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SERVITUDE, subst. fém.
A. −
1. HIST. (féod.). État de celui, de celle qui est serf. Synon. servage.Il a eu le bonheur de trouver dans ses archives le titre de servitude de l'un de ses vassaux (Le Moniteur, t. 1, 1789, p. 314).Les malheureux paysans de l'Ouest auraient pu mettre sur leurs drapeaux: « Servitude, ignorance et misère! » car c'était pour défendre ces choses qu'ils se battaient (Erckm.-Chatr.,Hist. paysan, t. 1, 1870, p. 366).
P. méton., gén. au plur. Obligation impliquée par cet état. Des servitudes personnelles, telles que les corvées, et d'autres restes de la barbarie féodale, existaient encore partout (Staël,Consid. Révol. fr., t. 1, 1817, p. 225).La manière dont s'est opéré le rachat des charges et des servitudes féodales (France,Pierre bl., 1905, p. 192).
2. État d'absence de liberté, de soumission absolue à un maître. Synon. esclavage.Comment de prisonnier il était devenu esclave. Il raconta simplement, sans emphase et sans exagération, son séjour au fond de la Sibérie, six années de servitude au milieu de peuplades sauvages (Sandeau,Mllede La Seiglière, 1848, p. 158).Aphrodisia, encore esclave, triomphait dans un cercle d'hommes et fêtait sa dernière nuit de servitude par une débauche désordonnée (Louÿs,Aphrodite, 1896, p. 152).
P. méton. Rapport social de soumission volontaire ou imposée. C'est dans la question du travail que toute servitude a sa racine; c'est la question du travail qui a fait les maîtres et les serviteurs, les peuples conquérans et les peuples conquis, les oppresseurs de tout genre et les opprimés de tout nom (Lacord.,Conf. N.-D., 1848, p. 233):
1. L'insoumis rejette la servitude et s'affirme l'égal du maître. Il veut être maître à son tour. La révolte de Spartacus illustre constamment ce principe de revendication. L'armée servile libère les esclaves et leur livre immédiatement en servitude leurs anciens maîtres. Camus,Homme rév., 1951, p. 140.
En partic.
État d'un peuple sous la domination d'un autre. Cet enthousiasme guerrier qui met les peuples à l'abri de la servitude étrangère (Chateaubr.,Essai Révol., t. 1, 1797, p. 116).C'est en mémoire de la servitude d'Égypte (...) que Dieu impose à la postérité de Jacob la charte du repos (Lacord.,Conf. N.-D., 1848, p. 240).Un gouvernement tombé sous la servitude ennemie (De Gaulle,Mém. guerre, 1954, p. 299).
État d'une collectivité, d'un peuple soumis à une autorité tyrannique dans l'ordre politique et moral. Nous n'examinerons point l'état de servitude où le peuple a gémi si longtemps (Sieyès,Tiers état, 1789, p. 32).Des lumières et des vertus. Sans elles, il [le peuple] passe rapidement de la servitude à l'anarchie, de l'anarchie à la licence, de la licence à l'oppression, et de l'oppression à la servitude (Marat,Pamphlets, Appel à la Nation, 1790, p. 154).
P. métaph. Au moyen âge, une philosophie qui à la place de la réalité met trop souvent de creuses formules et une espèce d'algèbre, médiocre parure, triste dédommagement de la servitude de la pensée (Cousin,Hist. philos. mod., t. 2, 1846, p. 4).
3. P. ext.
a) Dépendance extrême qui affecte l'autonomie d'une personne, d'une collectivité. Précipitant le peuple dans l'ignorance et dans la servitude religieuse (Condorcet,Esq. tabl. hist., 1794, p. 18).Celui qui aime tombe sous la servitude de celui qui est aimé. Par là même. Celui qui aime tombe sous la servitude de celui qu'il aime. Dieu n'a pas voulu échapper à cette loi commune. Et par son amour il est tombé dans la servitude du pécheur (Péguy,Porche Myst., 1911, p. 252).
P. anal. Dépendance économique. Le richard qu'il sert lui a fait sentir le poids de la dure servitude moderne: le salaire (Bourget,Essais psychol., 1883, p. 247).
b) [La servitude concerne une pers.] Ce que l'on doit faire et qui entrave la liberté individuelle. Si l'égalité est la condition nécessaire de la société, la communauté est la première espèce de servitude (Proudhon,Propriété, 1840, p. 324).Mon état d'employé comporte des servitudes. Je ne peux renoncer au gilet: j'aurais l'air débraillé (Duhamel,Journ. Salav., 1927, p. 60).
P. méton. [Le plus souvent avec un compl. déterminatif ou un adj. qui explicitent la contrainte] Assujettissement à une contrainte. Braver volontairement la gêne, les soucis, le malaise, me paraît insensé. Le bonheur du cœur est un doux rêve; mais la servitude de l'écu peut devenir une affreuse réalité (Amiel,Journal, 1866, p. 45).L'habitude de préférer le plaisir au gain matériel. La liberté avec de petites ressources à une servitude sociale qui fait vivre dans une grande aisance (Larbaud,Journal, 1935, p. 351).
P. anal. [La servitude concerne une chose] Contrainte. Au théâtre, certaines conventions servent à compenser faiblement de terribles servitudes (...). Le roman, lui, ne connaît pas de vraies servitudes (Romains,Hommes bonne vol.,1932,p. xii) .La SNCF a des servitudes que n'a pas la route en tant que service public (Pineau,S.N.C.F. et transp., 1950, p. 38).
B. − DROIT
1. DR. CIVIL. Charge imposée sur un immeuble (fonds servant) pour l'usage d'un immeuble (fonds dominant) appartenant à un autre propriétaire. Servitude conventionnelle, légale; servitude rurale, urbaine; servitude d'égout, d'écoulement des eaux, de passage, de vue; immeuble frappé de servitude. Ce terrain jouit en effet d'une servitude ancienne sur le fonds de M. Givry, parfaitement, sur notre jardin, sur ce jardin dont nous sommes les locataires (Duhamel,Terre promise, 1934, p. 140):
2. Les servitudes continues sont celles dont l'usage est ou peut être continuel sans avoir besoin du fait actuel de l'homme: tels sont, les conduites d'eau, les égouts, les vues, et autres de cette espèce. Les servitudes discontinues sont celles qui ont besoin du fait actuel de l'homme pour être exercées: tels sont les droits de passage, puisage, pacage et autres semblables. Code civil, 1804, art. 688, p. 126.
Servitude « non aedificandi ». Obligation de ne pas bâtir sur un fonds. (Ds Lar. Lang. fr., Rob. 1985). Servitude « non altius tollendi ». Obligation de ne pas bâtir au-delà d'une certaine hauteur (Ds Lar. Lang. fr., Rob. 1985).
2. DR. PUBL. Restriction qui pèse sur l'exercice du droit de propriété immobilière en vertu de l'intérêt général ou de l'utilité publique. Servitude aérienne, d'alignement, de marchepied, de reculement*; servitudes militaires. Ne pas établir de construction, plantation ou clôture à moins de 3 m 25 sur le bord opposé au halage marchepied. Cette obligation porte le nom de servitude de halage (Bourde,Trav. publ., 1929, p. 328).
3. DR. INTERNAT. Servitudes internationales. ,,Limitation de la compétence internationale et territoriale d'un état au profit d'un autre état ou de la communauté internationale`` (Rob.).
C. − MAR. Bâtiment de servitude. Engin flottant destiné au service des ports et n'allant pas en haute mer. En France, on double en zinc les bâtiments de servitude qui sont, pour la plupart, de vieux navires en bois (Croneau,Constr. nav. guerre, t. 1, 1892, p. 348).
Prononc. et Orth.: [sε ʀvity:d]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1269-78 fig. servitude « dépendance, attachement à » (Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 5130); 2. 1283 « état d'asservissement, servage » (Philippe de Beaumanoir, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, § 1437); 3. a) 1283 « assujettissement imposé à la personne » (Id., ibid., § 1438: servitudes de cors); b) ca 1395 [éd. 1603] « assujettissement imposé à une chose » (Bout[eiller], Som. rur., p. 127 ds La Curne); 1473 « charge que doit supporter une propriété » (10 juill., Chirogr., A. Tournai ds Gdf. Compl.); 4. 1871 mar. (Littré). Empr. au b. lat.servitudo-, -idinis « servitude, esclavage » déb. ves. ds Blaise Lat. chrét., dér. de servus « serf », pour servir de subst. abstr. à servir*, moins fréq. que le class. servitus, -tutis « condition d'esclave », fig. « état de dépendance », « assujettissement de terres, d'immeubles », d'où une forme servitute, fin xiiies. [ms.] (Marie de France, Fables, Du leu et du lien, ms. BN fr. 2173, éd. K. Warnke, Suppl. XXVI, p. 332), servituit fin xiies. (Sermon saint Bernard, éd. K. Wollmöller, p. 128, 34 − 1661, Cotgr.); cf. aussi la forme servitune, servitume 1176-81 (Chrétien de Troyes, Chevalier charrette, éd. M. Roques, 643 et 2095). Fréq. abs. littér.: 1 256. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 601, b) 1 254; xxes.: a) 1 229, b) 1 710. Bbg. Archit. 1972, p. 20. − Dub. Pol. 1962, p. 419. − Vardar Soc. pol. 1973 [1970] p. 307.