| SÉVÉRITÉ, subst. fém. A. − 1. [Corresp. à sévère A 1] Caractère d'une personne sévère. Sévérité agressive; montrer une sévérité impitoyable. L'homme qui, chaque jour, s'interroge sans faiblesse sur lui-même et se juge avec sévérité, devient rapidement meilleur (Coppée,Bonne souffr., 1898, p. 183). − [Avec un compl. prép.] Il redoubla tellement de sévérité envers notre cafetier, qu'il le fit mettre en prison pour récidive (Champfl.,Avent. MlleMariette, 1853, p. 139).Pour ma grand'mère et ma mère, il était trop visible que leur sévérité pour moi était voulue pour elles, et même leur coûtait (Proust,Prisonn., 1922, p. 108). 2. P. méton. a) Souvent au plur. Action ou jugement sévère; en partic., acte de répression physique. Un critique dont les sévérités honorent une œuvre et dont nous étions déjà les très-obligés, M. Jules Janin (Goncourt,Journal, 1860, p. 697).[Naïs] gardait pendant des semaines les épaules bleues des sévérités du père (...). La jeune fille, après ces corrections, restait frémissante (Zola,N. Micoulin, 1884, p. 16).Vous savez aussi bien que moi le résultat des sévérités excessives: la révolte, ou, ce qui est pire encore, l'hypocrisie (Martin du G.,Thib., Cah. gris, 1922, p. 687). b) [Corresp. à sévère A 2] Rigueur qu'exprime ou que manifeste une personne sévère. Ceci est du vaudeville, reprit Rodolphe d'un ton où la sévérité se mêlait à l'indulgence (Murger,Scènes vie boh., 1851, p. 72).Il sourit de nouveau, et mit dans sa voix une sorte de sévérité caressante: « Prends bien garde, Thibault, de tout croire ce que tu entends! » (Martin du G.,Thib., Été 14, 1936, p. 53). B. − Caractère austère, grave. 1. [Corresp. à sévère B 1; en parlant d'une pers.] Son regard indifférent à la salle bondée de monde illustre, aux sévérités des vieux visages de l'orchestre (...) ne cherchait obstinément de sa pupille aiguë, qu'une silhouette dans l'ombre (E. de Goncourt,Faustin, 1882, p. 204).Après le 10 décembre, date anniversaire de la mort de son mari, elle (...) adoucit légèrement la sévérité de ses toilettes (Feuillet,Veuve, 1884, p. 113). 2. [Corresp. à sévère B 2; en parlant d'un lieu, d'un paysage, d'un intérieur] On entendit les dernières paroles échangées sur le seuil, des paroles qui sonnèrent fâcheusement, dans la sévérité bourgeoise de l'escalier (Zola,Pot-Bouille, 1882, p. 222).Ce lieu n'est point mélancolique. La sévérité en est adoucie par la présence de quelques oliviers qui entourent l'enclos (Bosco,Mas Théot., 1945, p. 89). − Au plur. La vallée, qui est celle du Tarn, participant des douceurs de la Garonne et des sévérités de l'Auvergne, n'a pas encore les productions méridionales qu'on trouve pourtant à Bordeaux (Michelet,Oiseau, 1856, p. XII).Lieu affreux, lieu terrible, et dont les sévérités lui avaient toujours paru être l'iniquité de la justice et le crime de la loi (Hugo,Misér., t. 1, 1862, p. 678). 3. [Corresp. à sévère B 3; dans un cont. artist.] Absence d'ornement. Synon. austérité, froideur.Sévérité du langage. Il faut le grand art, la forme exquise et la sévérité de ton travail [de Flaubert] pour se passer des fleurs de la fantaisie (Sand,Corresp., t. 5, 1869, p. 337).Le vase grec, sauf les grandes amphores panathénaïques qui ont la sévérité de leur destination, le vase grec, quand on le regarde de près, vous accueille presque toujours avec une familiarité charmante (Faure,Hist. art, 1909, p. 129). C. − [Dans un cont. sc., intellectuel] Sérieux, rigueur (v. ce mot C). On m'avait donné une méthode, on avait mis dans mon esprit une sévérité scientifique qui ne pouvaient s'accommoder du dogmatisme de la plupart de ces traités (Jouffroy,Nouv. Mél. philos., 1842, p. 96).La rédaction d'un journal de province (...) est plus soignée, plus sérieuse, trop sérieuse parfois. Cette sévérité de la presse provinciale explique le succès prodigieux des hebdomadaires d'échos, légers et satiriques (Civilis. écr., 1939, p. 38-1). − [Corresp. à sévère C; dans un cont. admin., officiel] Rigueur. Malgré la vigilance de l'administration et la sévérité des lois fiscales, la contrebande est toujours considérable (Monopole et impôt sel, 1833, p. 34).Une sévérité accrue dans l'établissement des budgets (Univ. écon. et soc., 1960, p. 50-6). D. − [Corresp. à sévère D; en parlant des conditions naturelles, climatiques] Rigueur (v. ce mot B 3). L'hiver a repris ici avec une grande sévérité (Balzac,Lettres Étr., t. 3, 1845, p. 25). E. − [Corresp. à sévère E] Gravité (d'un état). Le docteur aussitôt appelé, déclara « préférer » la « sévérité », la « virulence » de la poussée fébrile qui accompagnait ma congestion pulmonaire et ne serait qu'un « feu de paille » à des formes plus « insidieuses » et « larvées » (Proust,J. filles en fleurs, 1918, p. 496). Rem. V. sévère rem. Prononc. et Orth.: [seveʀite]. Ac. 1694, 1718: severité; dep. 1740: sévé-. Étymol. et Hist. I. 1. Ca 1200 severiteit « rigueur, en parlant de Dieu » (Dialogue Grégoire, 206, 4 ds T.-L.); au plur. 1638 « actes témoignant de ce caractère » (Sully ds Dochez 1860: Le roi estait contrainct à user de pareilles sévérités); 2. 1530 « rigidité, rigueur, absence d'indulgence » (Palsgr., p. 264); 3. 1663 « caractère qui ne s'écarte pas de la règle morale » (Molière, Crit. de l'école des femmes, sc. III); 4. 1690 « caractère de ce qui n'est pas égayé par la fantaisie » ici en parlant du style d'un écrivain (Fur.). II. 1. 1808 « caractère de ce qui est durement ressenti » la sévérité d'une nature marâtre (Cabanis, Rapp. phys. et mor., t. 2, p. 31); 1810 la sévérité du climat (Staël, Allemagne, t. 1, p. 200); 2. 1918 méd. « gravité, caractère dangereux » (Proust, J. filles en fleurs, p. 496); 3. 1928 la sévérité des épreuves que nous traversons (Gyp, Souv. pte fille, p. 227). I empr. au lat. class. severitas « sévérité, austérité, gravité, sérieux; rigueur, dureté », dér. de severus, v. sévère. II empr. à l'angl. severity « rigueur d'un climat », 1676 the severity of the winter (Hale ds NED) « gravité d'une maladie », 1808 (Med. Jrnl, ibid.) « dureté d'une épreuve », 1890 (ibid.), lui-même dér. de severe, v. sévère. Fréq. abs. littér.: 997. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 903, b) 1 397; xxes.: a) 1 173, b) 1 161. |