| SÉDUIRE, verbe trans. A. − Rare. Séduire de.Détourner, séparer de. Il y a les sentiments qui (...) nous déconduisent, qui nous déramènent, qui nous séduisent de Dieu (Péguy, Myst. charité, 1910, p. 147). B. − 1. Vx. Induire en erreur, abuser. Synon. égarer, tromper.Quoiqu'il [le public] sache très bien que nos gazettes n'expriment par conséquent que la pensée des entrepreneurs de cette censure, cependant il se laisse séduire par des mensonges incessamment répétés (Chateaubr., Corresp., 1818, p. 27).Julie est ma cousine (...) Il y a des gens que cette quasi-fraternité pourrait séduire (Fromentin, Dominique, 1863, p. 228). 2. Détourner du droit chemin, du bien. Ce prestidigitateur a complètement séduit Lucien, il l'a entraîné dans une existence sans dignité sur laquelle, malheureusement pour lui, l'amour a jeté ses prestiges (Balzac, Illus. perdues, 1843, p. 574).Puisque vous aimez la mythologie chrétienne, demandez à la gnose de vous expliquer le mystère de la génération des êtres. Séduites par le serpent du désir, les âmes goûtent le fruit défendu de la volupté qui les fait tomber dans les bas-fonds de la matière (Ménard, Rêv. païen, 1876, p. 121). − En partic. Amener une femme à se donner en dehors du mariage. Synon. abuser, déshonorer, suborner, tomber (pop. et fam.).Cet homme l'aima (...) il pouvait la séduire, en faire sa maîtresse, puis l'abandonner; il l'épousa (Dumas père, C. Howard, 1834, v, 8etabl., 4, p. 310).En Grèce, Jupiter s'incarnait en taureau pour séduire Europe. Pasiphaé se donnait à un taureau blanc, qui la rendait mère du minotaure (Montherl., Bestiaires, 1926, p. 511). 3. Convaincre en mettant en œuvre tous les moyens de plaire. Le Prince de Schwarzenberg passe pour avoir été totalement séduit par les caresses de Napoléon, à Paris (...) se laisser séduire par Napoléon et se mettre réellement de son parti, c'est un peu fort (J. de Maistre, Corresp., 1812, p. 210).Les bureaux d'Orsenna, séduits par l'économie substantielle qu'elles apportaient dans la gestion de cette base dérisoire, fermaient les yeux depuis longtemps sur ces pratiques peu guerrières (Gracq, Syrtes, 1951, p. 26). − Absol. Le gouvernement ne disposait pas encore non plus de cette multitude infinie de faveurs, de secours, d'honneurs et d'argent qu'il peut distribuer aujourd'hui; il avait donc bien moins de moyens de séduire aussi bien que de contraindre (Tocqueville, Anc. Rég. et Révol., 1856, p. 192).Bossuet, Bourdaloue cherchaient à frapper. Chateaubriand, Hugo cherchent à étonner. Flaubert, ensuite, cherchera à séduire (L. Daudet, Ét. et mil. littér., 1927, p. 83). − Séduire qqn à qqc., à faire qqc.Les théories d'un artiste le séduisent toujours à aimer ce qu'il n'aime pas et n'aimer pas ce qu'il aime (Valéry, Litt., 1930, p. 110).Dans l'état actuel du monde, le danger de se laisser séduire à l'Histoire est plus grand que jamais il ne fut (Valéry, Regards sur monde act., 1931, p. 43). C. − Attirer de façon irrésistible. Le régent: Vous êtes revenu ici au péril de votre tête? Gaston: Monseigneur, je dois l'avouer, la liberté m'a d'abord séduit; mais (...) j'ai réfléchi! (Dumas père, Fille du régent, 1846, iv, 4, p. 239): L'étranger qui arrive, séduit par la beauté des fraîches et profondes vallées qui l'entourent, s'imagine d'abord que ses habitants sont sensibles au beau; ils ne parlent que trop souvent de la beauté de leur pays: on ne peut pas nier qu'ils n'en fassent grand cas; mais c'est parce qu'elle attire quelques étrangers dont l'argent enrichit les aubergistes, ce qui, par le mécanisme de l'octroi, rapporte du revenu à la ville.
Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 9. Prononc. et Orth.: [sedɥi:ʀ], (il) séduit [-dɥi]. Ac. 1694, 1718: seduire; dep. 1740: sé-. Étymol. et Hist. 1. Déb. xiies. trans. « entraîner quelqu'un à commettre des fautes » (St Brendan, éd. I. Short et B. Merrilees, 310); 2. ca 1470 « induire en erreur, faire s'égarer » (George Chastellain, Chron., éd. Kervyn de Lettenhove, t. 3, p. 249); 3. 1538 « abuser, déshonorer une femme, une jeune fille » (Est.); 4. 1542 seduisant part. prés. adj. « propre à plaire » paroles seduisantes (E. Dolet ds Delb. Notes mss); 1698 trans. « charmer quelqu'un, l'attirer irrésistiblement en lui plaisant beaucoup » qui seduit & qui plaist (Boileau, Satires, éd. A. Cahen, XI, 96). Réfection d'apr. le lat. eccl. seducere « séduire, détourner du droit chemin », v. Blaise − en lat. class. « amener à part, à l'écart » (d'où chez Marot séduire qqn du droict chemin « le détourner du droit chemin »; cf. aussi séduire qqn de Dieu, Péguy, loc. cit.) − de l'a. fr. souduire « id. », att. dès ca 1100 au part. prés. adj. traitur suduiant (Roland, éd. J. Bédier, 942), lui-même du lat. subdūcere « soulever; retirer » qui a dû prendre le sens de « séduire » en lat. pop., cf. de même l'ital. soddurre auj. en recul devant sedurre. Fréq. abs. littér.: 2 032. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3 960, b) 2 333; xxes.: a) 2 628, b) 2 429. |