| SCEPTIQUE, adj. et subst. A. − PHILOSOPHIE 1. a) Empl. subst.
α) [Corresp. à scepticisme A 1 a] Philosophe qui professe le scepticisme. Synon. pyrrhonien.Les sceptiques anciens, grecs, de l'antiquité; c'est un sceptique. Les sceptiques ne niaient ni n'affirmaient rien (Ac.).Il y a un vrai du sceptique, qui est que rien n'est vrai; et il s'y tient dogmatiquement (Alain, Propos, 1932, p. 1080).
β) P. ext. [Corresp. à scepticisme A 1 b] Philosophe qui nie la possibilité de la connaissance de l'absolu, qui refuse d'admettre une chose sans examen critique. Anton. dogmatique.Il n'y avait pas de plus grand sceptique que Pascal. Nulle part, il ne dit je sais. Il ne connaît pas la cause première (Barrès, Cahiers, t. 2, 1900, p. 196): 1. Aussi nous défions-nous justement de nous-mêmes, et ne regardons-nous comme des vérités acquises que celles qui ont été contrôlées (...). À toutes les époques de la philosophie, les sceptiques se sont prévalus de cette règle du bon sens pour nier la possibilité de discerner le vrai du faux...
Cournot, Fond. connaiss., 1851, p. 107. b) Empl. adj. Qui est relatif au scepticisme (v. ce mot A et B); qui concerne, soutient cette doctrine. Philosophes sceptiques; maximes, thèses sceptiques. En pénétrant de plus en plus dans la connaissance du monde extérieur (...) on serait (...) amené à tomber dans tous les excès des écoles sceptiques, et à supposer que toutes les notions que nous croyons avoir d'un monde extérieur pourraient bien n'être qu'une création fantastique de notre esprit (Cournot, Fond. connaiss., 1851, p. 603).C'est beaucoup, en ce XIXesiècle, d'avoir inauguré (...) la rhétorique sceptique du pour et du contre; d'avoir apporté le ricanement joliment satanique d'un doute universel (Goncourt, Journal, 1891, p. 854). ♦ Doute sceptique. V. doute B 2.La formule de la réflexion radicale n'est pas: « je ne sais rien » (...) mais « que sais-je »? Descartes ne l'a pas oublié. On lui fait souvent honneur d'avoir dépassé le doute sceptique, qui n'est qu'un état, en faisant du doute une méthode, un acte (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception, 1945, p. 457). 2. [Corresp. à scepticisme A 2] (Personne, philosophe) qui soutient qu'on ne peut atteindre la vérité dans un domaine ou sur un sujet déterminé. Locke n'est pas sceptique sur l'existence des corps; (...) il se rattache à la grande famille péripatéticienne et sensualiste, dans laquelle la théorie des espèces, et des espèces sensibles, avait l'autorité d'un dogme et la fonction de donner et d'expliquer le monde extérieur (Cousin, Hist. philos. XVIIIes., 2, 1829, p. 346). − En partic. (Personne, philosophe) qui met en doute les dogmes religieux. Synon. incrédule, irreligieux; anton. croyant, religieux.Moi, le sceptique, l'incrédule, sur lequel l'éloquence de la chaire ne pourrait pas mordre, je sens que je serais peut-être convertissable par du plain-chant ou de la musique qui en descend (Goncourt, Journal, 1895, p. 828): 2. Si mon imagination était naturellement religieuse, mon esprit était sceptique; examinateur impartial des motifs de la foi et des motifs de l'infidélité. (...) trouvant les raisons de croire supérieures aux raisons de ne pas croire: ma philosophie n'était pas plus sotte et plus suffisante que cela.
Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 614. B. − Courant 1. [Corresp. à scepticisme B 1] (Personne) qui a un caractère porté au scepticisme. Sceptique et blasé. Chez les sceptiques survient à tout instant un doute amer à l'endroit des sentiments qu'on leur témoigne (Goncourt, Journal, 1888, p. 794).Christophe s'évertuait à démêler dans quelle mesure Roussin croyait à son socialisme. L'évidence était qu'il n'y croyait pas, au fond: il était trop sceptique (Rolland, J.-Chr., Foire, 1908, p. 762).V. pyrrhonien B 2 ex. de Sainte-Beuve. − En partic. (Personne) dont le scepticisme atteint l'indifférence ou le pessimisme. Le ton de sa conversation était d'un sceptique et d'un désabusé (G. Leroux, Myst. ch. jaune, 1907, p. 23).Nous autres Juifs (...) nous sommes sceptiques et enthousiastes, nous ne croyons à rien et nous attendons toujours quelque chose, un dollar, une femme, la hausse des pétroles, le retour à Jérusalem, la révolution universelle, enfin ce que nous appelons le Messie (Tharaud, An prochain, 1924, p. 286). 2. Adj. [Corresp. à scepticisme B 2; en parlant d'une pers.] Qui fait preuve de scepticisme, d'incrédulité ou de manque de confiance a) à l'égard de la vérité d'un fait. Synon. défiant, incrédule, méfiant; anton. crédule.Fait, miracle qui laisse sceptique. Moitié croyant, moitié sceptique, le docteur prit les dossiers et commença à les feuilleter. Un examen rapide suffit pour lui démontrer que l'histoire était parfaitement vraie et dissipa tous ses doutes (Verne, 500 millions, 1879, p. 13).Certain praticien lequel s'était montré sceptique devant la réalité de son mal (Proust, Fugit., 1922, p. 545). − P. méton. [En parlant d'un aspect du comportement hum.] Qui traduit cette incrédulité. Geste, ton sceptique. − Je crains (...) que Juliette n'ait quelqu'un d'autre en tête, dis-je (...). − Hum? fit ma tante interrogativement, avec une moue sceptique et portant sa tête de côté. Tu m'étonnes! Pourquoi ne m'en aurait-elle rien dit? (Gide,Porte étr.,1909,p. 531).− (...) tu verras... Et Demachy, qui sait bien qu'il ne verra rien, sourit d'un air sceptique, en jouant avec le fond de son verre (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 111). b) à l'égard de la réussite d'un projet, de la possibilité d'un résultat. Synon. défiant, incrédule, méfiant; anton. crédule, confiant, convaincu, enthousiaste.Être, se déclarer très sceptique sur qqc. [Le médecin et l'interne] semblent sceptiques au sujet d'une guérison de ma pauvre jambe (Verlaine, Corresp., t. 2, 1887, p. 98).Mon père, tout ça le laissait sceptique, il croyait plus à mon avenir (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 183). REM. Sceptiquement, adv.,rare. D'une manière sceptique. Agir, sourire sceptiquement. Les grandes voix de nos poètes sceptiquement religieux ou religieusement sceptiques, Goethe, Chateaubriand, Byron, Mickiewicz (Sand, Lélia, 1839, p. 351). Prononc. et Orth.: [sεptik]. Homon. septique. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1546 subst. masc. plur. « partisans de la doctrine de Pyrrhon » (Focart, Advertiss. sur l'astrol., p. 7 ds Gdf. Compl.); 1611 adj. « relatif à la doctrine des pyrrhoniens » (Cotgr.); 2. 1746 subst. masc. « qui doute ou affecte de douter de ce qui n'est pas prouvé de manière incontestable » (Diderot, Pensées philosophiques, XXX ds
Œuvres philos., éd. P. Vernière, p. 27); 1769 adj. (Id., Entretien entre d'Alembert et Diderot, ibid., p. 281); 3. 1879 adj. « qui se montre incrédule ou méfiant à l'égard d'un fait particulier, d'un résultat » (Verne, loc. cit.). Empr. au gr.
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ς « qui observe, qui réfléchit »; « les philosophes sceptiques, c'est-à-dire ceux qui font profession d'observer, de ne rien affirmer, en parlant des pyrrhoniens ». Fréq. abs. littér.: 760. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 523, b) 1 286; xxes.: a) 1 597, b) 1 135. |