| SCHÉMATISME, subst. masc. A. − [Corresp. à schéma, schématique] 1. [À propos d'une pers. ou de son action] Tendance à représenter quelque chose en ne retenant que ce qui est fondamental dans ce dont on rend compte et, en particulier, sa structure. ♦ Dans le domaine de la représentation graph. ou plastique.Matisse, se libérant du préjugé de l'anatomie et affranchi enfin de toute sujétion à la réalité, répudie à la fois réalisme et schématisme dans le contour ou la construction, pour imaginer lignes et volumes (Dorival,Peintres XXes., 1957, p. 60): De ces limbes [du Fayoum] viennent quelques-uns des moyens d'expression auxquels nous sommes aujourd'hui le plus sensibles. D'abord, le schématisme: le fignolage était exclu, parce qu'il est toujours lié, soit à un réalisme (...) soit à une idéalisation victorieuse, inconciliable avec l'angoisse.
Malraux,Voix sil., 1951, p. 194. P. méton., rare. Quand nous entendons une suite de sons d'acuité croissante ou décroissante, notre esprit s'en représente le schématisme visuel, le graphique (Combarieu,Rapp. mus. et poés., 1894, p. 63).♦ Dans le domaine de la pensée ou de son expression.Il faut ici distinguer plusieurs cas: c'est faute de l'avoir fait que la théorie de l'histoire s'est trop souvent contentée d'un schématisme simpliste et inadéquat (Marrou,Connaiss. hist., 1954, p. 149).Ces formules ne vont pas sans un certain degré de schématisme et de grossissement (Traité sociol., 1967, p. 492).P. méton. Manifestation de cette tendance. Quelle est la disposition d'idées qui ne se présente sous le visage vivant d'un homme porteur de son drame, et qui, à travers son regard, ne nous demande de n'en point ramener les voies émouvantes aux schématismes de l'abstraction? (Mounier,Traité caract., 1946, p. 671). − PSYCHOLOGIE ♦ ,,Comportement dans lequel l'expression orale, gestuelle et graphique se dépouille de toute coloration affective pour se réduire à un rôle de transmission pure et simple d'informations « neutres »`` (Thinès-Lemp. 1975). Le paranoïaque dresse ses forteresses logiques contre son angoisse psycho-sociale; le schizoïde, son schématisme contre l'appel de la vie souple et adaptée (Mounier,Traité caract., 1946, p. 668). ♦ ,,Stade de développement graphique de l'enfant, au cours duquel il réduit la représentation figurée des objets à quelques détails sommaires`` (Piéron 1973). L'enfant entre alors dans « la grande période du schématisme », et cela jusque vers huit ans, et ce schématisme, pour la moitié des enfants, « se complique du symbolisme » (Huyghe,Dialog. avec visible, 1955, p. 117). 2. Caractère de ce qui est réduit aux éléments fondamentaux ou à quelques éléments. Au moment de conclure cette première série de leçons, je sens plus vivement que jamais combien elles restent inadéquates à la grandeur du sujet et, pour tout dire, schématiques. Pourtant, ce schématisme lui-même, que je veux être le premier à accuser, je crois pouvoir y faire appel pour m'excuser (Gilson,Espr. philos. médiév., 1931, p. 213).Raymond Aron, dont j'ai toujours admiré la sereine lucidité, a rejoint certains communistes dans le schématisme de l'accusation et dans la simplification déroutante de l'analyse (Le Nouvel Observateur, 26 juin 1968, p. 13, col. 2). B. − PHILOS. [Corresp. à schème B 1 a; chez Kant ou p. réf.] ,,Fonction intellectuelle par laquelle les concepts purs de l'entendement, inapplicables par eux-mêmes et directement à des objets d'expérience, sont remplacés dans cet usage par des schèmes qui permettent cette application`` (Lal. 1968). Si le schématisme transcendantal permettait à notre connaissance de relier le concept à l'intuition, la nature supra-sensible du bien moral nous prive justement de ce détour (J. Vuillemin,Essai signif. mort, 1949, p. 234). Prononc. et Orth.: [ʃematism̭]. V. schéma. Étymol. et Hist. A. 1. 1635 « planche de figures mathématiques » (Le Père Tacquet ds Encyclop. t. 14 1765); 2. 1812 « manière figurée de s'exprimer » (Boiste); 3. 1893 « caractère de ce qui est trop simplifié » (Blondel, Action, p. 56). B. 1800 « chez Kant, emploi du schème » (Boiste). A empr. au lat. schematismus « expression figurée », gr. σ
χ
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μ
α
τ
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σ
μ
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ς « action de façonner, de composer », « figure de style ». B trad. de l'all. de Kant Schematismus der reinen Verstandesbegriffe « schématisme des concepts purs de l'entendement », lui-même du lat. schematismus. Fréq. abs. littér.: 16. |