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RUSE, subst. fém.
A. − VÉN. Expédient auquel le gibier a recours pour échapper à ses poursuivants. Ruse du cerf. Un lièvre (...) tâche donc de ruser, pour se débarrasser des chiens et le retour est l'une de ses ruses (La Hêtraie,Chasse, vén., fauconn., 1945, p. 156).
En partic. Ruse du renard. Habileté particulière du renard à déjouer les pièges. La ruse du renard est proverbiale. Un vieux renard sait que les pièges d'acier sont dangereux; il lui arrive de retourner le piège pour le fermer et s'emparer ensuite de l'appât (B. Brouillette,La Chasse des animaux à fourrure au Canada, Paris, Gallimard, 1931, p. 60).
B. −
1. Procédé habile dont on use pour tromper. Synon. artifice, feinte, stratagème, subterfuge.Ruse diabolique, grossière, subtile; connaître toutes les ruses de; mener, ourdir, déjouer, démêler une ruse; ruse d'un complot. Les voilà donc, ces ennemis atroces de votre liberté (...) parvenus, à force de ruses, de mensonges, d'impostures, de perfidies, d'atrocités, à soulever les citoyens contre les citoyens (Marat,Pamphlets, Affreux Réveil, 1790, p. 243):
Je comptais sans vos ruses profondes. À peine avais-je cessé d'être un homme que vous redeveniez une femme. Vous vous y connaissez en sortilèges et en machines de féerie! Vous usiez pour faire de moi un héros de toutes les armes qu'une femme emploie pour rendre un homme amoureux. Cocteau,Aigle, 1946, II, 5, p. 357.
Ruse d'Apache, de Sioux. [P. réf. au comportement attribué à ces peuples] Il eut des ruses de Sioux pour passer devant la venta sans être vu par des femmes du monde (Montherl.,Bestiaires, 1926, p. 482).Je déploierai des ruses d'Apache pour me procurer un sac de malheureux bonbons à la menthe (H. Bazin,Vipère, 1948, p. 172).
Ruse de guerre. Procédé dont on use à la guerre pour tromper l'ennemi sur ses intentions. Rodrigue serait déshonoré instantanément si contre le comte, dans un combat singulier, il usait d'une ruse de guerre; s'il en usait autrement que contre les Maures et dans la grande guerre; ce serait frauder le combat de Dieu (Péguy,V.-M., comte Hugo, 1910, p. 805).
P. anal. Mais lorsqu'elle s'aperçut que c'était une ruse de guerre, elle retrouva le sang-froid qui convenait à son innocence et à sa dignité (Sand,Consuelo, t. 2, 1842-43, p. 205).
Ruse innocente. Finesse, subtilité dont on use dans une bonne intention. La prière est parfois une ruse innocente, un moyen comme un autre de fuir, d'échapper (Bernanos,Joie, 1929, p. 675).
Au plur.
Ruses de l'enfer, de Satan; ruses infernales. Suggestions insidieuses du démon pour induire l'homme en tentation. Toute beauté et toute volupté étant mises hors de ce monde, elle [la femme] n'était plus, sur la terre, que la beauté et la volupté condamnées, tenues pour diaboliques, dénoncées comme des ruses de Satan (Zola,Vérité, 1902, p. 288).
Les ruses du métier. Artifices auxquels on a recours pour résoudre habilement une difficulté. Synon. ficelles.Tout agioteur, connu pour tel, est frappé de réprobation comme un joueur de profession qui connaît et pratique les ruses du métier (Boyard,Bourse et spécul., 1853, p. 182).
2. Fam. Astuce, truc permettant de résoudre une difficulté, de faire quelque chose (d'apr. Rob. 1985).
C. − Au sing. Habileté à feindre pour arriver à ses fins; art de tromper. Synon. roublardise (fam.), rouerie.Opposer la force à la ruse, la ruse à la ruse; recourir à la ruse; user de ruse; extorquer, obtenir par (la) ruse. Cet homme et cette femme, c'était ruse et rage mariés ensemble (Hugo,Misér., t. 1, 1862, p. 460).La petite (...) avait un visage plein de ruse, audacieux et fin (Genevoix,Raboliot, 1925, p. 92).
Prononc. et Orth.: [ʀy:z]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1180 « détours du gibier dans sa fuite » (Vie de St Gilles, 1601 ds T.-L.); 2. ca 1280 « tromperie, astuce, feinte » (Merveilles Rigomer, 13390, ibid.). Déverbal de l'a. fr. reuser, ruser « repousser, faire pencher, faire repartir » (déb. xiies., St Brendan, 1232 ds T.-L.) et « se retirer, reculer » (Brut, éd. I. Arnold, 4281) issu du lat. recusare « repousser, refuser » (v. récuser étymol.), une infl. des formes du Nord de la France expliquant l'effacement du -c- dans le Sud (cf. a. prov. reüsar, raüsar, rahusar, v. Levy Prov. t. 3 1915 et G. Paris ds Romania t. 1, pp. 233-234). Un étymon *refusare (v. refuser) (A. Thomas, ibid., t. 39, p. 392; Meyer-Lübke 1913, § 122; G. Tilander ds St neophilol. t. 18, 1945-46, pp. 13-17) est moins satisfaisant du point de vue sém. et fait difficulté quant au traitement du -f- relativement aux hyp. proposées pour la formation de *refusare (P. Lebel ds Mél. Dauzat (A.) 1951, p. 188; cf. aussi l'a. prov. rebuzar « décliner, empirer » et « marcher en arrière, reculer » (fig.) Levy Prov. t. 3 1915), FEW, G. Paris, loc. cit. et G. Tilander, loc. cit. rejetant l'hyp. d'un étymon *retusare, dér. du rad. du supin du lat. retundere « rabattre, émousser, repousser », proposée par Gröber ds Archiv. für lateinische Lexikographie, 5, 234 (FEW t. 10, pp. 168-170). Fréq. abs. littér.: 1 601. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 242, b) 1 746; xxes.: a) 2 120, b) 2 692.