| * Dans l'article "SEVRER,, verbe trans." SEVRER, verbe trans. A. − 1. Sevrer (un enfant). Priver du sein de sa mère ou de sa nourrice un enfant pour le faire passer à une autre nourriture. Il n'avait que six mois quand on a été obligé de le sevrer (Ac.).Sa tendresse, toute secouée, brutale et attendrie, n'en fut que plus poignante. Dès qu'il fut sevré, elle renvoya la nourrice. Elle seule s'occupa de lui (Zola, M. Férat, 1868, p. 48).J'étais sur pied les huit jours après ta naissance et ne t'ai sevré qu'à dix-huit mois (Mauriac, Genitrix, 1923, p. 329). − P. anal. Sevrer un veau, un poulain (Ac. 1935). ♦ Empl. abs. Elles étaient sûres de leurs enfants et gardaient la farouche tranquillité des louves qui ont sevré (Villiers de L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 169). ♦ Empl. part. passé. Les cochons de lait, sevrés à deux mois, nourris d'orge et de marc de raisin, se mangeaient rôtis ou bouillis (Gdes heures cuis. fr.,Éluard-Valette, 1964, p. 232).Empl. part. passé adj. Une excellente méthode (...) consiste à inoculer un veau sevré, sous la peau, en « région défendue », en arrière de l'épaule par exemple (Nocard, Leclainche, Mal. microb. animaux, 1896, p. 266).V. anthelmintique ex. 2. 2. ARBORIC. Séparer une marcotte, un greffon de la plante mère lorsqu'ils ont pris racine. À l'automne, on sèvre la marcotte, c'est-à-dire qu'on la sépare du pied-mère, pour la planter et la faire vivre avec ses propres racines (Gressent, Créat. parcs et jardins, 1891, p. 733). 3. MÉD. Priver un toxicomane de sa drogue habituelle ou un alcoolique de sa consommation de boisson alcoolisée lors d'une cure de désintoxication. La psychothérapie a un rôle déterminant pendant la convalescence qui doit être prolongée plusieurs mois. Sevrer n'est rien, consolider est tout (Porot1960). B. − Littéraire 1. Sevrer qqn de.Priver quelqu'un de. La partie du monde épargnée par les destructions était surtout sevrée de biens d'équipement et de produits industriels qu'elle n'avait reçus pendant la guerre ni d'Europe ni des États-Unis (Univ. écon. et soc., 1960, p. 38-5).Nous sommes sevrés de nouvelles. Nous n'avons ni radio ni journaux (Debatisse, Révol. silenc., 1963, p. 26). − [Le compl. introd. par de désigne une chose agréable, un plaisir recherché] Sevrer un enfant de caresses. Le même accident [cet état languissant et maladif] arrive aussi quelquefois aux jeunes veuves qui sont sevrées tout-à-coup de l'usage du mariage auquel elles étoient habituées (Geoffroy, Méd. prat., 1800, p. 219).Et pour m'indemniser des nuits où tu m'en sèvres, Tu ne les caches plus [tes seins] que sous tes noirs cheveux Drus comme les buissons que mordillent les chèvres (Rollinat, Névroses, 1883, p. 95). ♦ Empl. pronom. réfl. Aussi voilà qu'il est presque avare; il thésaurise; il veut se sevrer de tabac (Coppée, Vingt contes nouv., 1883, p. 235). ♦ Empl. pronom. Se priver, s'abstenir de. Il y a des instants de faiblesse désœuvrée, où de brefs souvenirs optiques (...) suffisent à entr'ouvrir un cœur qui se sèvre d'aimer (Colette, Entrave, 1913, p. 141). 2. Sevrer qqc. de.Séparer quelque chose de. L'histoire de ces faits ne peut être sevrée de toute considération géographique (Brunhes, Géogr. hum., 1942, p. 24). REM. Sevreur, -euse, subst.,hapax. Combien de fois, rude sevreur des veaux, ne les avait-il pas sevrés, et sur le dos de la mère irritée rompu des brassées de gourdins, jusqu'à ce qu'elle fuie la grêle des coups, hurlante et retournant la tête vers son nourrisson (Lamart., Cours litt., 1859, p. 285). Prononc. et Orth.: [səvʀe], (il) sèvre [sε:vʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 « séparer, trancher une partie du corps humain » (Roland, éd. J. Bédier, 1371), en a. et m. fr.; ca 1150 sevrer mangier ne boire plus gén. « séparer, faire une distinction » (Le Conte de Floire et Blancheflor, éd. J. L. Leclanche, 193); ca 1280 pronom. de toute joie me sevrai (Adenet Le Roi, Cleomadés, éd. A. Henry, 9143); 2. ca 1200 « cesser progressivement d'allaiter, d'alimenter en lait, un enfant ou un petit d'animal, pour lui donner une nourriture plus solide » (Jean Renart, L'Escoufle, éd. Fr. Sweetser, 1803); 3. 1660 hortic. sevrer les plantes (Oudin Esp.-Fr.). D'un lat. pop. sēperāre, att. à basse époque, lat. class. sēparāre, v. séparer; a signifié à l'orig. « séparer », supra, le sens spéc. de « sevrer », propre au fr., puisque l'ital. scev(e)rare et l'a. prov. sebrar ne le connaissent pas, explique en partie l'empr. de séparer*. Fréq. abs. littér.: 199. Bbg. Darm. Vie 1932, p. 58, 160. − Ernout (A.). Allaiter et sevrer. In: [Mél. Bally (Ch.)]. Genève, 1939, pp. 329-336. |