| RUPTURE, subst. fém. Action de rompre ou de se rompre; résultat de cette action. A. − 1. Fracture d'une chose solide en deux ou plusieurs parties sous l'effet d'efforts ou de contraintes trop intenses. Rupture de câble, d'essieu; charge, coefficient, limite, point de rupture (en mécan.). Il faut éviter autant que possible de poser les conduites dans des terrains rapportés, qui risquent toujours de se tasser, et par suite de provoquer la rupture de la conduite (Quéret,Industr. gaz, 1923, p. 197): 1. Il arriva fréquemment que le moine architecte, dépourvu sans doute de riches matériaux pour établir l'entablement [du porche d'une basilique] (...) plaça au-dessus de chaque entre-colonnement un arc en briques, très-surbaissé, pour décharger l'architrave des constructions supérieures, et par ce moyen éviter sa rupture.
Lenoir,Archit. monast., 1852, pp. 123-124. − ARM. Obus de rupture. Projectile à grande force de pénétration destiné à perforer les blindages. Et cet obus est tombé en effet, un obus de rupture énorme, un 310. Il a frappé le parados devant moi (...) J'en garde le souvenir d'un coup de massue effroyable, derrière la nuque (Genevoix,Routes avent., 1958, p. 171). − PHYS. NUCL. Rupture du noyau de l'atome. Synon. fission. (Dict. xxes.). 2. Coupure, déchirure d'une chose souple. Un frein, prévu sur le cadre porte-bobines, assure un arrêt rapide de la bobine lors de la rupture d'un fil ou lorsque la bobine de filature se vide (Thiébaut,Fabric. tissus, 1961, p. 33).C'est le caoutchouc à usage général dont on cherche actuellement à pallier les défauts (faible résistance à la rupture, à l'échauffement et au déchirement) en particulier en modifiant la température de fabrication et en l'étendant d'huile (Industr. fr. caoutch., 1965, p. 23). − MÉD. Destruction accidentelle de la continuité d'un organe, généralement par l'action d'une cause externe à l'organe. Rupture d'anévrisme. Les médecins constatèrent que le général était mort de la rupture d'un vaisseau du cœur (Feuillet,Camors, 1867, p. 340): 2. D'autre part, dans les formes hypertoxiques de la maladie, les ruptures vasculaires, les thromboses artérielles, les nécroses de la muqueuse intestinale qui sont les seules altérations organiques décelables en pareil cas, ne peuvent s'expliquer que par l'imprégnation des plexus sympathiques de l'organisme tout entier par l'endotoxine éberthienne...
Ce que la Fr. a apporté à la méd., 1946, p. 35. 3. Destruction due à la pression d'une force supérieure à la résistance qui lui est opposée. Rupture d'une digue. La tendance à la rupture [des terrains] par écrasement, [vient] se mêler à celle de la fracture par flexion transversale (Haton de La Goupillière,Exploitation mines, 1905, p. 100).À main droite et à sa hauteur, dans le prolongement même du névé qu'il traversait, une première crevasse largement ouverte et qu'on pouvait sonder de l'œil, à cause de son inclinaison, marquait le point de rupture du glacier (Ramuz,Gde peur mont., 1926, p. 196). − P. anal., ART MILIT. Rupture d'un front. (Dict. xxes.). B. − P. anal. ou au fig. 1. [À propos de choses] a) Interruption qui affecte brutalement le cours de sentiments, de situations, d'événements, etc., inscrits dans la durée. [Hulot] resta convaincu de la rupture de cette heureuse paix due au génie de Hoche et dont le maintien lui parut impossible (Balzac,Chouans, 1829, p. 21).Le Mexique fut le premier à nationaliser les sociétés anglo-américaines en 1938 malgré le blocus décidé aussitôt par celles-ci et la rupture des relations diplomatiques de la part de la Grande-Bretagne (Lesourd, Gérard,Hist. écon., 1966, p. 522). − Absol. Coupure brutale entre deux situations, deux états de fait, l'un(e) passé(e), l'autre actuel(le). Toute religion fondée sur l'idée d'une chute initiale se trouve en proie aux douleurs de la discontinuité. Mais une Création est une première rupture (Valéry,Tel quel II, 1943, p. 192).Le vrai fou, parce qu'il ne joue pas, possède authentiquement un domaine commun avec l'artiste: celui de la rupture. Et toute rupture nous semble conquise (...) Mais le fou est prisonnier du drame auquel il doit son apparente liberté: sa rupture, qui n'est pas conquise sur d'autres œuvres d'art − qui lui est imposée − n'est pas orientée (Malraux,Voix sil., 1951, p. 530). − En rupture avec.Kretschmer a poursuivi en effet ses recherches morphologiques par la statistique et la mensuration; il les met cependant en relation avec des types psychiques déterminés par ailleurs: schizoïdes et schizophrènes d'une part, en rupture avec le réel, cycloïdes et circulaires en face d'eux, adaptés et socialement consonants (Mounier,Traité caract., 1946, p. 217). b) Interruption qui affecte brutalement dans sa continuité la permanence d'un phénomène. Rupture de rythme. Mais s'il y a beaucoup de Baudouin repeints, il est encore un plus grand nombre de copies du temps, sans rupture de tons, à l'apparence mate et plâtreuse de papier peint (E. de Goncourt,Mais. artiste, t. 1, 1881, p. 43).Tout va bien. Déjà la moitié du programme de tir réalisé sans accrocs ni ruptures de la cadence (Arnoux,Roy. ombres, 1954, p. 50). − Rupture de pente. ,,Modification brusque et importante de la valeur d'une pente`` (Géomorphol. 1979). − CHIM., PEINT. Rupture (d'une émulsion). ,,Séparation irréversible des deux phases d'une émulsion par coalescence (ou coagulation) des globules`` (Choppy 1975). − INFORMAT. Rupture de séquence. ,,Arrêt du déroulement séquentiel d'un programme informatique à la suite d'une instruction d'essai, de saut ou d'interruption`` (Franterm Micro-informat. 1984). − PHYS. Étincelle de rupture. Étincelle qui éclate entre deux conducteurs d'un circuit parcouru par un courant lorsqu'on les sépare (d'apr. Sc. 1962). En adaptant [aux câbles] un interrupteur de sûreté placé au jour (fil fusible, coupe-circuit électromagnétique, etc.), on évite la production d'une étincelle de rupture dans l'atmosphère de la mine (Haton de La Goupillière,Exploitation mines, 1905, p. 630). − En rupture de ♦ En situation de manque. En rupture de stock. Il y a tout de même des gens qui ont misé toute leur passion sur une technique et pour qui s'édite une presse technique fort abondante: gens d'affaires et hommes de finances, cinéastes en train de tourner ou en rupture de studio (Civilis. écr., 1939, p. 36-13). ♦ Affranchi de certaines contraintes. Chrétien en rupture d'Église. Les mauvaises langues disent cela [que je suis déserteur] parce que j'ai quitté le régiment deux ans avant mon temps fini; mais (...) je suis en rupture de garnison (Dumas père, G. Lambert, 1844, prol., 12, p. 184). c) Annulation d'actes privés ou publics. Rupture d'un traité; rupture de ban (v. ban1II A 2).Il est, par ailleurs, impossible de lier les genres du droit aux contraintes, car le même genre de droit, selon les cadres sociaux et les circonstances, peut être accompagné par des contraintes différentes et des genres opposés de droit peuvent être sanctionnés par des contraintes identiques (par exemple la rupture du contrat pouvait être sanctionnée par la prison aussi bien que par une amende (...)) (Traité sociol., 1968, p. 179). ♦ Rupture abusive. ,,Résiliation du contrat de travail à durée indéterminée qui intervient en infraction aux dispositions légales ou contractuelles réglementant le licenciement`` (cida 1973). 2. [À propos de pers.] Séparation brutale entre des personnes unies par des liens étroits. Synon. désunion, division.Rupture de fiançailles, de mariage; lettre, scène de rupture. Béatrix m'aime (...) moi je ne l'aime plus; je n'accours pas pour l'emmener mais pour rompre avec elle et lui laisser les honneurs de cette rupture (Balzac,Béatrix, 1839, p. 233).Pour vous, Olivier, votre devoir est tout tracé. Vous renoncez à votre liaison avec la Soubiran et pour faciliter la rupture, vous renverrez cette créature aujourd'hui même (Aymé,Quatre vérités, 1954, p. 158).P. anal. Rupture socialo-communiste. Tous les débats d'ordre économique qui ont été à l'origine de la rupture socialo-communiste du 23 septembre devraient vous sembler parfaitement vains (Le Nouvel Observateur, 16 janv. 1978, p. 75, col. 1). REM. Rupturer, verbe trans.,méd. Provoquer une rupture. Cette poche peut se remplir d'aliments qui la distendent et peuvent arriver à la rupturer (Garcin,Guide vétér., 1944, p. 52). Prononc. et Orth.: [ʀypty:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) xives. [apr. 1328] « cassure, séparation en morceaux » (Poème moralisé sur les propriétés des choses, ms. Bibl. Nat. fr. 12483, éd. G. Raynaud, f o90, L, 2 ds Romania t. 14, p. 462); b) 1784 point de rupture ici, p. transpos. « tension extrême, état de crise » (Diderot, Élém. de physiol., p. 94); 2. a) 1441 « non respect, transgression d'une loi » (Archives dép. du Nord, B 642 ds Bibl. Éc. Chartes, t. 98, p. 308); b) 1616 rupture de la tresve (A. d'Aubigné, Hist. univ., I, X, éd. A. de Ruble, t. 1, p. 65); c) 1780 rupture de mon ban (Mirabeau, Lettres orig. écrites du donjon de Vincennes, t. 4, p. 309); 1868 au fig. en rupture de ban (A. Daudet, Pt Chose, p. 64); 3. a) 1538 méd. « hernie » (Est., p. 250); b) 1655 méd. rupture de ses organes (Cyrano de Bergerac, Estats et empires de la lune, p. 37); 4. a) 1566 « renvoi des différents corps d'une armée » rupture du camp de l'empereur (Lettres de Catherine de Médicis, éd. H. de La Ferrière, t. 2, p. 403, col. 2); b) 1601 « dissolution, dispersion » rupture du parlement (Cl. Fauchet, Fleur de la maison de Charlemaigne, p. 81); 5. a) 1602 « interruption, cessation » (Id., Déclin maison de Charlemagne, p. 115); b) 1688 spéc. rupture ... de ... table (Mmede Sévigné, Corresp., t. 3, pp. 405-406); 6. a) 1624 « destruction, annulation d'un lien entre des personnes » rupture du mariage (V. d'Audiguier, Les Amours d'Aristandre et de Cleonice, p. 210); b) 1648 « querelle, brouille » (G. de Balzac, Le Barbon ds
Œuvres, t. 2, 1665, p. 711); c) 1656 « séparation, fait de quitter, d'abandonner quelqu'un ou quelque chose » (Corneille, L'Imitation de J.-C., l. 1, chap. 6, p. 55: rupture avec les douceurs d'ici-bas); 7. 1629 « dégradation, destruction » rupture des chemins (N. de Peiresc, Lettres, éd. Tamizey de Larroque, t. 2, p. 179); 8. 1684 peint. Rupture des Couleurs (Du Fresnoy, Art de Peint., p. 52-55 ds Brunot t. 6, p. 738, note 1); 9. 1832 « discontinuité, forte variation d'aspect » (Hugo, N.-D. Paris, p. 140); 1933 spéc. rupture de pente (Malègue, Augustin, t. 1, p. 374). Empr. au lat.ruptura « rupture, bris », dér. du rad. du supin de rumpere (v. rompre) à côté des formes d'a. et m. fr. régulièrement issues du lat. ou demi-sav. telles que roture « déchirure » (1172-90, Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 3709), routure « hernie » (1262, Jean Le Marchand, Mir. N. D. Chartres, 89 ds T.-L., s.v. roture), ropture « non respect, transgression (d'une ordonnance) » (1404, 1recoll. de lois, n o139, f o34 v o, Arch. Fribourg ds Gdf., s.v. routure), ca 1500 rompture (d'une trêve, d'un mariage) (Philippe de Commynes, Mém., éd. J. Calmette, t. 1, p. 102 et t. 2, p. 247), et roupture « fracture, brèche » (1524, Reg. des délib. de l'Hôtel de ville d'Autun, ms. Troyes, 711 ds Gdf. Compl., s.v. rupture). Fréq. abs. littér.: 1 112. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 877, b) 1 492; xxes.: a) 1 441, b) 2 314. Bbg. Quem. DDL t. 25. |