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SATAN, subst. masc.
[Gén. avec une majuscule]
I.
A. − [P. réf. à Zach. (3, 1-5) et au Livre de Job (1, 6-12; 2, 1-10) où Satan désigne la fonction d'accusateur de l'homme, assurée par l'un des anges] Des myriades de fils de Dieu (...) entourent l'Éternel (...). Un d'eux (...) est un dénigreur, qui amuse parfois l'Éternel par ses saillies; c'est le Satan, le critique de la création (Renan,Hist. peuple Isr., t. 4, 1892, p. 164).
B. − [P. réf. au prince des démons, à l'esprit du Mal nommé Satan]
1. [P. réf. à cet être surnaturel]
a) Démon, diable. Je repousse de toute ma raison cet épouvantail insensé de peines éternelles, d'enfers pleins de flammes, de diables encornés et de Satans maudits à toujours (Du Camp,Mém. suic., 1853, p. 236).Deux superbes Satans et une Diablesse, non moins extraordinaire, ont, la nuit dernière, monté l'escalier mystérieux par où l'Enfer donne assaut à la faiblesse de l'homme qui dort (Baudel.,Poèmes prose, 1867, p. 99).
[À propos d'une pers.] Incarnation du diable. Est-ce qu'on ne pouvait pas laisser le parlement tranquille? Qu'est-ce que cela fait qu'une pauvre fille s'abrite sous les arcs-boutants de Notre-Dame à côté des nids d'hirondelle? − Il y a des satans dans le monde, répondit l'archidiacre (Hugo,N.-D. Paris, 1832, p. 446).Si j'échoue, ce sera vous, femme, qui m'aurez ôté de ma force par votre seul désir. Retirez-vous, allez-vous-en, vous êtes Satan! Je vous battrai pour faire sortir le mauvais ange de votre corps (Zola,Conquête Plassans, 1874, p. 1176).
P. métaph. Touvereyn passa tranquille devant l'équipe de satans [des ouvriers verriers s'activant devant le four] en sueur dont les rires l'encourageaient (Hamp,Champagne, 1909, p. 103).
b) Représentation de Satan dans les arts plastiques, la littérature. Le Satan de Milton, de Dante. Quelques seigneurs, ainsi qu'ils en ont l'habitude, Regardant derrière eux d'un regard inquiet, Virent que le Satan de pierre souriait (Hugo,Légende, t. 2, 1859, p. 503).Le meurtre (...) va devenir aimable. Il suffit de comparer le Lucifer des imagiers du moyen âge au Satan romantique. Un adolescent « jeune, triste et charmant » (Vigny) remplace la bête cornue. « Beau d'une beauté qui ignore la terre » (Lermontov), solitaire et puissant, douloureux et méprisant, il opprime avec négligence (Camus,Homme rév., 1951, p. 69).
c) [Pour évoquer l'Enfer, ou les manifestations du diable, des démons] Demain sans doute un percutant M'enverra faire la causette Aux petits soupers de Satan (Maurois,Sil. Bramble, 1918, p. 41).Et, comme aussi bien, chez Satan, Je ne suis pas pressé de cuire, Je te réponds: Attends, attends (Ponchon,Muse cabaret, 1920, p. 302).
Loc. adj. De Satan. Synon. de infernal, satanique, du diable (fam.).[Les deux femmes se battaient.] Les enfans criaient de leur côté; tout cela faisait une musique de Satan (Vidal, Delmart,Caserne, 1833, p. 309).V. pharisien ex. 2.
Expr. Synagogue de Satan. V. synagogue A.
d) En interj. ou loc. interj. Satan de sort! Christ et Satan! cria le capitaine. Voilà une parole qui s'attaque rarement à l'oreille d'un Châteaupers! tu n'oserais pas la répéter (Hugo,N.-D. Paris, 1832, p. 336).− Le temps nous presse, mon oncle (...). Sir Williams bondit sur son siège. − Par Satan! s'écria-t-il, tu as grandement raison, mon neveu (Ponson du Terr.,Rocambole, t. 3, 1859, p. 221).
2. [P. réf. aux caractères attribués à Satan]
a) Personne qui évoque Satan ou un démon
Personne qui évoque Satan ou un démon par son apparence physique. Figurez-vous un vieux Satan, père d'un ange, et se rafraîchissant à ce divin contact, vous aurez une idée de Peyrade et de sa fille (Balzac,Splend. et mis., 1844, p. 150).
[À propos d'un animal] Vous ne pensiez pas qu'un chat mangeât des fraises? Mais je sais bien, pour l'avoir vu tant de fois, que ce Satan noir, Babou, interminable et sinueux comme une anguille, choisissait en gourmet, dans le potager de MmePomié, les plus mûres des « caprons blancs » (Colette,Mais. Cl., 1922, p. 84).
Personne qui évoque Satan ou un démon par des pouvoirs qui semblent surnaturels; p. ext., par son comportement hors du commun, singulier. Ainsi la Littérature en période de Terreur accueille-t-elle volontiers, si elle ne va pas jusqu'à les appeler − comme les sports semblent parfois encourager les champions difformes, coureurs cagneux, cyclistes poitrinaires − des poètes fous et des logiciens absurdes, de petits ou grands Satans de l'encrier (Paulhan,Fleurs Tarbes, 1941, p. 162).
Personne qui évoque Satan ou un démon par sa perversité, son penchant pour le mal, le vice. Croyez-vous que Lovelace existe? Il y a cinq cents dandys par génération qui sont, à eux tous, ce Satan moderne (Balzac, Œuvres div., t. 3, 1846, p. 648).Ce rire [des enfants] n'est pas tout à fait exempt d'ambition, ainsi qu'il convient à des bouts d'hommes, c'est-à-dire à des Satans en herbe (Baudel.,Curios. esthét., 1855, p. 174).
[Avec sens atténué]
Ce/mon satan de + n. propre.Mon satan de Robert a fait mieux depuis (Druon,Poisons couronne, 1956, p. 88).
[En appellatif, avec parfois valeur affective] Paul n'avait que trois ans. − Vilain petit satan! Méchant enfant! Le voir m'exaspère! Va-t-en! Va-t-en! je te battrais! Il est insupportable (Hugo,Légende, t. 5, 1877, p. 1145).On s'est appelé: mon chérubin! ou mon petit Satan! et toutes les cochonneries sublunaires, aussi bien que les sottises les plus triomphales, ont été pratiquées sous d'arbitraires invocations qui déshonoraient à la fois le ciel et l'enfer (Bloy,Femme pauvre, 1897, p. 102).
Rare, au fém. Méchante femme, explosa Gaston! Bougresse! Satane! Ah! j'te va claquer à gifles... si... si tu redis ça de maman! (La Varende,Centaure de Dieu, 1938, p. 26).
b) [Chez les Musulmans intégristes, pour qualifier des états ennemis, p. réf. au pouvoir corrupteur de Satan] Le Djihad islamique [groupe partisan de la « Révolution islamique »] espère bien mettre à genoux le petit Satan français comme il l'a fait au grand Satan américain (Le Nouvel Observateur, 14-20 mars 1986, p. 40, col. 1).
P. ext. [Pour qualifier un adversaire] Il aura fallu quinze jours à Chirac pour comprendre. Comprendre qu'il ne s'agissait pas d'un monôme manipulé par de grands Satans roses. Mais bel et bien d'une révolte des jeunes (L'Événement du jeudi, 11-17 déc. 1986, p. 10, col. 1).
II. − BOT. Bolet de Satan ou, en appos., bolet Satan. Bolet à chapeau blanchâtre, à chair bleuissant à la cassure, à tubes rouges et pied veiné de rouge. D'autres champignons sont seulement indigestes, mais non mortels; tels sont divers Bolets, dont le Bolet Satan (Plantefol,Bot. et biol. végét., t. 2, 1931, p. 165).La peau de son crâne, sous l'afflux du sang, prenait la teinte sombre du bolet satan (H. Bazin,Bur. mariages, 1951, p. 183).V. bolet ex. 2.
REM. 1.
Satanille, subst. masc.Petit démon. V. démoncule rem. s.v. démon ex.
2.
Satanocratique, adj.Qui a rapport au pouvoir exercé par Satan. [Une erreur] consiste à faire du monde et de la cité terrestre purement et simplement le règne de Satan, le domaine seulement du diable (...). C'est ce qu'on pourrait appeler une conception satanocratique du monde et de la cité politique (Maritain,Human. intégr., 1936, p. 113).
Prononc. et Orth.: [satɑ ̃]. Ac. 1694: sathan; dep. 1718: -tan. Étymol. et Hist. 1. Fin xes. Satanas « Satan, l'esprit du mal » (Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 489: lo Satanas); ca 1100 (Roland, éd. J. Bédier, 1268: l'anme de lui en portet Sathanas); ca 1125 Sathan (Grant mal fist Adam, éd. W. Suchier, 1: le Sathan); mil. xiies. (Jeu Adam, éd. W. Noomen, 1356: a Satan); 2. ca 1130 Satenas fig. « personne méchante » (Gormont et Isembart, éd. A. Bayot, 507: le Satenas); ca 1175 satan (Chronique Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 17267: un satan). Empr. au lat. chrét.Satan (A.T.), Satanas (N.T.) « Satan, l'esprit du mal », gr. Σ α τ α ̃ ν (A.T.), Σ α τ α ν α ̃ ς (N.T.), empr. à l'hébr. biblique śāṭān « adversaire, accusateur; Satan ». Bbg. Greimas (A.-J.). Nouv. dat. Fr. mod. 1952, t. 20, p. 307.