| SACRIFICE, subst. masc. A. − RELIGION 1. Action sacrée par laquelle une personne, une communauté offre à la divinité, selon un certain rite, et pour se la concilier, une victime mise à mort (réellement ou symboliquement) ou des objets qu'elle abandonne ou brûle sur un autel. Synon. holocauste, immolation, oblation, offrande.Agréer un sacrifice; faire, offrir un sacrifice; offrir qqc. en sacrifice (à un dieu). Il l'instruisoit de tous les usages des sacrifices: il lui montroit à choisir la génisse sans tache (...), à répandre l'orge sacrée (Chateaubr., Martyrs, t. 1, 1810, p. 128).V. autel ex. 3, bûcher1B 1 a ex. de Renan, hécatombe ex. 1, holocauste ex. 1 et oblation ex. 1: Le sacrifice est l'action sacrée par excellence. Il déploie la variété de ses formes entre l'offrande, qui en est le plus bas degré, et le martyre, où le sacrifiant s'offre lui-même comme victime. Si l'on supprime le sacrifice, le culte perd sa fonction essentielle, la mythologie ou la théologie s'appauvrissent d'un de leurs dynamismes créateurs, et l'ascétique, la morale d'une dimension maîtresse.
Philos., Relig., 1957, p. 34-13. SYNT. Sacrifice agréable (à Dieu, aux dieux); sacrifice privé, public, rituel, solennel; sacrifices païens; sacrifice d'animaux; sacrifice d'action de grâces, d'adoration, de communion, de louange; sacrifice expiatoire, propitiatoire; appareil, apprêts, rites du sacrifice; autel, couteau, parfum, sang, viande, victime du sacrifice. − En partic. ♦ Sacrifice humain. Sacrifice dans lequel on immole une personne offerte comme victime. Sacrifice d'enfants, d'une jeune fille, de captifs. Ce fut assez vite le sentiment commun, le sacrifice humain loin d'alléger fit horreur (G. Bataille, Exp. int., 1943, p. 207). ♦ RELIG. JUIVE. Sacrifice perpétuel, quotidien. Sacrifice ,,offert deux fois par jour, vers 9 h et vers 15 h. Il comportait l'immolation d'un agneau d'un an, l'oblation de farine mélangée d'huile et une libation de vin`` (Dheilly 1964). ♦ Sacrifice sanglant. Sacrifice comportant la mise à mort d'une victime. Le sacrifice [à Rome] qui était une offrande ou une expiation pouvait être sanglant ou non sanglant. Dans le second cas, on offrait des gâteaux, des produits de la terre ou encore on pratiquait des libations (Pell.1972). − Sacrifice de (+ nom propre).[Le compl. désigne celui qui offre le sacrifice] Sacrifice d'Abel, de Caïn. Le sacrifice d'Abraham est la figure de la Passion (Flaub., Bouvard, t. 2, 1880, p. 130).[Le compl. désigne la victime] Sacrifice d'Iphigénie. Dieu est dans le sacrifice de Régulus et de Socrate, comme il est dans celui de Jésus (P. Leroux, Humanité, 1840, p. 933). 2. RELIG. CHRÉT. Sacrifice du Christ, sacrifice du calvaire, de la croix. Sacrifice parfait du Christ s'offrant à Dieu son père, sur la croix, en oblation unique pour le salut de l'homme et renouvelé dans l'Eucharistie. La théologie nous enseigne que la messe, telle qu'elle se célèbre, est le renouvellement du sacrifice du calvaire (Huysmans, Là-bas, t. 2, 1891, p. 183).La notion de l'eucharistie répétition du sacrifice de la croix (Philos., Relig., 1957, p. 5-12).V. oblation ex. 1. ♦ THÉOL. CATH. Sacrifice (de la messe, de l'autel); sacrifice eucharistique; saint sacrifice (de la messe). Renouvellement sur l'autel du sacrifice de Jésus-Christ sur la croix, par le ministère du prêtre. Synon. messe.Ne négligez pas d'assister au divin sacrifice; il est la source de toutes les grâces et le complément de tous les dons (Lamennais, Lettres Cottu, 1818, p. 4).Jamais il n'avait senti si profondément le désir d'être prêtre et de célébrer à son tour le saint sacrifice (A. France, Orme, 1897, p. 20).Savez-vous que la messe, le sacrifice de la messe est l'acte unique d'obéissance, l'acte essentiel (Bloy, Journal, 1899, p. 344).V. messe ex. de Billy. B. − 1. Renoncement, privation que l'on s'impose volontairement ou que l'on est forcé de subir soit en vue d'un bien ou d'un intérêt supérieur, soit par amour pour quelqu'un. Grand, petit, gros sacrifice; accomplir, offrir un, des sacrifice(s); accepter le sacrifice (de qqn, de qqc.); consentir à un sacrifice. Alors son oncle essaya de la consoler de l'énorme sacrifice de quatre robes qu'elle venait de faire (Stendhal, Lamiel, 1842, p. 130).Albert (...) ne comptait pas comme un mince sacrifice celui d'être privé des cigares du café de Paris (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 500).V. holocauste ex. 2. ♦ Vieilli. Faire un sacrifice à qqn. Puisque ta mère t'a commandé de faire le plus grand des sacrifices à ton frère l'aveugle, tous les autres sacrifices que tu pourras faire aux autres seront bien faciles et bien légers (Lamart., Tailleur pierre, 1851, p. 495). SYNT. Sacrifice généreux, héroïque, douloureux; sacrifice de son bonheur, de son cœur, de son orgueil; sacrifice de sa fortune, de sa situation, de son temps, de sa vie; douleur, force, grandeur, magnanimité, prix du sacrifice; s'imposer un, des sacrifice(s); être prêt au sacrifice; recueillir le fruit de son sacrifice; aller jusqu'au bout de son sacrifice. 2. En partic. a) RELIG. CHRÉT. Sacrifice (moral, spirituel). Offrande à Dieu d'un acte de renoncement, d'une privation en union avec le sacrifice du Christ. Elle repoussait tout dessert. Elle refusait la barre de chocolat du goûter. M. Georges était trop au courant des habitudes pieuses. Il y vit des « sacrifices » (La Varende, Indulg. plén., 1951, p. 211). − Vieilli. Faire des sacrifices à. Tout passe en ce monde, nos douces jouissances d'abord, ces fleurs de la vie. Il faut en faire des sacrifices à Dieu (E. de Guérin, Lettres, 1846, p. 478). b) Sacrifice (de soi). [Corresp. à se sacrifier] Fait de renoncer à ses intérêts propres voire à sa propre vie, pour un idéal ou par amour de son prochain. Synon. dévouement.Faire le sacrifice de soi. La vertu roide et domestique (...) d'une lignée de femmes irréprochables, obscures, tenaces dans le bien, à la fois sages et ingénues, toujours prêtes à l'oubli de soi, au renoncement, au sacrifice, enragées à se sacrifier (Bernanos, Dialog. ombres, 1928, p. 52).Alvaro: Car tu te sacrifies, n'est-ce pas? La générosité, c'est toujours le sacrifice de soi; il en est l'essence. Tu te sacrifies, Mariana? (Montherl., Maître Sant., 1947, iii, 5, p. 654). − Esprit de sacrifice. V. esprit 2esection II A loc. c) Sacrifice (financier, d'argent). Fait de renoncer à un gain, de se priver pour consacrer une somme d'argent à un autre usage d'intérêt supérieur. Consentir à des sacrifices; économiser à force de sacrifices. Le titre d'avocat équivaut à une profession. Les familles font à l'envi de grands sacrifices pour pousser les enfants jusque-là (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 107).Vous n'avez fait aucun sacrifice, s'écria Simon. J'ai passé tous mes examens comme boursier, j'ai crevé de faim (Druon, Gdes fam., t. 1, 1948, p. 29). − COMM. Rabais que fait un vendeur. Le prix naturel [d'une marchandise] est donc composé des sacrifices antérieurs, faits par le vendeur (Destutt de Tr., Comment. sur Espr. des lois, 1807, p. 263).P. exagér. Et le prix, mesdames et messieurs, il est minime et dérisoire. Ce n'est pas une vente que je fais, c'est un sacrifice (Arnoux, Paris, 1939, p. 173). d) Sacrifices (d'hommes). Perte en soldats au cours d'une bataille, d'une guerre. Finalement, après des sacrifices immenses d'hommes et d'argent, ils [les Autrichiens] furent heureux d'accorder les honneurs de la guerre aux défenseurs (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 409). e) ÉCON. Sacrifice d'un animal. Mise à mort d'un animal pour la consommation ou en cas d'accident ou de maladie. Synon. abattage.L'intérêt conduit au sacrifice d'un animal [bœuf] de 11 à 16 mois, pesant de 400 à 500 kg (Wolkowitsch, Élev., 1966, p. 155). C. − Sacrifice à (+ subst.).Action de se plier, de plus ou moins bon gré, à quelqu'un ou à quelque chose. Synon. concession.Des sacrifices à l'opinion, moi! Et à quel titre? (Toepffer, Nouv. genev., 1839, p. 430).Ce fut [bitumer une entrée], d'ailleurs, le seul sacrifice aux architectes modernes qu'il accepta jamais (Zola, Curée, 1872, p. 399). D. − ARTS, LITT., au plur. Suppression de détails dans une composition, une peinture pour donner plus de vigueur à l'ensemble. Quelles tortures ce polisson de passage m'aura fait subir! Je fais des sacrifices de détail qui me font pleurer (Flaub., Corresp., 1853, p. 381).On remarque dans les ouvrages des Hollandais et des Flamands (...) un art même de dérober les sacrifices qui charme l'imagination (Delacroix, Journal, 1857, p. 142). REM. Sacrification, subst. fém.,rare. a) Littér. Action de sacrifier. [L'affaire Dreyfus] allait éclater pour la sacrification de nos jeunesses (Péguy, V.-M., comte Hugo, 1910, p. 765).b) Écon. ,,Opération consistant à se priver d'un animal qu'il est nécessaire d'abattre prématurément d'un point de vue économique (accident, maladie)`` (Termes nouv. Sc. Techn. 1983). Prononc. et Orth.: [sakʀifis]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1119 « offrande à la divinité » (Philippe de Thaon, Comput, éd. E. Mall, 705); b) 1remoit. xiies. en partic. « mort du Christ pour la rédemption du genre humain » (Psautier de Cambridge, éd. Fr. Michel, XIX, 3); 1694 sacrifice de Jesus-Christ (Ac.); c) 1670 saint sacrifice « la messe » (Bossuet, Duch. d'Orl. ds Littré); 2. 1651 « abandon volontaire, renoncement » (Pascal, Lettre sur la mort de son père ds
Œuvres, éd. J. Mesnard, t. 2, p. 853). Empr. au lat.sacrificium « offrande à la divinité » (de sacrificare, v. sacrifier), et chez les aut. chrét. « le sacrifice eucharistique, la messe », « pain consacré, divines espèces » (v. Blaise Lat. chrét.). Fréq. abs. littér.: 4 792. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 9 124, b) 6 017; xxes.: a) 5 661, b) 5 964. DÉR. Sacrificiel, -ielle, adj.a) [En parlant d'un inanimé] Qui concerne le sacrifice, qui est propre aux sacrifices. Synon. vx sacrificatoire.Offrande sacrificielle; rite sacrificiel. P. métaph. La possibilité propre de l'être (...) c'est d'être fondement de soi comme conscience par l'acte sacrificiel qui le néantit (Sartre, Être et Néant, 1943, p. 124).b) [En parlant d'une pers. ou d'un ensemble de pers.] Littér. Qui est enclin au sacrifice de soi. Je suis Celte, Celte de la tête aux pieds, notre race est sacrificielle. La rage des causes perdues, quoi! (Bernanos, Journal curé camp., 1936, p. 1094).V. immoler ex. 2.− [sakʀifisjεl]. − 1reattest. 1931 (Bernanos, Gde peur, p. 181); de sacrifice, suff. -iel*. BBG. − Dub. Dér. 1962, p. 48 (s.v. sacrificiel). − Gall. 1955, p. 33. − Méditation sur le sacrifice. Foi Lang. 1981, n o1, pp. 73-74. |