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SARRASIN1, -INE, SARRAZIN1, -INE, subst. et adj.
A. −
1. Substantif
a) masc. plur. Population musulmane d'Afrique, d'Espagne et d'Orient au Moyen Âge. Synon. maures.Les Sarrasins de la côte d'Afrique, dont les vaisseaux venaient sans cesse troubler le commerce sur les côtes d'Italie (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 2, 1821-24, p. 3).Surviennent les Sarrazins; ils renversent les cathédrales romaines et courent jusqu'à Poitiers où ils se brisent (Vigny, Mém. inéd., 1863, p. 12).V. barbaresque ex. 3.
b) masc. ou fém. Personne appartenant à la population musulmane du Moyen Âge. Synon. impie, infidèle, mécréant.La jeune vierge, épouvantée de l'audace du Musulman, se rejette en arrière (...), elle s'étoit figuré un Sarrazin comme la plus hideuse des créatures (...): au lieu des traits du démon, elle aperçoit la plus majestueuse figure, un air fier et martial (Cottin, Mathilde, t. 1, 1805, p. 103).Au milieu des Sarrasines du harem, devenues les épouses des chrétiens, brille d'un éclat royal la belle Oriante (Barrès, Jard. Oronte, 1922, p. 138).
2. Adjectif
a) [En parlant d'une pers.] Qui appartenait à la population musulmane du Moyen Âge. Les Arabes se cantonnent en Espagne; la lutte continue entre eux et les chrétiens (...). Des bandes sarrasines infestent encore de temps en temps les côtes de la Méditerranée (Guizot, Hist. civilis., leçon 3, 1828, p. 31).Les réminiscences confuses de la littérature païenne et les premières influences des docteurs sarrasins encouragèrent le scepticisme (Ozanam, Philos. Dante, 1838, p. 39).
b) [P. méton.;] [en parlant d'une chose] Relatif aux Sarrasins. Il y avait (...) des armures sarrasines d'une grâce infinie (...) ces boucliers damasquinés d'or m'ont donné (...) une vive admiration pour les émirs (France, P. Nozière, 1899, p. 95).Au milieu du silence de cette nuit d'Orient, les fanfares sarrasines éclatent en un vacarme assourdissant et les Croisés se voient cernés et criblés de traits par l'ennemi (Grousset, Croisades, 1939, p. 346).V. habit ex. de Cottin.
− Domaine artist. ou techn.Qui a été construit par les Sarrasins ou à l'époque des Sarrasins. Herse sarrasine; tour sarrasine. Les fûts élégants et couronnés de longues feuilles qui distinguent les colonnes sarrasines de la cathédrale d'Arles (Balzac, Passion ds désert, 1836, p. 390).[À l'église Saint-Marc de Venise] Des portes sarrasines font luire leur treillage de petits fers à cheval entre de bizarres chapiteaux (Taine, Voy. Ital., t. 2, 1866, p. 273).
Architecture, style sarrasin(e). ,,Gothique moderne, formé du mélange du vieux gothique et du style byzantin avec l'architecture arabe et mauresque, et dans lequel ne tardèrent pas à se manifester l'ogive, les formes aiguës et anguleuses, et des ornements à l'infini`` (Jossier 1881). Des ouvriers ciseleurs qui (...) entourèrent la tour d'ornements en ogives empruntés à l'architecture sarrasine dont l'on voit de si beaux restes en Espagne (Stendhal, Lamiel, 1842, p. 87).Restes des anciens remparts. La porte de la victoire (de l'époque des croisades)? Vrai style sarrasin du Moyen âge (Fromentin, Voy. Égypte, 1869, p. 153).
Tuiles sarrasines. Tuiles larges et plates de la vieille Provence. (Dict. xixeet xxes.).
3. Adjectif
a) [En parlant d'une pers., de son aspect] Qui provient des Sarrasins du Moyen Âge ou qui les évoque. Un homme au profil sarrazin, nez en bec d'aigle (...), vieille tête d'oiseau de proie (Vogüé, Morts, 1899, p. 97).L'homme y est fier [en Morbihan] (...); la femme, très fine et courageuse, avec, dans l'extrême jeunesse, une grâce un peu sarrasine (La Varende, Cadoudal, 1952, p. 17).V. apparent ex. 3.
b) [En parlant d'une chose] Synon. de arabe, oriental.Sur la grève déserte battait, toujours à la même place (...), la mer grecque et romaine, la mer ibérique et sarrasine (Montherl., Bestiaires, 1926, p. 567).
B. − Arg. de l'impr., vieilli, subst. masc.
1. Ouvrier non syndiqué. On a souvent (...) critiqué le rôle des syndicats (...). On leur a reproché leur esprit d'intolérance, leurs persécutions contre les ouvriers indépendants − les sarrasins (Martin Saint-Léon, Compagn., 1901, p. 361).
2. Ouvrier qui travaille dans une imprimerie mise à l'index ou qui travaille au noir, au-dessous du tarif normal. Les imprimeries à l'index (...) sont celles où des femmes sont employées comme compositrices et où le travail n'est pas payé conformément au Tarif. Les ouvriers typographes qui consentent à y travailler sont désignés sous le nom de sarrasins (Boutmy, Typogr. paris., 1874, p. 43).
REM. 1.
Sarrasiner, verbe intrans.,arg. de l'impr. Travailler de manière illégale ou en dessous des tarifs syndicaux. (Dict. xxes.). Synon. travailler au noir*.
2.
Sarrasinois, -oise, subst. et adj.a) Subst., littér., archaïsant. Synon. de sarrasin (supra A 1 b).Sans moi, Sarrasinois immonde, Dans ton désert maudit tu rugirais encor (...) « Yaqoub le Sarrasin appartient à messire Charles de Savoisy (...) » (Dumas père, Charles VII, 1831, I, 2, p. 235).Les mains d'une jeune Sarrasinoise (...) peuvent-elles soutenir la fortune d'un état? Une nuit que l'émir reposait avec Oriante, des messagers épouvantés vinrent l'avertir que des troupes de chrétiens en armes descendaient de la montagne (Barrès, Jard. Oronte, 1922, p. 61).b) Adj. Synon. de sarrasin (supra A 2 b).En considération des services que votre connaissance des langues sarrasines nous réserve, (...) nous vous demandons de venir (...). Ainsi donnerez-vous plaisir à nos dames qui savent surtout le langage sarrasinois (Barrès, Jard. Oronte, 1922, p. 202).Ils poussent (...) en Italie, et fort au-delà, vers l'Orient sarrasinois (Faral, Vie temps st Louis, 1942, p. 64).
Prononc. et Orth.: [saʀazε ̃], fém. [-in]. Ac. dep. 1835: sarrasin. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 subst. et adj. ethniques (Roland, éd. J. Bédier, 147: li Sarrazins; 367: sarrazins messages); 2. 1842 style sarrasin, tuiles sarrasines (Ac. Compl.); 3. 1866 sarrasin subst., arg. typogr. « ouvrier qui consent à travailler au-dessous du tarif » (Delvau). Empr. au lat. médiév.Saraceni, nom des populations musulmanes du Proche-Orient, d'Afrique du Nord et d'Espagne, et celui-ci au gr. byz. Σ α ρ α κ η ν ο ι ́, att. dep. le vies. comme appellation gén. des Arabes (Kahane Byzanz, col. 402 et 429); en gr. tardif, Σ α ρ α κ η ν ο ι ́ désignait une population nomade d'Arabie, mentionnée au iies. par Ptolémée (cf. FEW t. 11, p. 219a), d'où le b. lat. Sarraceni (ive-ves.). Le gr. Σ α ρ α κ η ν ο ι ́ doit prob. être rattaché au topon. Saraka (Σ α ́ ρ α κ α), n. d'une ville d'Arabie heureuse citée par Ptolémée, et d'une région de la péninsule du Sinaï mentionnée au vies. par Étienne de Byzance (FEW Loc. cit.; Kl. Pauly, s.v. Saraka), et non à l'ar. šarqι ̄ « oriental », dér. de šarq « Orient » (cf. FEW t. 11, pp. 220-221, note 23). Bbg. Dauzat Ling. fr. 1946, p. 326. − Richard Kirchenterminologie 1959, pp. 54-55. − Tournier (M.). L'Envers de 1900. MOTS. 1982, n o5, p. 118.