| SERPILLIÈRE, subst. fém. A. − TEXT., vieilli Grosse toile d'étoupe à tissage peu serré utilisée principalement pour l'emballage des marchandises, pour se garantir du soleil, pour protéger les vêtements. Vieille serpillière; tablier de serpillière. Un morceau de serpillière, tendu du bout des brancards à deux poteaux, nous servait de toit (Chateaubr.,Mém., t. 1, 1848, p. 408).Au moment de mettre le cadavre dans la bière, l'infirmier enleva la serpillière de l'hôpital et demanda à un des amis du défunt qui se trouvait là de quoi payer le linceul (Murger,Scènes vie boh., 1851, p. 204). B. − P. méton. 1. Vieilli. Tablier à bavette ou attaché avec une agrafe, fait avec cette étoffe ou en forte toile, en usage dans certains corps de métiers. [Léon] aperçut de loin, sur la route, le cabriolet de son patron, et à côté un homme en serpillière qui tenait le cheval (Flaub.,MmeBovary, t. 1, 1857, p. 137). 2. Usuel. Torchon fait avec cette étoffe ou dans une toile gaufrée ou à bouclettes très absorbante, utilisé pour le lavage des sols. Synon. torchon (de plancher), wassingue (région.).Passer la serpillière; rincer la serpillière; éponger avec une serpillière. Le bruit liquide et tendre des serpillières mouillées que l'Adélaïde tordait sur son baquet d'eau sale (Aymé,Jument, 1933, p. 44).Ces hideux torchons qui servent à récurer les dalles, qu'on appelle, je crois, des serpillières (Gide,Feuillets d'automne, 1949, p. 1083). Prononc. et Orth.: [sε
ʀpijε:ʀ]. Ac. 1694, 1718: -iere; dep. 1740: -ière. Étymol. et Hist. 1. Ca 1180 [ms. 1remoit. xives.] sarpilliere « toile grossière servant à envelopper, emballer » (Fierabras, p. 142 ds T.-L.: Es sarpeillieres lïent toursiaus d'erbe fenee, Cascun sor le destrier); 1302 Valenciennes sarpilliere (doc. ds De Poerck t. 2, p. 186); 2emoit. xives. cerpiliere ici, empl. p. image (Miracles de N.-D., V, 90, éd. J. Morawski ds Romania t. 61, 1935, p. 347); 1403 Douai serpilliere (doc. ds De Poerck t. 2, p. 251); 2. 1244, mars, Châlons sarpilliere « auvent de toile devant une boutique » (doc. ds Fagniez t. 1, p. 152); 3. 3equart xiiies. [ms.] « vêtement de tissu » rice sarpillere (Alexandre de Paris, Alexandre, éd. Elliott Monographs, n o41, var. branche IV, 58 . 6, 25, leçon ms. H); 1remoit. xives. (Roques t. 2, I, 10723: sagum: sarpilliere ou robe vielle, sarge); 4. 1345 Tournai sarpilliere « morceau de toile grossière servant de tablier » (doc. Arch. Tournai ds Gdf. Compl.); 5. 1896 Saône-et-Loire charpillere « toile employée pour laver les carrelages » (F. Fertiault, Dict. du lang. pop. verduno-chalonnais d'apr. FEW t. 11, p. 657b); 1909 Oise serpillère (F. Gellée, Ét. sur le pat. de Formerie, ibid.). Orig. incertaine. L'étymon lat. vulg. *sirpicularia, dér. de l'adj. sirpiculus « de jonc » [de s(c)irpus « jonc »] (FEW t. 11, pp. 657a-658b; REW37953), peut expliquer le sens « toile grossière », rice sarpillere restant un empl. second. isolé. Le changement très précoce de -er- prétonique + cons. en -ar- + cons. serait à rapprocher du cas de marché*, parpaing*, v. aussi Vään., § 52. On constate le même flottement de la voy. prétonique en a. prov. (1remoit. xiiies. sarpeillieira Peire de La Mula, Ja de razon, 13 ds G. Bertoni, I Trovatori d'Italia, 1915, p. 249; 1297 serpelhieyra Gl. prov., § 48, éd. A. Thomas ds Romania t. 34 1905, p. 193) et en a. cat. (1284 serpelere; 1307 sarpileres ds Alc.-Moll., s.v. Xarpellera; l'esp. sarpillera 1497, harpillera 1505 est empr. au cat., Cor.). Il existe d'autre part une indéniable relation entre certains représentants de sirpiculus et la famille de charpie*, cf. notamment le m. fr. serpilleux « comme en filasse », formé à partir de serpillière (FEW t. 11, p. 658a) et le dial. charpilloû « id. » se rattachant au dial. charpille, charpiller « réduire en charpie » (FEW t. 2, p. 403a); de même entre le type a. fr. deserpillier, desarpillier « dépouiller », dial. « mettre en pièces » (FEW t. 11, p. 658a) et le dial. décharpiller « mettre en charpie », se décharpillai « se dépouiller d'un vêtement » (FEW t. 2, p. 403b). Fréq. abs. littér.: 17. Bbg. Sain. Arg. 1972 [1907], p. 180. |