| SABRE, subst. masc. A. − 1. Arme blanche à longue lame pointue, légèrement convexe du côté du tranchant dont la forme et la longueur varient suivant l'époque et le pays. Brandir, tirer un sabre; donner, recevoir un coup de sabre; sabre d'abordage, de cavalerie, de marine, d'officier; sabre de Damas; sabre cosaque, prussien; sabre au côté, à la main, au poing. Plonger son sabre jusqu'à la garde. L'infériorité des armes gauloises donna l'avantage aux Romains; le sabre gaulois ne frappait que de taille, et il était de si mauvaise trempe, qu'il pliait au premier coup (Michelet, Hist. romaine, t. 1, 1831, p. 201).Deux officiers, sabre au clair, marchant de chaque côté du président. A son arrivée dans la salle, le président s'installe au fauteuil présidentiel (Lidderdale, Parlement fr., 1954, p. 122). 2. P méton., SPORTS. Discipline sportive d'escrime, art du maniement de cette arme. Faire du sabre. À l'épée et au sabre, le bras armé est lancé en avant jusqu'à rupture d'équilibre (Jeux et sports, 1967, p. 1434). 3. Loc. et expr. a) Péj., vieilli. Traîneur de sabre. Militaire bravache et fanfaron; en partic., militaire par opposition à civil. Ces traîneurs de sabre (...) Ils se déguisent en bêtes fauves pour se faire peur entre eux, comme des Chinois! (Augier, MmeGuérin, 1865, p. 334). b) Fam. Sabre de bois! [Juron] Mais, sabre de bois! s'écria l'ecclésiastique, comment voulez-vous qu'un individu pris dans le mariage puisse garder, par exemple, le secret de la confession? (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 189). − Au fig. Être un sabre de bois (p. allus. à la batte d'Arlequin). Être sans pouvoir, sans force. Qui veut se dresser devant moi et me grincer des dents à la face, en jurant que je ne suis qu'un sabre de bois, et que comme un absurde bambin j'ai mené ma hoste dans ce désert, confondant avec des histoires lues marches et batailles? (Claudel, Tête d'Or, 1901, 3epart., p. 278). c) Avaleur de sabre. Saltimbanque dont le numéro consiste à introduire, ou faire semblant d'introduire, un sabre dans son tube digestif. Les bohêmes dont il est question dans ce livre (...) ne se recrutent pas davantage parmi les montreurs d'ours, les avaleurs de sabres (Murger, Scènes vie boh., 1851, p. 1). − Au fig. Personne qui a tendance à bluffer, qui cherche à en imposer. Appris la mort de Rodolphe Salis, l'avaleur de sabres littéraires et artistiques, le triste rodomont qu'il plut à Dieu de mettre au commencement de mes écritures, comme un avis paternel du néant de ce terrible labeur (Bloy, Journal, 1897, p. 244). 4. P. méton. [Symbole de la force des armes, du militarisme] Le sabre et le goupillon; la plume cède au sabre; le sabre, la soutane et la toge. Louis Bonaparte se hâta de se faire acquitter par les prétoriens complices. Après avoir massacré, le sabre vota (Hugo, Hist. crime, 1877, p. 66).Nous sommes au bord du crime final. Déjà Brisson n'existe plus, agenouillé sous le sabre. Je me refuse à croire que le peuple français hésite à exiger la justice au grand jour des criminels dont son aveuglement a fait ses maîtres (Clemenceau, Vers réparation, 1899, p. 220). B. − P. anal. Ce qui a la forme d'un sabre. 1. Partie d'une plante ou d'un élément anatomique ayant cette forme. L'éléphant avec ses grands sabres d'ivoire aux dents, dont le nez traîne, et qui se mouche sur son ventre, dans ses jambes (Renard, Journal, 1902, p. 768).Le bossu, lui, se contenta de leur envoyer une poignée de graviers. Et toutes [les grenouilles] de plonger entre les sabres des glaïeuls (Pourrat, Gaspard, 1925, p. 237).En appos. Haricot sabre, pois sabre. 2. Objet, instrument en forme de longue lame; en partic., rasoir à main à longue lame. Se raser au sabre. Ce manche de couteau coûte 40 francs, ce sabre de médecin 200 francs (Goncourt, Journal, 1889, p. 1024).La pose à joints vifs (...) conduit, en effet, à poser les lés bord à bord, ce qui implique un émargement très soigné (qu'on ne peut faire correctement qu'au rasoir ou avec un sabre spécial de poseur de papier.) (Bonnel-Tassan1966, p. 154). 3. Loc. adj. En coup, en lame de sabre. Qui rappelle la forme du sabre ou la blessure provoquée par un sabre. Pillerault (...) très grand, très maigre, avec des gestes saccadés et un nez en lame de sabre, dans un visage osseux de chevalier errant (Zola, Argent, 1891, p. 8).C'était Polichinelle! Celui dont nous nous moquions tous à cause de sa voix cassée (...) de son menton et de son nez, surtout, qui se rejoignaient sur une bouche en coup de sabre (Vialar, Morts viv., 1947, p. 68). C. − Argot 1. Membre viril. Même toute môme, Nini avait jamais été intéressée par le sabre (Pt Simonin ill., 1957, p. 255).Donner un coup de sabre. Synon. de sabrer (v. ce mot C).Les enfants nés du coup de sabre du samedi (A. Le Breton, Malfrats and Co, 1971, p. 24 ds Cellard-Rey 1980). 2. Manger la soupe avec un sabre. Avoir une très grande bouche. Une bouche grande à faire croire que le prévenu mange la soupe avec un sabre (Larch.1872, p. 171). REM. 1. Sabre-, élém. de compos.[Les mots constr. désignent certains types de sabres ou des armes proches du sabre par l'aspect, la fonction] a) 2. Sabre-baïonnette, subst. masc.Sabre court à double courbure ayant une partie tranchante du côté du dos et pouvant s'adapter au canon d'un fusil. Devenu tout à fait furieux, ce sous-officier avait tiré son sabre-baïonnette et courait en répandant l'épouvante sur son passage (Coppée, Vingt contes nouv., 1883, p. 239). b) Sabre(-)briquet,(Sabre briquet, Sabre-briquet) subst. masc.Sabre d'infanterie et de l'artillerie à pied utilisé jusqu'au xixes., légèrement courbé avec un faux tranchant vers la pointe. Quelques hommes vêtus en paysans et armés d'un sabre briquet suspendu à un baudrier servent de gardes (Du Camp, Hollande, 1859, p. 203). c) Sabre-épée, subst. masc.Sabre léger, presque droit, courbé uniquement à quelques centimètres de la pointe. Ils portaient le casque sans crins et la cuirasse de fer battu, avec les pistolets d'arçon dans les fontes et le long sabre-épée (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 395). d) Sabre-poignard, subst. masc.Lame droite à deux tranchants (d'apr. Bach.-Dez. 1882). -sabre, élém. de compos. Canne-sabre, subst. fém.Canne fourreau servant à masquer un sabre. J'avais pris avec moi une canne-sabre (...) achetée à la vente Behrens, qui, dans un gourdin noueux, cachait une de ces lames magnifiques capables de faire sauter une tête d'homme comme un pavot (Morand, Londres, 1933, p. 100). Prononc. et Orth.: [sɑ:bʀ], [sa:bʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1629 sable « arme blanche, à pointe et à tranchant, à lame plus ou moins recourbée » (ap. Giraud, L'Armement au moyen âge, t. 2, p. 87 ds Gay); 1647 sabre (Cleirac, Us et coustumes de la mer, Explication des termes de marine, p. 59); b) 1898 sports (La Vie au grand air, 1erjuin ds Petiot); 2. a) 1817 « la force militaire » (Staël, Consid. Révol. fr., t. 2, p. 345); b) av. 1836 traîneur de sabre « militaire fanfaron et belliqueux » (A. Carrel,
Œuvres, t. 5, p. 191 ds Littré); c) 1836 (Gautier, Mllede Maupin, p. 24: Qu'importe que ce soit un sabre, un goupillon ou un parapluie qui vous gouverne! − C'est toujours un bâton); 1899 (Clemenceau, Vers réparation, p. 80: la domination du sabre et du goupillon sur les esprits et sur les corps); 3. objets, instruments en forme de lame de sabre a) 1765 « instrument pour écrémer le verre » (Encyclop. t. 17, p. 141a-b, s.v. verrerie); b) 1842 « lame métallique servant à tailler les haies » (Ac. Compl.); c) 1870 haricot sabre (Littré); d) 1904 « tige métallique servant à opérer le sabrage des peaux de mouton brutes » (Nouv. Lar. ill.); e) 1964 « dérive allongée de certains yachts » (Lar. encyclop.). Empr. à l'all.Sabel (auj. Säbel), lui-même empr. au hongr. száblya, peut-être par l'intermédiaire du polon. szabla ou du russe sablja (FEW t. 17, p. 1; O. Jänicke ds Mél. Wartburg, 1968, t. 2, p. 441). Fréq. abs. littér.: 1 433. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 858, b) 3 619; xxes.: a) 2 707, b) 940. Bbg. Colomb. 1952/53, pp. 471-472. |