| RUSTRE, subst. et adj. I. − Substantif A. − Vieilli ou littér. Paysan, habitant de la campagne. Synon. campagnard, rustaud.Et moi, je reste sergent? − Quoi? Ce n'est pas assez pour un homme de ta sorte, né rustre, fils d'un rustre? Souviens-toi donc, mon cher, que ton père est paysan (Courier, Pamphlets pol., Lettres partic., 1, 1820, p. 58).Le sol de terre brune, onduleux et battu par les sabots de quatre générations de rustres (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Diable, 1886, p. 234). B. − Péj. Personne grossière, brutale et sans éducation. Synon. brute, croquant, paysan, rustaud (péj.).Je sais que Bernard est un ours, un blaireau, comme dit mademoiselle Leblanc; un sauvage, un rustre, quoi encore? (Sand, Mauprat, 1837, p. 375).Savez-vous qui a dit cela (...)? Un rustre, un ignorant, un ennemi de bonnes études? Non, mais un gentil esprit, un homme très docte, le meilleur écrivain de son temps (A. France, Vie fleur, 1922, p. 338). II. − Adj., péj. Qui témoigne d'un manque de finesse, de savoir-vivre, d'éducation. Les concerts publics, les auditions mondaines ne sont pas son affaire. Il est trop rustre, trop frotté de la terre originelle. Il échoue (Farrère, Homme qui assass., 1907, p. 37).La belle et la bête (...) la bête vaut mieux qu'elle ne semble. Oh, elle n'est pas très dégrossie! Elle est maladroite, brutale, elle paraît bien rustre auprès de la belle si fine!... Mais elle a du cœur, oui, elle a une âme qui aspire à s'élever (Vercors, Sil. mer, 1942, p. 44). Prononc. et Orth.: [ʀystʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. xiies. subst. « homme grossier et brutal » (Raoul de Presles ds Delb. Notes mss); 1668 adj. « personne sans délicatesse, grossière » (La Fontaine, Fables, III, I, 34 ds
Œuvres, éd. H. Régnier, t. I, p. 201); 1751 « qui témoigne d'un manque de finesse, de courtoisie » ton rustre (Prévost, Clar. Harlove, p. 177); 2. 1678 « habitant de la campagne, paysan » (La Fontaine, op. cit., VI, XIX, 10 ds
Œuvres, éd. cit., t. II, p. 64). Réfection d'apr. le lat. rusticus, v. rustique de l'a. fr. ruiste, ruste; ca 1120 « sauvage (d'un animal) » bestes ruistes (St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 1062), « important (d'un conseil) » (ibid., 41), 1remoit. xiies. ruiste « grossier (d'une personne) » (Psautier Cambridge, 36 ds T.-L.), ca 1216 ruste « id. » (Guillaume Le Clerc, Fergus, éd. W. Frescoln, 334); cette forme était un représentant mi-savant de rusticus; au xives. cet adj., au contact du mot lat., a repris la signification de celui-ci, d'où le sens 1. À côté de rustre, ruste est att. jusqu'au xviies. ainsi fin xve-déb. xvies. au sens de « homme grossier » (Menot, Sermons choisis, éd. J. Nève, p. 446) et fin xves. au sens de « paysan » (Jean Molinet, Chron., éd. G. Doutrepont et O. Jodogne, t. I, p. 37). Fréq. abs. littér.: 175. DÉR. Rustrerie, subst. fém.,péj. Caractère, manière d'être et d'agir d'un rustre. Synon. brutalité, ignorance.C'est une amitié qui nous pèse et dans laquelle se débattent douloureusement nos sympathies littéraires, nos blessures de la rustrerie et de l'intolérance (Goncourt, Journal, 1866, p. 295).− [ʀystʀ
ə
ʀi]. − 1resattest. a) 1558 faire la rustrerie « faire bonne chère, vivre joyeusement » (B. des Périers, NllesRécréations et joyeux devis, éd. K. Kasprzyk, XLVIII, p. 196), sens bien att. au xvies., v. Hug. et Gdf.; b) 1866 « manière d'être d'un rustre » (Goncourt, loc. cit.); de rustre, suff. -erie*; att. d'abord sous la forme rusterie, dér. de ruste, var. anc. de rustre; fin xves. [ms.] au sens de « grossièreté, sottise » (Le Parnasse satyrique du XVes., éd. M. Schwob, p. 133), 1535 rusterye « pillage » (Chans. sur les mariniers de Dieppe, ap. Ler. de Lincy, Ch. hist. fr., II, 104 ds Gdf.), 1537 mener... rusterie « faire bombance » (Chans. du retour de la camp. du Piém., ibid.). BBG. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 10. − Sain. Arg. 1972 [1907], p. 257. |