| SENSIBLE, adj. I. − Qui est doué de sensibilité. A. − [En parlant d'un être vivant, de son organisme ou d'un de ses organes] 1. Qui peut éprouver des sensations, capable de percevoir des impressions. Êtres sensibles; nerfs, neurones, terminaisons sensibles. Commençons par des remarques qui s'appliquent, non à des organes de sensations spéciales, ou aux sens proprement dits, mais au système général de la sensibilité. L'animal reçoit par toutes les parties de son enveloppe sensible les impressions du chaud et du froid (Cournot,Fond. connaiss., 1851, p. 136): 1. J'admets donc que tous les éléments organiques sont inconscients, mais sensibles à des degrés divers aux agents extérieurs. Chaque élément est sensible à sa manière, comme l'être tout entier l'est par le système nerveux. Mais le système nerveux n'est qu'un appareil le perfectionnant. Les êtres vivants sont tous sensibles, même les végétaux.
Cl. Bernard, Princ. méd. exp., 1878, p. 155. ♦ [Constr. avec un compl. prép. introd. par à désignant l'objet qui produit la sensation ou la perception] Sensible à la chaleur, au froid, à la douleur, à la lumière. Les nerfs sont moins sensibles à la différence de pression elle-même qu'aux variations brusques de cette différence (H. Poincaré,Valeur sc., 1905, p. 135).V. supra ex. 1. − PHILOS. Qui appartient à la sensibilité. Excitation sensible. L'intuition sensible est en mathématiques l'instrument le plus ordinaire de l'invention (H. Poincaré,Valeur sc., 1905, p. 34).La différence d'orientation des figures symétriques par rapport à un plan dans l'espace ordinaire est apparue à Kant comme une intuition sensible, irréductible à toute détermination conceptuelle, et cette intervention nécessaire de la sensibilité dans la connaissance de la gauche et de la droite est à l'origine de la distinction kantienne entre la sensibilité et l'entendement (Gds cour. pensée math., 1948, p. 54). 2. En partic. a) Qui peut éprouver certaines sensations à un haut degré, qui a une faculté de percevoir certaines impressions très développée. Odorat, ouïe sensible. C'est la note qui marque le ton, comme c'est la voyelle qui marque la voix. Mais ces différences de ton, qui sont assez grandes dans la musique pour être appréciées par toute oreille sensible et exercée, sont souvent à peine assignables dans le discours, et toujours impossibles à marquer avec exactitude (Destutt de Tr.,Idéol. 2, 1803, p. 327): 2. Pendant plus de vingt minutes, tout le temps que tu insistais pour l'avoir, ce baiser que j'étais bien décidée à te donner, tout le temps que je me faisais prier − parce qu'il fallait te le donner selon les formes − je suis arrivée à m'anesthésier. Complètement. Dieu sait pourtant que j'ai la peau sensible: je n'ai rien senti, jusqu'à ce que nous nous soyons relevés.
Sartre,Nausée, 1938, p. 189. − [Constr. avec un compl. prép. introd. par à désignant l'objet qui produit la sensation ou la perception] Être sensible au bruit. On sait qu'ignorer une langue rend l'oreille plus sensible à son harmonie (Baudel.,Paradis artif., 1860, p. 413).L'expérience concrète découvre à l'intérieur de l'oreille, et presque sans rapport avec l'oreille musicale, un œil sonore, sensible aux formes et aux couleurs des sons, et aussi, puisqu'il y a deux oreilles comme deux yeux, au relief de ces sons (Schaeffer,Rech. mus. concr., 1952, p. 194). b) Qui a une grande sensibilité, qui réagit aux moindres contacts. Blessure demeurée sensible, endroit, point sensible. Le maladroit enfant (...) venait, sans le savoir, sans le vouloir, sans y prétendre le moins du monde, d'enfoncer le doigt à l'endroit le plus sensible de sa plaie (Gobineau,Pléiades, 1874, p. 113).À l'examen clinique le foie est sensible, un peu gros (Quillet Méd.1965, p. 148). c) Vulnérable, prédisposé à subir certaines atteintes physiques. Synon fragile.Gorge, estomac, peau sensible; reins sensibles. Toutes ces parties [stigmate, style, ovaire] sont très sensibles dans la plupart des fleurs (Bern. de St-P.,Harm. nat., 1814, p. 323).Il était fier de ses pieds sensibles, qui le forçaient à porter, été comme hiver, deux chaussettes de laine superposées (Montherl.,Célibataires, 1934, p. 741). − [Constr. avec un compl. prép. introd. par de désignant l'organe ou l'organisme vulnérable] Sensible de la gorge, des bronches, des poumons. (Dict. xixeet xxes.). − [Constr. avec un compl. prép. introd. par à désignant l'agent de la réaction] Sensible au brouillard, à la chaleur, à l'infection. Les Amérindiens en revanche résistent fort bien à cette maladie [la pneumonie], alors qu'ils sont très sensibles au paludisme des basses régions chaudes (Tiers Monde, 1956, p. 107).Certaines espèces fruitières sont sensibles à la chlorose (Boulay,Arboric. et prod. fruit., 1961, p. 97). 3. Au fig. [En parlant d'une pers., d'un organisme, d'un système, d'un dispositif] Synon. faible, fragile, névralgique, vulnérable.Côté, partie, point sensible. Les réfugiés, encore une fois, ont pesé sur le point sensible, qui est la Bourse (Gobineau,Corresp.[avec Tocqueville], 1850, p. 117).Ne vous inquiétez pas de Lévy, et n'en parlons plus. Il n'est pas digne d'occuper notre pensée une minute. Il m'a profondément blessé dans un endroit sensible, le souvenir de mon pauvre Bouilhet. Cela est irréparable (Flaub.,Corresp., 1872, p. 458). B. − [En parlant d'une pers. et p. méton. du déterminé] 1. Qui est capable de ressentir profondément des émotions et des sentiments; qui est doué d'une vie affective intense. Synon. émotif.Âme sensible. J'ai, quant à moi, si peu de goût pour le monde vivant, que, pareil à ces femmes sensibles et désœuvrées qui envoient, dit-on, par la poste leurs confidences à des amis imaginaires, volontiers je n'écrirais que pour les morts (Baudel.,Paradis artif., 1860, p. 346).Il y avait de la fierté dans sa voix, quand il déclarait: « C'est cuit. Bouffez! » Et les hommes, qui savaient qu'un cuistot est sensible, n'étaient pas chiches de compliments. La bouche pleine, ils s'arrêtaient de mâcher pour dire: « Ch'est bath... » (Benjamin,Gaspard, 1915, p. 35). 2. En partic. a) Capable d'éprouver des sentiments de compassion, de pitié, d'affection. La plupart des hommes sont maintenant trop sensibles pour s'intéresser à des malheurs réels; on pleure au spectacle, à la lecture d'un roman: on s'évanouirait à la vue des maux dont la supposition fait verser tant de larmes (Jouy,Hermite, t. 4, 1813, p. 298).Ne m'envoyez pas votre neveu. J'ai le cœur sensible... Tenez, un exemple: quand je vois un pauvre sur le trottoir, je traverse, parce que je sais bien que, si je rencontrais son regard, ce serait plus fort que moi, je lui donnerais. Que va-t-il se passer? Votre neveu va me faire pitié, et je vais me décarcasser pour lui (Montherl.,Célibataires, 1934, p. 814). − Empl. subst. Personne capable d'éprouver des sentiments de compassion, de pitié. On ne s'afflige pas plus d'être devenu un autre, les années ayant passé (...), qu'on ne s'afflige, à une même époque, d'être tour à tour les êtres contradictoires, le méchant, le sensible, le délicat, le mufle, le désintéressé, l'ambitieux qu'on est tour à tour chaque journée (Proust,Fugit., 1922, p. 642).Le malheur est le meilleur moyen que Dieu ait trouvé pour reprendre la générosité aux âmes bonnes, l'éclat aux belles, la pitié aux sensibles (Giraudoux,Sodome, 1943, ii, 7, p. 139). b) Vx. Qui est capable d'éprouver un sentiment amoureux. Elle avait été sensible autrefois, et même, dans une peine de cœur, avait écrit à Béranger pour en obtenir un conseil. Mais elle s'était aigrie sous les bourrasques de l'existence (Flaub.,Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 248). 3. [Constr. avec un compl. prép. introd. par à désignant ce qui provoque la sensibilité] Qui se laisse toucher par, qui réagit, est impressionné par. Sensible à la flatterie, à la louange, à certains procédés; sensible à la beauté, au charme; sensible à l'éloquence de qqn; sensible à la misère, aux malheurs de qqn. Elle ne s'avouait pas combien elle était bouleversée par sa présence, combien elle était sensible encore au charme câlin de son regard, de son sourire, de ses gestes: il était l'homme de sa vie (Martin du G.,Thib., Cah. gr., 1922, p. 656).Nous laissions l'U.R.S.S. et le Parti faire tout le boulot, nous étions même plutôt trotskistes, nous parlions de la « Révolution permanente », nous étions des « intellectuels en chômage », plus sensibles au pathétique de l'insurrection qu'à la Révolution (Vailland,Drôle de jeu, 1945, p. 14). C. − [En parlant d'une chose] 1. Qui est susceptible de réaction. Papier, pellicule, plaque, surface sensible; réactif sensible. Le photographe fixe une image fugitive sur la plaque sensible, par un lavage approprié (Bernanos,Joie, 1929, p. 642).L'obtention de couches sensibles de plus en plus rapides permit bientôt la réalisation d'instantanés (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 169). ♦ Corde sensible. V. corde III B 1. − [Constr. avec un compl. prép. introd. par à indiquant l'agent de la réaction] Préparation sensible au froid. Presque tous les colloïdes d'origine animale ou végétale mélangés à un bichromate alcalin ou organique deviennent, après séchage, sensibles à l'action de la lumière (Civilis. écr., 1939, p. 10-2).Inquiétude de l'eau: sensible au moindre changement de la déclivité (Ponge,Parti pris, 1942, p. 42). ♦ En partic. [En parlant d'un mécanisme, d'un appareil] Dont le fonctionnement peut être troublé par. Dispositifs de guidage électroniques (...) assurant une grande précision, mais très sensibles au brouillage (Billotte,Consid. strat., 1957, p. 40-16). 2. [En parlant d'un instrument de mesure ou d'un appareil servant à enregistrer ou capter des signaux] Capable de mesurer, d'enregistrer ou de capter des phénomènes infimes. Balance, thermomètre sensible; micro sensible. Le résonateur de Righi fonctionne à la manière des résonateurs rectilignes de Hertz (...). Cet appareil très sensible se prête facilement aux mesures (H. Poincaré,Théorie Maxwell, 1899, p. 64).La cellule photoélectrique, sensible au flux total qu'elle reçoit, se prête sans difficulté à la comparaison des galaxies aux étoiles (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 549). 3. MUS. Note sensible, ou, p. ell. du déterminé, la sensible. Septième degré de la gamme diatonique. Si l'on retranche le son fondamental dans l'accord de neuvième de dominante, les quatre sons qui restent forment un accord auquel on a donné le nom de septième de sensible parce que la note sensible en devient le son le plus grave par la suppression de la véritable fondamentale (Savard,Harm., t. 1, 1853, p. 159).Prenez l'habitude, en principe, de faire monter la sensible à la tonique, dans les leçons élémentaires du début [de l'harmonie] (Koechlin,Harm., t. 1, 1927, p. 12). II. − Qui peut être perçu par la sensibilité. A. − PHILOSOPHE 1. Qui peut être perçu par les sens. Monde sensible; réalité sensible; objets sensibles; apparences, phénomènes sensibles. Le témoignage de la vue ou de l'ouïe, sur les qualités sensibles qui sont de leur ressort, trompe rarement (Ozanam,Philos. Dante, 1838, p. 104).Il faut choisir: ou bien réduire le langage à la seule fonction transitive d'un système de signaux: ou bien souffrir que certains spéculent sur ses propriétés sensibles, en développent les effets actuels, les combinaisons formelles et musicales, − jusqu'à étonner parfois, ou exercer quelque temps les esprits (Valéry,Variété III, 1936, p. 18). − En partic. [P. oppos. à intelligible] Intensité, durée, détermination volontaire, voilà les trois idées qu'il s'agissait d'épurer, en les débarrassant de tout ce qu'elles doivent à l'intrusion du monde sensible (Bergson,Essai donn. imm., 1889, p. 172).Le doute cartésien est une méthode de découverte de l'esprit. (...) une méthode pour nous élever de la nature matérielle à la nature spirituelle ou, suivant la terminologie platonicienne, du monde sensible au monde intelligible (Lacroix,Marxisme, existent., personn., 1949, p. 86). ♦ [Constr. avec un compl. prép. introd. par à désignant l'agent de la perception] Qui peut être perçu par. Sensible au toucher, à la vue. La parole et l'écriture, ou plutôt la pensée exprimée par des signes sensibles à l'oreille ou aux yeux, est le moyen unique de communication entre les intelligences (Bonald,Législ. primit., t. 1, 1802, p. 167).La grande invention de rendre les lois sensibles à l'œil et comme lisibles à vue s'est incorporée à la connaissance, et double en quelque sorte le monde de l'expérience d'un monde visible de courbes, de surfaces, de diagrammes, qui transposent les propriétés en figures (Valéry,Variété III, 1936, p. 181). − Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Ce qui peut être perçu par les sens. Il n'y aurait pas le présent, c'est-à-dire le sensible avec son épaisseur et sa richesse inépuisable, si la perception, pour parler comme Hegel, ne gardait un passé dans sa profondeur présente et ne le contractait en elle (Merleau-Ponty,Phénoménol. perception, 1945, p. 277). − [Chez Aristote et dans la philos. scolast.] ♦ Sensible commun. Qualité qui peut être perçue par plusieurs sens (d'apr. Lal. 1968). ♦ Sensible propre. Qualité qui ne peut être perçue que par un seul sens (d'apr. Lal. 1968). − [P. oppos. à intelligible] Descartes se trouve en présence des augustiniens dans la même situation que saint Augustin vis-à-vis des platoniciens (...). Il leur dit: « Vous avez bien compris l'essence de la philosophie qui est de s'élever du sensible à l'intelligible, du corporel au spirituel. Seulement vous n'avez pas trouvé un moyen suffisamment intellectuel, qui est le doute » (Lacroix,Marxisme, existent., personn., 1949, p. 87). 2. Qui relève, vient des sens; qui provient de la sensibilité. Données sensibles; évidence sensible. Par le concours des sens qui observent et de la raison qui interprète, on peut franchir sans présomption les limites de l'observation sensible, et arriver, sans cercle vicieux, au terme fixe de comparaison (...) dont on a besoin pour asseoir l'édifice de la théorie (Cournot,Fond. connaiss., 1851, p. 143).En substituant progressivement aux expériences sensibles particulières des abstractions généralisées, on a permis le développement de l'intelligence humaine et son dépassement du stade animal (Huyghe,Dialog. avec visible, 1955, p. 58). − [Chez Condillac] Idée sensible. Idée procédant immédiatement des sens. Si aucune de nos idées sensibles ne ressemble et ne peut ressembler à un objet matériel, étendu, figuré, sonore, etc., à plus forte raison nulle idée quelle qu'elle soit ne peut ressembler à un être spirituel (Cousin,Philos. écoss., 1857, p. 279).Des idées sensibles, nous tirons toutes nos idées générales (Cousin,Hist. gén. philos., 1861, p. 173). B. − En partic. 1. Qui peut être facilement perçu par les sens. Refroidissement sensible; sensible différence de poids. Au centre [de la cour de Trinity College] une fontaine rendait sensible par le mouvement de son jet d'eau l'immobilité du décor (Maurois,Byron, t. 1, 1930, p. 108): 3. ... tout, sujet, ligne, couleur, mouvement, lumière, combine ses instances pour aboutir à un résultat unique qui se résout en nous par un choc sensible. Et cette harmonie profonde et funèbre, cette fanfare lugubre que Baudelaire entendait comme « un soupir étouffé de Weber », est à la fois beauté poignante de la nature, beauté grave des lignes et des tonalités, beauté finalement d'un état d'âme que tout concourt à recréer en nous, écho de l'âme même de Delacroix.
Huyghe,Dialog. avec visible, 1955, p. 232. 2. Qui se fait sentir douloureusement, de façon pénible. Douleur sensible. Le mot palpitation du cœur, dans le langage médical usuel, peut être défini un battement du cœur sensible et incommode pour le malade (Laennec,Auscult., t. 2, 1819, p. 227).Le premier regard de miss Simons me causa un ébranlement sensible dans la région du cœur. J'éprouvai une commotion tout à fait inusitée, et qui pourtant n'avait rien de douloureux, et il me sembla que quelque chose s'était brisé dans la boîte osseuse de ma poitrine (About,Roi mont., 1857, p. 53). 3. Dans le domaine affectif ou sentimental.Qui se fait fortement ressentir, qui fait une impression pénible. Savoir que tu es souffrante est une peine sensible pour mon cœur (Napoléon Ier, Lettres Joséph., 1803, p. 81).Je crois que la mort de ton beau-frère a été pour toi une perte peu sensible; aussi, mon cher vieux, n'est-ce pas une lettre de condoléance que je t'écris (Flaub.,Corresp., 1864, p. 14). C. − P. ext. 1. Qui peut être perçu par une intuition immédiate, qui peut être facilement connu par l'esprit. Synon. évident.Rendre qqc. sensible; distinction, preuve sensible. Tout le monde fantastique de mes contes devenait sensible, évident, et je m'y perdais avec délices (Sand,Hist. vie, t. 2, 1855, p. 274).De vieilles idées qui, jusque-là, pour moi, n'avaient été que purs concepts philosophiques, me devenaient sensibles et présentes comme la lumière, le pain, l'eau et l'air respirable (Duhamel,Suzanne, 1941, p. 179). − [Constr. avec un compl. prép. introd. par à désignant l'agent de la perception] Intuitivement saisi, perçu par. Harmonie sensible à l'intelligence. La vérité qu'il recherche ne peut être saisie que par une adhésion immédiate à une intuition telle, qu'elle rende présente, et comme sensible à l'esprit, la dépendance réciproque des parties et des propriétés du système qu'il considère (Valéry,Variété[I], 1924, p. 127).Proust écrit de l'amour qu'il est « le temps rendu sensible au cœur » et l'amour qu'il vit, cependant, n'est qu'un supplice, un leurre où ce qu'il aime se dérobe sans fin à son étreinte (G. Bataille,Exp. int., 1943, p. 211). 2. Qui est assez grand, intense, important, manifeste pour être perçu, senti; p. ext., remarquable, appréciable. Baisse sensible de la température, des prix; progrès sensibles. Après des années d'efforts, d'insuccès, de recommencements, de grèves légitimes et de violences injustes, les bûcherons avaient obtenu une augmentation sensible des salaires. La journée était bien payée (R. Bazin,Blé, 1907, p. 91).La minute qui suivit parut longue. Elle ne s'était pas écoulée, cependant, que déjà l'amélioration était sensible. Peu à peu, à petits coups, la respiration reprit. Bientôt, il fut manifeste que la face se décongestionnait (Martin du G.,Thib., Mort père, 1929, p. 1290). REM. 1. Sensiblard, -arde, adj. et subst.,fam., péj. Qui est d'une sensibilité excessive, geignarde; qui fait preuve de sensiblerie. Je ne suis pas un sensiblard, dit-il (Vialar,Les Invités de la chasse, 1969, p. 115 ds Rob. 1985). 2. Sensibilisme, subst. masc.Doctrine, système philosophique faisant prévaloir la sensibilité. Les défenseurs du sensibilisme (ce mot, ou tout autre qu'on trouvera meilleur, est devenu nécessaire) (J. de Maistre,Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p. 156). Prononc. et Orth.: [sɑ
̃sibl̥]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Adj. A. 1. ca 1265 « qui a la faculté de recevoir les impressions physiques » ame sensible (Brunet Latin, Tresor, éd. F. J. Carmody, II, 30, p. 200); 1314 en parlant d'un nerf (Henri de Mondeville, Chirurgie, éd. Ch. Bos, 275, p. 81); 2. 1559 « facilement accessible à certaines idées » (Amyot, Caton, 18 ds Littré); 3. ca 1590 « qui réagit vivement aux impressions physiques » (Montaigne, Essais, I, 26, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, 153); 4. 1643 « qui est aisément touché, ému » (Corneille, Pomp., IV, 1); 5. a) 1751 mus. accord sensible (Encyclop. t. 1, s.v. accord, p. 78b); 1752 note sensible (D'Alembert, Élémens de mus., art. 77); b) 1751 phys. « qui indique les plus légères différences » (Encyclop. t. 2, p. 77b, s.v. baromètre: on a essayé plusieurs fois s'il étoit possible de rendre les variations du baromètre plus sensibles). B. 1. Ca 1320 « qui fait impression sur les sens » (Quatre filles de Dieu, cinquième version, 10, éd. A. Långfors, Notices et Extraits des mss, t. 42, p. 274); 2. 1559 « qui peut être perçu immédiatement par l'esprit » (Amyot, Lucull., 16 ds Littré); 1670 sensible à « intuitivement senti par » (Pascal, Pensées, éd. L. Lafuma, p. 552, § 424); 3. 1580 « qui se fait douloureusement sentir » (Montaigne, op. cit., II, 12, p. 481). II. Subst. 1. 1680 « ce qui est susceptible d'être ému » (Rich. t. 2); 2. 1695 philos. sensibles communs, sensibles propres (Bossuet, Instruction sur les états d'oraison, X, 17 ds Littré). Empr. au lat. impérialsensibilis, au sens passif « ce qui peut être ressenti », puis sens actif « doué de sensibilité », dér. de sensum, supin de sentire (v. sentir). Fréq. abs. littér.: 6 352. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 10 863, b) 5 795; xxes.: a) 5 767, b) 11 171. Bbg. Europäische Schlüsselwörter. II. 1. München, 1964, pp. 143-151. − Gohin 1903, p. 300. − Grundt (L.-O.). Ét. sur l'adj. invarié en fr. Bergen-Oslo-Tromsø, 1972, p. 239. − Quem. DDL t. 5 (s.v. sensibilisme). − Sckomm. 1933, pp. 46-47. |