ou d'un quantificateur] Grand espace de temps. Durant des siècles; pendant bien des siècles; tant de siècles; des siècles d'expérience; à des siècles d'intervalle; après des siècles de; il a fallu des siècles pour. De longues tables de schiste en équilibre depuis des siècles (Dusaulx,Voy. Barège, t. 1, 1796, p. 243).[L'Église] pouvait se renouveler, se retremper dans la justice et la vérité pour des siècles encore (Sand,Hist. vie, t. 2, 1855, p. 12). − P. méton. Il y avait là jadis de grandes forêts de chênes, que des siècles de négligence ont mutilées (Vidal de La Bl.,Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 332). − [En contraste avec d'autres subst. désignant une durée courte] Des instants qui paraissent des siècles. Dans une pareille matinée, les heures valent des siècles (Balzac,Splend. et mis., 1847, p. 562).Le temps marchait lentement; les minutes me semblaient des siècles (Du Camp,Mém. suic., 1853, p. 62). − [Dans des expr. où le subst. est répété] Des siècles de siècles. Il fallut des siècles de siècles pour produire ce quelque chose, pour dégager ce quoi que ce soit du chaos (Gide,Feuillets d'automne, 1947, p. 311).Des siècles et des siècles. Il faudrait des siècles et des siècles, il faudra le temps dont Dieu dispose pour vous apprendre à être heureux (Bernanos,Joie, 1929, p. 659). 2. Période dont la durée est d'une certaine importance bien qu'indéterminée. Les siècles derniers, écoulés, futurs, héroïques, lointains, passés, précédents, révolus, suivants; les siècles les plus éloignés, les plus reculés. Je me rappelai ces siècles anciens où vingt peuples fameux existaient en ces contrées (Volney,Ruines, 1791, p. 11).Le penseur peut prévoir, à travers la brume des siècles à venir, l'époque encore très lointaine où la Terre (...) se refroidira du sommeil de la mort (Flammarion,Astron. pop., 1880, p. 102). − P. méton. Dès lors, tout progrès dans les sciences s'arrêta; une partie même de ceux dont les siècles antérieurs avaient été témoins se perdit pour les générations suivantes (Condorcet,Esq. tabl. hist., 1794, p. 44). 3. [Avec l'art. déf. et sans déterminatif temporel] a) Littér. [Avec personnification] − Le passé; le temps passé dans sa durée. La poussière, la rouille des siècles; l'expérience, la sagesse des siècles. Malheur aux générations solitaires, qui (...) sont contraintes de recommencer, faibles et mortelles, l'œuvre des siècles! (Ozanam,Philos. Dante, 1838, p. 35): 2. Et soudain, dans le calme immense de la nuit,
Sous un souffle venu des siècles jusqu'à lui,
Il sent, plein d'un bonheur que nul verbe ne nomme,
Le grand frisson du sang passer dans son cœur d'homme.
Samain,Chariot, 1900, p. 60. − La postérité. Mais si vous jugez, vous serez jugé aussi. Plus tard vous comparaîtrez devant les siècles, et vous savez assez l'histoire pour avoir apprécié les sentiments et les actes qui engendrent la vraie grandeur (Balzac,Lys, 1836, p. 166).De la race de David l'enfant doit naître dans l'étable pour offrir aux siècles un objet divin de piété (Adam,Enf. Aust., 1902, p. 193). b) Le temps; la durée de l'histoire. Le commencement, la durée, la suite des siècles; la couleur des siècles; au cours, au long des siècles; du fond des siècles; hors des siècles. On veut la définir [la morale], on s'égare; les siècles s'écoulent, nous passons d'erreurs en erreurs (Fiévée,Dot Suzette, 1798, p. 9).Il semble que l'esprit sévère de l'antiquité et la douceur du christianisme soient ainsi rapprochés dans Rome à travers les siècles (Staël,Corinne, t. 1, 1807, p. 181). − P. méton. Voici apparoître le Fils de l'Homme sur les nuées; les puissances de l'enfer remontent du fond de l'abyme, pour assister au dernier arrêt prononcé sur les siècles: les boucs et les brebis sont séparés, les méchans s'enfoncent dans le gouffre, les justes triomphans montent dans les cieux (Chateaubr.,Génie, t. 1, 1803, p. 270). − La fin des siècles. Synon. de la consommation des siècles (v. consommation A 2).Tout le temps qui s'écoule depuis l'avènement du Christ jusqu'à la fin des siècles (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 353). 4. Loc. et expr. a) [Dans des tours prép.] Tous les siècles. L'histoire, la durée de l'histoire, le temps dans sa globalité. Les observateurs de tous les siècles. Ce fils né avant tous les siècles, il [Dieu] l'a envoyé, dans les siècles derniers, au monde, pour le guérir (Thierry,Récits mérov., t. 2, 1840, p. 318).Ils confondent les passions et les idées: les premières sont les mêmes dans tous les siècles, les secondes changent avec la succession des âges (Chateaubr.,Mém., t. 4, 1848, p. 256). b) Les siècles des siècles. Un temps illimité, l'éternité. Ainsi s'écoulent rapidement les siècles des siècles. Les élus existent, pensent, et voient tout en Dieu (Chateaubr.,Natchez, 1826, p. 175).Une sorte de justice qui depuis les siècles des siècles hante la tristesse des misérables (Bernanos,Journal curé camp., 1936, p. 1217). c) [Dans des tours prép. reprenant les formules relig. − à, dans tous les siècles; aux siècles des siècles, pour les siècles des siècles; dans (tous) les siècles des siècles − que l'on rencontre dans plusieurs textes du N.T. et dans la liturg. chrét., et qui signifie « pour l'éternité, pour toujours, à jamais »] Adieu pour toujours! Oh! pour la dernière fois, plus que cette minute dans tous les siècles! (Nodier,J. Sbogar, 1818, p. 215).Il était au delà de la résignation; comme s'il eût tout compris − non seulement pour cette fois mais pour les siècles des siècles (Malraux,Espoir, 1937, p. 759). II. − P. méton., au sing. A. − Ensemble de caractéristisques propres à un siècle, à une époque donnée. Lorsque nous voyons s'évanouir nos espérances les plus chéries, la justice, la liberté, la patrie, nous nous flattons qu'il existe quelque part un être qui nous saura gré d'avoir été fidèles, malgré notre siècle, à la justice, à la liberté, à la patrie (Constant,Princ. pop., 1815, p. 130).Je me suis senti un désir de peinture du siècle. La vie de Napoléon fourmille de motifs (Delacroix,Journal, 1824, p. 97) B. − RELIGION [Avec art. déf.] 1. [Le subst. est déterminé par un adj.] a) Le siècle présent. La vie d'ici-bas. Oublier la corruption et les ténèbres du siècle présent (Bremond,Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 254). b) Le siècle futur. La vie d'En-Haut, la vie éternelle après la fin du monde. Il en sera ainsi jusqu'à ce que son règne [du Christ] arrive, avec le siècle futur (Maritain,Primauté spirit., 1927, p. 187). 2. Empl. abs. a) Le monde et ses préoccupations temporelles (considérées comme frivoles, futiles, par opposition à la vie spirituelle, chrétienne). Se peut-il, monsieur, que, menant une vie sainte et retirée, je vous voie tout à coup donner dans les vices du siècle? (France,Contes Tournebroche, 1908, p. 141).La vie chrétienne dans le siècle est toute proportion, toute mesure: un équilibre... (Bernanos,Imposture, 1927, p. 311). ♦ Enfant du siècle. Personne incrédule qui rejette toute valeur morale, spirituelle. Partout il [ce Signe, le Talisman de la Croix-stellaire] se dresse, ignoré des enfants du siècle, mais inévitable (Villiers de L'I.-A.,Contes cruels, 1883, p. 386): 3. ... toute cette vie de combats et de tortures serait-elle perdue? Non! s'écria-t-il encore avec enthousiasme en élevant ses longs bras grêles hors de ses manches de bure, je ne le croirai pas; je ne me laisserai pas décourager par les paroles impies de cet enfant du siècle.
Sand,Lélia, 1833, p. 277. b) Le monde et ses activités profanes par opposition à la vie consacrée à Dieu, à la vie en religion. Vivre dans le siècle, hors du siècle; vivre selon le siècle; quitter le siècle, renoncer au siècle. Ce stage dans la cléricature dura peu. Il abandonna à temps une carrière pour laquelle il n'était pas fait et rentra dans le siècle (Grousset,Croisades, 1939, p. 55). c) P. anal. Le monde et la civilisation par opposition à la nature, à la vie naturelle. Tandis que l'homme naturel suit tranquillement la pente douce et facile qui doit le conduire au repos éternel, le vieillard du siècle dispute avec acharnement une place que la nature destine à sa postérité (Laclos,Éduc. femmes, 1803, p. 443).Le siècle n'a mis aucune marque sur cet horizon qui n'est fait que du grand ciel et des plis du terrain (Barrès,Pitié églises, 1914, p. 335). Prononc. et Orth.: [sjεkḽ]. Ac. 1694, 1718: siecle; dep. 1740: siècle. Étymol. et Hist. A. Cont. relig. 1. a) 881 « vie terrestre » [p. oppos. à la vie après la mort] (Ste Eulalie, 24 ds Henry Chrestomathie, p. 3: Volt [Eulalia] lo seule lazsier); ca 1050 (St Alexis, éd. Chr. Storey, 548: Briés est cist secles, plus durable atendez); 1197 autres siecles « vie après la mort, dans l'autre monde » (Hélinant, Vers de la mort, 36, 1 ds T.-L.); b) 1160-74 « monde, société laïque [p. oppos. à la société monacale] » (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, II, 1709: Moinne veut devenir et sa vie muer [...] Moult a fait mal en siecle, moult a a amendre); ca 1180 (Marie de France, Fables, éd. K. Warnke, XLV, 30, p. 150); c) ca 1200 « vie dans le siècle [p. oppos. à la vie monacale] » mener son siecle (Chans. de Guillaume, éd. J. Wathelet-Willem, 2421); 2. ca 1050 « le monde, par rapport à la qualité des hommes qui y vivent, de la vie que l'on y mène » (St Alexis, 1: Bons fu li secles al tens ancïenur; 8); ca 1200 (Guiot de Provins, Bible, 1 ds
Œuvres, éd. J. Orr, p. 10); 3. ca 1100 « le monde terrestre » la fin del secle (Roland, éd. J. Bédier, 1435); ca 1135 (Couronnement de Louis, éd. Y. G. Lepage, réd. AB, 258: trespasser de cest siecle; 720: De totes bestes, por le siecle estorer, Male et femele fist en l'arche poser). B. « Période dans la succession des temps » 1. « longue période indéterminée » a) 1remoit. xiies. lang. relig. en secle de siecle [in saeculum saeculi] « éternellement, dans l'éternité » (Psautier d'Oxford, éd. Fr. Michel, IX, 5); fin xiies. ens seules des seules (Sermons de St Bernard, éd. W. Forster, p. 119, 29); b) ca 1165 en tot le siegle trespassé (Benoît de Ste-Maure, Troie, 24113); 1176 (Chrétien de Troyes, Cligès, éd. A. Micha, 27); fin xiiies. [ms.] plur. li siegle « le temps, la succession des temps » (Roland, éd. J. L. Bourdillon, IV, p. 197); 1580 aux siecles advenir (Montaigne, Essais, II, 3, éd. P. Villey et V. L. Saulnier, p. 357); ca 1590 les siecles passez (Id., op. cit., II, 6, p. 380); 2. 1258 spéc. désigne la période contemporaine de l'auteur (Alexandre du Pont, Mahomet, éd. Y. G. Lepage, 1171); 1588 la corruption de ce siecle (Montaigne, op. cit., III, 5, p. 863); 1833 mal du siècle (Sainte-Beuve, Chateaubriand et son groupe littér., note à XIVeleçon, art. sur Oberman ds Rob., s.v. mal3, citat. 24); 1836 (Musset, La Confession d'un enfant du siècle [titre]), v. aussi FEW t. 11, p. 46a, note 2; 3. ca 1618 siècle doré « l'âge d'or » (Malherbe, Poésies, LXXIII ds
Œuvres, éd. L. Lalanne, t. 1, p. 235); 1670 siècle d'or (Pascal, Pensées, 38 ds
Œuvres, éd. J. Chevalier, p. 1097); 4. 1588 « période longue ou qui semble telle » (Montaigne, op. cit., III, 10, p. 1017: un siecle d'ennuys et d'ordes [...] pratiques). C. 1. « Période de 100 ans » [ca 1380 (Roques t. 2, I, 11021: seculum: secles)] 1580 en tout un siecle (Montaigne, op. cit., I, 31, p. 210); 2. 1636 « id. dont la limite est déterminée » les deus premiers siècles (Monet, p. 823b); 1690 le XVII. Siecle depuis Jesus-Christ (Fur.); 3. 1671 « id. considérée comme unité historique présentant certains caractères » le siècle d'Alexandre (P. Bouhours, Les Entretiens, p. 133 d'apr. A. Nidest ds Fr. mod. t. 39, 1971, p. 209); 1751 (Voltaire, Siècle de Louis XIV, I ds
Œuvres hist., éd. R. Pomeau, p. 618: Avant le siècle que j'appelle de Louis XIV et qu commence à peu près à l'établissement de l'Académie). Empr. au lat.saeculum, dans la lang. class. « génération, race, espèce; durée d'une génération humaine; âge, époque, temps [saeculum aureum]; (fig.) esprit du siècle, mode de l'époque; espace de 100 années, siècle; (plur.) long espace de temps, siècles »; dans la lang. chrét. « long espace de temps (dans le passé: a saeculo « de toute éternité »; dans l'avenir: [usque] in saeculum; [avec redoublement intensif d'apr. l'hébr.] in saeculum saeculi, Vulgate; in saecula saeculorum, ve-vies., Eugippius); « le monde, la vie présente [p. oppos. à l'éternité] »: de saeculo evadere (déb. iiies., Tertullien); péj. « le monde, le siècle »: diligens hoc saeculum, Vulgate; « les païens, le paganisme » (Tertullien); « la condition laïque [p. oppos. à la condition monacale] » (anno 305 ds Blaise Lat. chrét.). Fréq. abs. littér.: 17 085. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 31 445, b) 20 600; xxes.: a) 24 370; b) 20 131. Bbg. Krauss (W.). Siècle im achtzehnten Jahrhundert. Beitr. rom. Philol. 1961, t. 1, pp. 83-98. |